Le dur combat du Maroc contre l'hépatite C
Bouchaïb, quinquagénaire, est atteint de l'hépatite C. Il dépense une fortune pour son traitement, soit 100.000 DH en 6 mois. Malgré une prise en charge médicale très vigilante, les analyses laissent toujours voir un virus évoluant de plus en plus dans so
LE MATIN
29 Septembre 2006
À 14:51
En effet, cherté du traitement et stigmatisation du malade caractérisent l'hépatite, un fardeau déjà lourd à supporter.
Les problèmes relatifs à cette pathologie ne sont pas l'apanage du Maroc ou des pays en développement. Partout dans le monde, cette maladie reste marquée du sceau de la honte.
Elle touche près d'un demi milliard de personnes dans le monde. On estime que 300.000 personnes sont porteuses du virus de l'hépatite C dans le royaume, mais ce chiffre est à coup sur sous-évalué faute de recensement et de dépistage.
«Le Maroc reste une zone à forte prévalence qu'il s'agisse de l'Hépatite B ou C», estime le Pr. Driss Jamil, président de l'Association SOS Hépatites.
«Nous nous rapprochons de l'Algérie, comptons plus de malades que l'Egypte et beaucoup plus que les Etats-Unis», précise-t-il.
Chez beaucoup de personnes, la peur de la maladie les empêche de procéder au dépistage alors qu'elles sont porteuses du virus de l'hépatite.
Le manque de moyens doublé d'une défaillance en matière de sensibilisation font que beaucoup de patients passent à côté du traitement et continuent de couver, pour un long moment, ce mal sournois qui se développe en silence.
Il faut dire également qu'au Maroc une stratégie globale de lutte contre cette affection fait défaut. Pour combler les lacunes de l'Etat, la société civile monte au créneau pour accomplir la double mission de prise en charge et de sensibilisation. «Le premier pas entrepris par notre association, et qui fait sa fierté, est l'intégration de la prise en charge de l'hépatite dans l'AMO.
En dépit de cet acquis, il reste beaucoup à faire dans ce sens parce qu'il existe un grand nombre de patients qui n'ont pas les moyens de se soigner», ajoute le Pr. Jamil.
A ce propos, l'exemple de Hnia est édifiant. Avec son salaire qui ne dépasse pas les 1.600 DH, elle a beaucoup de mal à supporter le coût trop élevé des médicaments que nécessite son traitement.
«Je vous laisse calculer tout l'argent que m'a coûté mon traitement qui a duré 1 ans. J'ai dépensé 3.000 DH pour les injections, sachant que j'avais besoin de 4 unités par mois. Même avec la mutuelle qui me permettait de couvrir une partie des soins, je persiste à penser que cette prise en charge est limitée à un barème très minime. J'ai eu beaucoup de mal à me procurer les 20% restants», témoigne-t-elle.
Les associations spécialisées se mobilisent, justement, pour sensibiliser les pouvoirs publics et le secteur libéral pour qu'ils participent activement à la prise en charge des patients mais surtout au dépistage de cette maladie qui est guérissable quand elle est diagnostiquée à temps.
«L'hépatite C est une maladie qui évolue en silence. Quand les symptômes commencent à apparaître, c'est généralement pour annoncer des complications. Le meilleur moyen d'agir, en amont, contre cette maladie reste le dépistage précoce», préconise le Pr. Jamil.
Vu son importance, le dépistage constitue cette année le thème de la journée mondiale de sensibilisation aux hépatites, qui sera célébrée le 1er octobre. Pour l'occasion, des associations de patients dans le monde entier se joignent au chanteur Bob Geldof et au bureau européen de l'OMS pour inciter les personnes à se faire dépister des hépatites.
«Contrôler l'hépatite est l'un des défis majeurs du XXIe siècle. Le nombre de personnes développant de sérieuses lésions du foie à cause d'infections virales ne cesse d'augmenter. L'OMS est très préoccupée des forts niveaux d'infection qui, dans certaines zones du monde, peuvent être qualifiés de hautement endémique», s'alarme le Dr Marc Danzon, directeur du bureau européen de l'OMS.
L'Association SOS Hépatites Maroc s'associe à cette 3e journée mondiale en lançant une campagne d'information auprès du grand public, par l'intermédiaire des médecins et des laboratoires d'analyse des principales villes du Maroc.
Pendant toute la semaine écoulée, des affiches ont été placardées et des dépliants distribués.
L'enjeu est de sensibiliser les citoyens aux pratiques à risque et à la nécessité d'être dépisté, même si l'on n'est pas malade, pour pouvoir se faire soigner.
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Bilan critique de la situation des hépatites dans le monde
L'Association européenne des malades du foie (ELPA) a réalisé une étude, présentée à l'occasion de cette 3e Journée mondiale des hépatites.
La situation est loin d'être brillante. Même en Europe, plusieurs problèmes ont été identifiés. Seuls 4 pays sur 15 (la France, les Pays-Bas, la Suisse et le Royaume-Uni) ont une stratégie nationale de prévention et de traitement de l'hépatite. Les états ne soutiennent pas les associations de patients dans leurs initiatives ciblées.
Le niveau de stigmatisation et de discrimination pour les malades atteints d'hépatite virale est alarmant : on les montre trop souvent du doigt et on les exclut de la société comme s'ils avaient une maladie honteuse. Alors que le dépistage est gratuit dans la majorité des pays, des programmes organisés par l'Etat n'existent que dans 2 pays (la France et les Pays-Bas). Dans 5 pays sur 15, les patients doivent payer leur test.
Il y a de grosses disparités dans le remboursement et l'accès au traitement. Afin de dresser l'état des lieux de la situation au Maroc, SOS Hépatites va lancer prochainement une étude comparable à celle réalisée en Europe.
La situation est très difficile pour les malades marocains, et plus largement dans les pays en développement.