Spécial Marche verte

«La goutte de lait», l'œuvre du bonheur…

Nos mères et nos grands-mères l'appellent «Lagoudouli», une appellation populaire de «La goutte de lait». Toutes y ont recouru un jour ou au moins elles en ont entendu parler dans leur entourage.

30 Décembre 2007 À 13:07

«Et oui, "La goutte de lait”…Je me rappelle du jour où on m'a pris mon petit Achraf souffrant et l'ont transporté depuis une fameuse clinique pour le ramener au centre de Bousmara. C'était en novembre 1984, à cette période, il n'y avait pas beaucoup d'unités néonatales à Casablanca, mon bébé devait rester encore 15 jours dans la couveuse. A l'époque, son père ne pouvait pas payer les frais très exorbitants. Les tarifs du centre sont à notre portée», se rappelle cette maman frôlant la cinquantaine. Son petit bambin est aujourd'hui un jeune homme âgé de 24 ans, il se porte très bien. Lors de sa naissance, il souffrait de malaises respiratoires qui nécessitaient une prise en charge immédiate. "La goutte de lait'' était donc là pour le sauver.

Situé au cœur de l'ancienne médina, plus précisément à Sidi Bousmara, et ce depuis 1915, l'œuvre sociale «La goutte de lait» se dresse sous forme de centre-association spécialisé en néonatologie. Loin d'adopter des activités routinières d'ONG, ce centre hospitalier rassemble une multitude de médecins, tous bénévoles (pédiatres, ORL, médecins généralistes, biologistes, pédopsychiatres…) mais aussi d'autres experts oeuvrant dans d'autres professions (experts-comptables, commissaires en compte…) qui apportent leurs aides. Le reste du personnel est, quant à lui, rémunéré. Il s'agit des infirmières, secrétaires, coursiers, ambulanciers, etc.

Il y a quelques semaines, le centre "La goutte de lait'' s'est doté d'une unité néonatale de dernière génération. Avec ses 22 nouvelles couveuses, ses respirateurs et autres appareils de pointe, ce centre pourra recevoir un bon nombre de prématurés et sauver de nouvelles âmes… «Afin de venir au bout des besoins des différentes familles, nous avons procédé à la réhabilitation du rez-de-chaussée.

Aujourd'hui, cet espace, qui servait aux attentes et consultations quotidiennes, abrite une unité néonatale, la plus sophistiquée de toute l'Afrique», explique le Dr. Driss Benjelloun, président de l'Association de l'oeuvre "La goutte de lait''. En effet, après 3 ans de construction, le nouveau service a revu le jour. Cette unité dispose de 22 couveuses de dernière génération. Elle a coûté un peu plus de 7 millions de dirhams. Un budget qui a été financé pour environ la moitié par des donateurs du secteur privé, l'autre moitié par des deniers publics: l'Agence pour le développement, l'INDH…

Dés 9h 30, la file d'attente enregistre la présence d'une dizaine de parents. La salle avoisinante est loin d'être vide. Quelques mamans papotent en parlant de leurs expériences. «En fait, nous avons deux catégories de parents, ceux qui sont là pour faire le suivi de leurs petits, déjà hospitalisés chez nous et d'autres pour s'assurer de l'état de leurs nouveau-nés en couveuses.

En fait, le centre effectue jusqu'à 8.000 consultations pédiatriques par an, quant aux hospitalisations, elles atteignent facilement les 600 cas par an», explique M. Mekouar, directeur médical. Ce sont des parents qui arrivent à 9 h 00, généralement des femmes qui peinent à se mettre debout parce qu'elles viennent d'accoucher. Pourtant, elles arrivent tôt pour voir l'état de leurs progénitures. Elles rencontrent en premier lieu le pédiatre en garde et empruntent les couloirs où elles peuvent observer, à travers les vitres transparentes, les petits nourrissons.

L'accès aux bébés est encouragé, l'allaitement maternel favorisé et ceci pour éviter que les liens précoces, toujours fragiles, qui unissent la mère au bébé ne soient encore plus fragilisés, détériorés par une hospitalisation impromptue,brutale, toujours difficile à vivre, tant sur le plan émotionnel, que celui social… La conception même des nouveaux locaux obéit à ce besoin impérieux d'être enveloppants, tant pour les bébés que pour les parents ou encore pour le personnel médical et celui paramédical.

«Si nous avons fait de gros progrès concernant la technicité des soins, notre souci va aussi à leur humanisation, il va aussi vers la relation parents-équipe soignante-bébé», précise Dr. Benjelloun qui poursuit: «L'humanisation commence par offrir un cadre agréable, gai, accueillant où les parents se sentent bien». Dans les couloirs, certaines mères sentent renaître l'espoir en elles, en voyant les petits respirer convenablement, une situation encourageante pour les autres parents, inquiets de voir leurs bébés dépendants encore d'un respirateur. «On fait de notre mieux pour alléger la souffrance psychologique des parents et pour expliquer que leurs petits évoluent dans des conditions normales. Par exemple, on leur précise que même si le bébé ne porte pas de vêtement, il est bel et bien dans une température ambiante, qu'il est protégé contre une lumière trop violente…», déclare une infirmière du centre.

Une autre catégorie de personnes visite le centre : il s'agit des parents d'enfants qui ont déjà été hospitalisés dans "La goutte de lait''. Ils effectuent une visite pour consultations pédiatriques ou encore un suivi médical pour les anciens prématurés. «Sauf qu'il nous arrive aussi de recevoir des personnes dont le petit est malade et qui veulent absolument consulter un pédiatre, nous ne les refusons pas.

Comme les autres, ils payent un prix symbolique de 5 DH pour bénéficier de nos soins», précise un pédiatre bénévole. Ainsi, une «nuitée» revient à environ 300 DH dans les cas nécessitant une intubation ventilation, cela peut augmenter jusqu'à 1.000 DH. Des tarifs assez encourageants, lorsqu'on sait que dans certaines cliniques, la nuitée peut atteindre les 6.000 DH ! La gratuité est de mise, évidemment, pour les bébés abandonnés, les enfants des femmes célibataires sans ressources, ainsi que pour certains cas d'indigence. «Nous ne demandons jamais un certificat d'indigence, on a notre propre manière d'évaluer les situations. Notre assistance sociale se focalise sur les revenus des parents, le nombre d'enfants, le lieu d'habitation, etc. Autant de critères qui nous permettent de juger la vraie nécessité d'une famille», conclut le Dr. Driss Benjelloun.
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Le transfert des prématurés

Lors du transfert d'un prématuré ou tout autre nourrisson en malaise vers "La goutte de lait'', une infirmière du centre accompagne obligatoirement l'ambulancier afin d'éviter des complications. «Le petit est mis dans une couveuse spéciale pré-réchauffée. Le prématuré ou le nouveau-né doit, en effet, rester réchauffé durant le transport qui dure parfois longtemps», explique M. Mekouar. Les conditions de naissance du bébé et les craintes qui entourent cette naissance doivent être précisées dans le courrier rédigé par le médecin concerné. Une fois le bébé arrivé à "La goutte de lait'', il est examiné par un des pédiatres, puis mis en condition, et réanimé au besoin. S'il nécessite une hospitalisation, il est admis parmi les bébés hospitalisés. La durée du séjour peut varier de quelques jours jusqu'à 2 ou 3 mois.
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