L'humain au centre de l'action future

Nour El Sherif, un maître pharaonique

L'artiste égyptien présent à la 7e édition du Festival international du film de Marrakech

16 Décembre 2007 À 14:19

On dit souvent qu'il y a deux types d'artistes : ceux qui trouvent et ceux qui cherchent. Les premiers assujettissent le monde à leur vision. Les seconds conditionnent leur vision à l'état du monde. Il y aurait ici, quelque chose de l'ordre de la maîtrise, là, quelque chose de l'ordre de l'épreuve.
L'artiste égyptien Nour El Sherif est du côté de l'épreuve. Débutant sa carrière en 1967 dans "Le Palais des désirs”, une adaptation de la trilogie du grand Naguib Mahfouz par Hassan Imam, il est considéré aujourd'hui comme un des grands maîtres des cinémas égyptien et arabe.

Présent à Marrakech à l'occasion de l'hommage qu'a rendu le Festival international du film au 7e Art du pays du Nil, Nour El Sherif a donné vendredi après-midi une leçon de cinéma, revenant point par point sur sa carrière de plus de 40 ans.
Les étudiants de l'Ecole supérieure des arts visuels où s'est déroulée cette séance instructive, venus nombreux pour l'occasion, n'ont pas été déçus.

Voix enrouée, lunettes chevauchées sur le nez, sourire juvénile, Nour El Sherif a "voituré” l'assistance pour un cours particulier de conduite cinématographique.
Touchant plusieurs points importants dans toute création de film (l'image, le son, la réalisation, l'acteur, le sujet…), la leçon souple et intelligente décrit pour l'essentiel un parcours exemplaire d'un acteur toujours à la recherche du défi.
«Avant d'accepter tout projet, je fais attention à deux choses: le contenu du travail en général et le défi que je vais relever à travers l'interprétation du rôle qu'on me propose», explique Nour El Sherif.

Il enchaîne : «Un bon acteur est celui qui réussit à se glisser dans la peau du personnage qu'il va interpréter, tout en gardant sa propre personnalité».
Enoncée en termes compréhensibles, cette brillante réflexion sur le 7e art témoigne d'une philosophie du cinéma qui emporte avec elle tout à la fois une vraie humilité et un immense orgueil, une vision simple et complexe.
Lauréat de l'Institut supérieur d'art dramatique du Caire en 1967, Nour El Sherif affirme que sa présence dans l'univers artistique est un vrai coup de chance. «Lorsque j'étais à l'Institut, mon rêve était de réaliser deux pièces de théâtre chaque deux mois dans les différentes provinces égyptiennes. Je ne savais pas que j'allais faire une carrière d'acteur. C'était au delà des mes espérances. C'est Adil Imam qui a proposé mon nom au grand cinéaste de l'époque, Hassan Imam. Ce réalisateur m'a offert ainsi mon premier rôle dans "Le palais des désirs", raconte l'artiste.

Et l'aventure a commençé. Impressionnés par son talent, les réalisateurs font appel à lui pour participer dans leurs films. «Vous savez, j'ai une chance inouïe, car j'ai travaillé dans mes débuts avec des réalisateurs professionnels qui ont su me mettre en valeur. Je pense qu'un acteur qui n'est pas mis en valeur risque de tout perdre, même s'il a du talent».
Très sollicité, Nour El Sherif représente donc cette nouvelle vague d'acteurs égyptiens née juste après la guerre de 1968.
Avec Adil Imam, Mirvat Amine, Salah Saâdani, Mahmoud Abdel Aziz, Ahmed Zaki, Ilham Chahine, Poussy…Nour donne une nouvelle approche du cinéma égyptien.
«Fini le temps où le héros était un avocat ou un ingénieur. On voulait montrer le vrai visage de notre société».

C'est ainsi que cette génération a fait les beaux jours du cinéma égyptien en offrant au public des films sincères, authentiques et réalistes.
«Vous savez, dés le début, j'ai décidé de monter ma propre maison de production, afin d'encourager les jeunes talents. J'ai produit des films pour des réalisateurs débutants tels que Mohamed Khan et Atef Al- Tayeb. Je suis très fier d'avoir donné un coup de pouce à ces noms qui ont montré au fil des années, qu'ils sont de vrais artistes».

Acteur engagé, Nour El Sherif a joué dans plusieurs films traitant des problèmes de la classe ouvrière. On pense immédiatement aux films «Chauffeur de bus», «Coup de maître» et «Une nuit chaude» de Atef Al-Tayeb. Des œuvres qui en ont marqué plus d'un.
Il a également participé à plusieurs films romantiques, notamment «Habibi…forever» avec son ex-femme Poussy. En 2000, il décide de se mettre à son long métrage «Les amoureux ». Sirotant un thé à la menthe, Nour El Sherif, qui compte à son actif 172 films, évoque un sujet très épineux : la crise du cinéma égyptien.
«Il y a eu toujours des hauts et des bats de l'histoire du cinéma de mon pays. Je pense que c'est la faute aux producteurs, qui limitent leur champ d'action et financent juste les travaux qui vont leur rapporter de l'argent.

C'est un problème qui n'est pas propre au cinéma égyptien. Plusieurs pays en souffrent. Je ne vous cache pas que je suis très inquiet par rapport au cheminement du cinéma marocain. Je ne veux pas que qu'il tombe dans le même piège».
Copyright Groupe le Matin © 2025