L'humain au centre de l'action future

Le monde fantasmagorique de Saladi

Une exposition anthologique du peintre à l'Institut français de Marrakech
>«Je suis autodidacte, je ne connais pas les courants de la peinture (ni d'ici ni d'ailleurs). Je suis Saladi, Abbas Saladi. Je regarde. Seuls me nourrissent le beau et ses

24 Septembre 2007 À 15:52

L'artiste qui n'a jamais cessé d'exercer une forte fasci110n sur ses amateurs, est l'invité de Marrakech, sa ville natale, le temps d'une exposition anthologique organisée par l'Institut français, du 21 septembre au 10 novembre. Une occasion de plus pour redécouvrir l'univers allégorique d'un artiste pas comme les autres. Les œuvres proviennent de nombreuses collections privées.

Né en 1950, Abbas Saladi n'a eu que 42 ans pour livrer son message, sa vision. L'un des peintres marocains les plus talentueux, il s'est forgé un style personnel à part qu'aucun courant ne semble influencer. Une identité plastique propre sortie directement d'un esprit tourmenté. Saladi a souffert toute sa vie d'halluci110ns chroniques. Il a été amené à quitter les bancs de la Faculté des lettres de Rabat à cause de cette «infirmité» psychologique. Entre marabouts et sanctuaires, le jeune homme qui essayait désespérément de retrouver sa paix mentale, ne se doutait pas que son malaise serait une source d'inspiration inépuisable et exceptionnelle.

Une terre inconnue que nul n'a pu découvrir avant que Saladi ne se mette à peindre, suite à un conseil judicieux d'un psychiatre illuminé. Dessiner ! Et le voilà en train de lever le voile sur les créatures fabuleuses qui habitaient son esprit, puis son œuvre. Un monde surpeuplé d'êtres hybrides et de corps doubles. Sur ses toiles, des hommes arbres, des femmes oiseaux et des créatures mi-anges mi-démons coexistent pour construire une réalité, une vision, une histoire… Celle d'un homme au bord de la folie dont le mal-être exalte le talent et l'imaginaire.

En regardant ses œuvres, on a l'impression de plonger dans un vieux conte. Des personnages hauts en couleur fiers de leur nudité originelle, qui s'entrelacent en élevant vers le ciel des regards implorants. Allure mystérieuse de serpents volants, ces êtres se couvrent subitement de plumes et se voient pousser des branches. Pour Saladi, la stabilité n'existe pas.

Le changement, la dualité, l'hybridation, la métamorphose sont les seules constantes. L'imagi110n bouillonnante de l'artiste n'épargne rien … tout est transcendé et à volonté. C'était peut- être sa façon d'alléger son fardeau et d'exorciser ses démons. Partager ses visions et ses halluci110ns pourrait-il apaiser un esprit troublé à en frôler la folie ? Saladi en a fait une façon de damer le pion à son malaise. Les damiers, qui reviennent sur ses travaux comme des leitmotivs, le connotent si bien. Dans la plupart de ses œuvres, les protagonistes et les situations se placent sur un jeu de noir et blanc queles que soient les couleurs et les tons choisis.

C'est devenu chez Saladi, comme une base, une plate-forme pour toute transformation… peut- être un repère visuel qui représente une autre entité, mentale ou émotionnelle.


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«Célèbre, je mourrai !»

Dans son magma de couleurs, de métamorphoses et de visions, l'artiste n'a-t-il pas besoin d'un point de retour, d'une aire où son esprit pourra s'apaiser tout en se ressourçant? La nature omniprésente joue ce rôle délicat.


Animaux fabuleux, végétation luxuriante, oiseaux multicolores, créatures aquatiques, ils sont là, exaltés, stigmatisés et maniés jusqu'à se tordre par le pinceau tourmenté. Le rendu ? Un travail fascinant et mystérieux qui ne manque pas de troubler et devant lequel on reste perplexe : sommes-nous en mesure de partager, comme elle se doit, cette tranche de vie ?
Vendues au début sur la place Jemâa el Fna, les oeuvres de Saladi seront exposées par la suite au Maroc, en Espagne et en France.
En 1992, l'artiste meurtri meurt semi paralysé. Il a ainsi confirmé sa propre prophétie : «Quand je serai célèbre, je mourrai !». Chez Saladi, la folie et l'ingéniosité sont jumelles.
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