L'humain au centre de l'action future

Le théâtre des pauvres

Un édifice au beau milieu d'un marché populaire, animé par des voix de vendeurs clamant leurs marchandises à Mohammedia

04 Août 2007 À 22:33

Du côté du marché d'El Alia, communément appelé «la Joutiya», et juste en face de la mosquée de Mali où les vendeurs ambulants surgissent de partout, on peut voir un grand édifice bizarrement implanté au bon milieu de ce décor. Un marché populaire animé par des voix de vendeurs clamant leurs marchandises, des bagarres chroniques, des klaxons de voitures et des poubelles éparpillées par-ci, par-là.

C'est là où se trouve le théâtre de Mohammedia.
Au beau milieu de tout ce vacarme, s'impose «le théâtre municipal de Mohammedia». Enfin si on ose le dire puisque cette grande bâtisse, 15 ans après son achèvement, n'a toujours pas été inaugurée. Ce théâtre luxueux, qui a coûté à l'Etat la coquette somme de 73 millions de dirhams et qui a nécessité des années de travail, a été construit dans le mauvais endroit.

Ceci n'a qu'une seule explication : la personne qui a imaginé ce projet n'a peut être jamais mis les pieds dans ce terrain destiné à abriter le théâtre. Un terrain de football, une maison de jeunes ou même un hôpital… auraient certainement mieux servi les intérêts de cette population défavorisée, commente quelques habitants éclairés. Fermé pendant toutes ces années cet édifice est resté le théâtre de la désuétude. Il s'est dégradé à un tel point qu'il fallut faire des travaux titanesques pour le rouvrir.

Certains parlent d'épisodes de lutte entre les différentes formations politiques qui se sont succédées.
De cette grande bâtisse, les voisins ne connaissent que la musique qui surgit de temps à autre entre les murs, les banderoles qui annoncent de rares activités, les voitures de luxe qui viennent éblouir les yeux de ces humbles personnes et les visages coléreux des agents de sécurité en train de les bousculer.

On ramène parfois même des «Mkhazniya» pour empêcher cette population de perturber l'atmosphère sereine de la «crème de la société». Cependant, les habitants ont trouvé un autre moyen pour profiter de la situation. Chaque soir, et dés le couché du soleil, une marée humaine investit la place qui avoisine le théâtre. La poussée démographique de la ville se ressent fortement dans cet endroit. Ces personnes cherchent inlassablement des lieux pour se relaxer et ce, à cause du manque flagrant des espaces verts et des lieux de distraction dans toute la ville, spécialement dans le quartier populaire d'El Alia. «Je viens ici pour rencontrer mes copines, et pour laisser les enfants jouer. A El Alia, il n'y a nulle part où aller», affirme Najat, une des régulières de cet espace.

Ces personnes ont eu l'ingéniosité de faire de cette place une sorte de «Coliseum» dans lequel des hommes et des femmes ramènent chaque soir leurs enfants pour jouer.
Ces derniers, pas très sages, provoquent souvent le courroux des agents de sécurité qui s'occupent du théâtre.

Leurs bêtises pas très drôles peuvent engendrer des poursuites qui se terminent parfois très mal. Ces petits anges se font un malin plaisir d'énerver les gardiens du théâtre.
Sans doute, une façon pour se venger d'une injustice sociale. Les femmes, de leur part, se livrent au commérage de tous genres.
D'autres, des adolescents, sont isolés dans leur petit coin.
Ils fument des cigarettes et pourquoi pas des joins, draguent les malheureuses passantes… ou chantent. Les chansons les plus prisées par ces jeunes sont le rai.

Ce rassemblement humain a attiré quelques marchands de glaces, de pop cornes, et de figues de barbarie… Les affaires marchent plutôt bien pour ces petits commerçants qui sont des habitants des quartiers avoisinants. Les vendeurs de pain ont eux aussi squattés le trottoir pour gagner quelques sous. Il faut bien que cette construction serve à quelque chose!

Nous avons pourtant tenté de trouver des explications à ces «anomalies» qui gâchent le bon fonctionnement de ce théâtre censé améliorer la vie de ces gens, mais en vain.
Les portes de la municipalité et la commune sont restées fermées. Cependant, les gens ne ratent sous aucun prétexte leurs rendez-vous nocturnes. Ils sont toujours là, pour rappeler qu'ils ont, eux aussi, un droit sur ce théâtre.

*Journaliste stagiaire
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Les origines de Fédala

Des pêcheurs et des marchands espagnols, génois et vénitiens commerçaient déjà avec Fédala au XIVe et au XVe siècles. Au XVIIe siècle, ce port sous le nom de Fédale ou de "l'isle de Fédala" servait surtout de refuge momentané aux légers bâtiments des corsaires de Salé, poursuivis par les frégates du roi de France.

Fédala fut fondée en 1912 par Georges Hersent. Il créa la compagnie franco-marocaine qui prit une part importante au développement de la cité. En juillet 1914 se constitue la compagnie du port de Fédala. La ville balnéaire prit corps en 1925 et l'esplanade fut construite en 1938. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'Office chérifien de l'habitat se chargea de la disparition des bidonvilles par la création des lotissements de Fédala El Alia.

La construction du sea line en 1951 fit de Fédala le premier port pétrolier d'Afrique du Nord.
La ville comptait 300 habitants en 1910, 25.000 en 1954 et 120.000 en 2000. Fédala a été rebaptisée Mohammedia par feu Sa Majesté le Roi Mohammed V, le 25 juin 1960.
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