Prier, supplier, implorer… tous les moyens sont bons pour «soutirer» quelques pièces. Un flot d'hommes, de femmes et d'enfants «travaillent», du matin au soir, chacun dans son secteur. Ils parcourent comme des ombres indomptables les différentes artères e
LE MATIN
06 Juillet 2006
À 16:14
Pour faire un maximum de bénéfices, les méthodes de mendicité se « modernisent» incontestablement ! Les mendiants utilisent, à chaque fois, de nouvelles techniques.
Pour avoir une idée plus développée sur ces méthodes, nous avons suivi un mendiant souffrant d'une trisomie 21. Notre journée commence à 8 heures du matin avec ce mendiant, pas comme les autres, qu'on va appeler Ali.
A l'instar des jeunes femmes qui te donnent des feuillets résumant leur triste vie et charges familiales, Ali est spécialiste dans la mendicité dans les bus. Décidé de bien commencer sa journée, Ali «mettra en valeur» tout son talent de mendiant.
Durant son trajet de trois arrêts dans la ligne 87, il récita avec une voix balbutiante quelques versets Coraniques, implora la compassion des passagers et fixa avec ses petits yeux quelques vieilles bonnes femmes.
Sa maladie lui facilite la tâche et sa méthode apporta vite ses fruits. Avant même de terminer le «monologue» appris par cœur, les pièces atterrissent de tout bord sur sa petite main tendue.
Vêtu d'une chemise beige à col usé et d'un vieux pantalon gris, Ali ne perd pas de temps. Une fois ses 10 DH d'aumône en poche, il prend un deuxième bus à côté de Derb Omar. Cette fois son choix tombe sur la ligne numéro 90.
Apparemment, c'est la gentillesse du chauffeur, le nombre et la nature des passagers qui décident de ce choix. En toute discrétion, on a «admiré» le talent de ce trisomique 21. Face à l'indifférence des passagers, Ali va sortir le grand jeu.
Il commence alors à pleurer, tout en récitant Sourate «Al-Fatiha». Ses larmes sécheront aussitôt qu'il ait les 10 premières pièces. Ali ne renonce devant rien. Durant deux heures, il va alterner entre larmes et discours touchants. Certes, il prend plus de temps que les autres mendiants pour réciter ses propos mais il réussit mieux son coup.
Entre 8 et 10 heures, il a fait environ 24 bus. Un nombre qui lui permet de gagner au moins 100 DH dans ces heures de pointe. Où va cet argent ? Ali en donne pour de vrai à sa mère malade ou à un chef de réseau des mendiants? Il ne pourra nous donner aucune réponse avant de se perdre dans les ruelles de «Sbata».
Une seule chose est certaine, c'est qu'il a plus de chance et de talent que les autres mendiants atteints d'un handicap mental. ainsi pour Mohamed qui prend souvent la ligne 87 entre les arrêts de Casa-Voyageur et Zerktouni ou Derb Ghalef.
Ce jeune attardé issu d'une famille de la classe moyenne, ne manque pas d'argent. Mais chaque matin, il essaie vainement de séduire les jolies passagères. Il les surprend avec sa phrase habituelle: «Tu es très belle. S'il te plait donne moi de quoi manger, j'ai faim».
A chaque fois, il espère que ses cibles seront aussi généreuses que belles face à sa galanterie spontanée. Toutefois, il semble miser sur les mauvaises «proies», car il descend souvent sans le moindre sou, surtout en présence des agents de police et voisins qui connaissent trop bien son niveau de vie. Un passager remarque: «il mendie plus par hobby que par besoin».
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Un gamin devenu un vrai professionnel
Professionnalisme et ruse sont devenus les maîtres mots de la mendicité au Maroc. Ainsi, des vendeurs de kleenex, chewing-gum et autres passent facilement du commerce ambulant à la demande de charité. Ils marquent bien leurs territoires et choisissent les points stratégiques et les méthodes d'apitoiement avec une grande application. C'est le cas de ce petit garçon installé au quartier Mâarif en face d'une grande franchise internationale.
A peine âgé de 5 ans, Saïd sait très bien gérer sa petite affaire. Incapables de décevoir ce petit bout d'homme, les passants succombent presque tous à ses désirs. "Ne me donnez pas de l'aumône mais achetez mon chewing-gum", c'est ainsi que Saïd arrive à convaincre ses clients d'en acheter un paquet à 4 DH.
Seulement, il sélectionne minutieusement ses cibles parmi les couples et jeunes filles du Mâarif. "Il vend aussi à des voisins et des personnes qu'on connaît", affirme la sœur de Saïd qui le guette tout au long de sa journée de travail. Selon cette adolescente de 16 ans, Saïd est le plus rusé pour assurer une telle tâche : "Après la maladie de notre mère, il y a 6 mois, j'étais obligée de quitter l'école pour lui acheter son insuline et subvenir aux besoins de mes frères.
Seulement Saïd a trouvé la bonne méthode pour nous aider". Muni de ses paquets de chewing-gum et de beaucoup de fierté, le petit garçon a lié plusieurs amitiés sur son territoire de travail. "J'ai un frère jumeau, mais il n'arriverait jamais à s'en sortir comme je le fais", indique-t-il. En effet, en six mois, il a fait ses preuves dans un secteur généralement géré par des réseaux bien organisés.
"Grâce aux relations de Saïd, nous n'avons jamais eu de problème. En cas de rafle, les agents de police nous demandent de quitter le secteur durant un certain temps", indique la sœur du petit commerçant.
Souvent habillé d'un vieux tee-shirt jaune, le visage brûlé par le soleil, Saïd sillonne les trottoirs et rues du Mâarif. Il colle aux passants, leur tient la main et fait le petit orphelin travailleur pour rentrer enfin de journée avec 40 ou 50 DH. A chacun sa méthode !