Corinne Troisi est née à Abidjan en Côte d'Ivoire, un pays qu'elle quitte encore petite fille. Mais elle en garde des souvenirs très précis : odeurs, saveurs et chaleur.
LE MATIN
28 Décembre 2007
À 17:27
«Nous avions un immense manguier dans le jardin et, malgré l'interdiction de ma mère, j'allais ramasser les fruits trop mûrs tombés de l'arbre», explique cette jeune Française. Après quelques années de présence dans l'Hexagone, sa famille revient en terre d'Afrique. Sa dernière année sur le continent noir, elle l'a vécue au Togo, où elle passe sa 6e année par correspondance. «C'est une période où il n'y a plus de contrainte d'école, mais l'apprentissage difficile du travail personnel et solitaire me force à organiser mon travail et mon temps libre. Je peux me concentrer des semaines entières, jour et nuit, et ne m'arrêter que lorsque j'ai fait le tour de la question», ajoute cette artiste peintre, qui expose à partir du jeudi 24 janvier 2008 au restaurant le Grand Comptoir à Rabat.
De retour en France, elle passe son bac et intègre l'Ecole normale pour devenir enseignante, spécialisée dans l'enfance inadaptée. Parallèlement, elle prépare une licence d'ethnologie et s'intéresse pour l'histoire des religions. Cette passionnée de l'Afrique enseigne durant cinq ans avant de se lancer dans le théâtre. Puis, elle opte pour le cinéma et devient directrice de production. Il y a quatre ans, elle laisse tomber tout pour se consacrer exclusivement à la peinture et à l'écriture de documentaires. Mais dans sa vie, un personnage l'a beaucoup marqué. «Lorsque j'avais 15 ou 16 ans, j'ai rencontré un peintre, Jean Bouvot, un vieux monsieur qui vivait à Auvers-sur-Oise, la ville de Van Gogh.
Il m'a ouvert la porte de son atelier, une vieille maison glaciale en hiver, avec une immense cheminée dans laquelle nous nous installions autour du feu pour y faire chauffer le thé, après avoir passé la journée à peindre. C'est tout près de cette cheminée qu'il m'a appris, au cours des années, tout ce que je sais sur l'histoire de l'art», raconte-t-elle. Installée depuis janvier dernier au Maroc, Corinne Troisi reconnaît avoir été fascinée par la médina de Fès qu'elle décrit comme un lieu hors du temps, un labyrinthe envoûtant, presque effrayant, qui en quelques jours peut happer le visiteur comme une toile d'araignée.
Et d'ajouter : «Comment parler du Maroc sans aborder son climat ? Où pourrais-je être mieux pour travailler qu'à Rabat où je peux installer mon chevalet dehors tous les jours, même en hiver ? La lumière y est tout à fait particulière. Elle sent l'Océan et la fleur d'oranger. Une lumière parfumée, changeante, vivante, inspirante, qui met de bonne humeur tout en incitant à la mélancolie. Elle est sans doute pour beaucoup dans la douceur de vivre ici. Et quand je parle de douceur de vivre, je ne parle pas de celle qui pousse à la paresse, mais plutôt de celle qui vous anime d'un élan constructif, de celle qui vous sort du lit dès l'aube pour attraper vos pinceaux et ne les lâcher à regret qu'au milieu de la nuit», lance-t-elle. Quant à ses rencontres culturelles dans notre pays, elle dit que les choses vont en grande vitesse.
Trois mois après son installation, elle participe au jury du Festival du film francophone de Safi. Pour ce qui est de ses lectures, cette ancienne enseignante lit plus d'essais que de romans et s'intéresse davantage à la philosophie, aux mystiques, à la sémantique, aux systèmes de sociétés, etc. «Je crois avoir tout lu de C.J. Jung, mon psychanalyste préféré. En même temps, je relis Kant et plusieurs essais sur la kabbale et la mystique soufie. Concernant mes goûts musicaux, je préfère Led Zepplin, Jeff Buckley, Stevie Wonder, Stravinsky, Bach», conclut-elle.