Destination «désintoxication»: Unique du genre
La création de structures de soins contre la drogue est une nécessité urgente
LE MATIN
24 Juin 2007
À 13:07
La consommation de stupéfiants et d'alcool s'est considérablement répandue au Maroc depuis quelques années. Malgré une législation répressive et des efforts consentis de la part des autorités, le nombre de personnes dépendantes de ces substances ne cesse de s'accroître. Face à cette situation pour le moins préoccupante, la création de structures de soins et de prévention contre ce fléau est une nécessité urgente.
C'est dans ce sens, et pour combler le vide dans le système des soins relatifs à la toxicomanie, que le Centre national de prévention et de recherche en toxicomanie (CNPRT) a vu le jour, en l'an 2000, à l'hôpital Arrazi de Salé.
Pendant longtemps et cela continue aujourd'hui encore, le traitement de la toxicomanie au Maroc est demeuré du seul ressort des institutions psychiatriques. Une réalité qui poussait les toxicomanes à rejeter toute tentative de traitement, de peur d'être assimilés à des aliénés.
A cela s'ajoute la méconnaissance des caractéristiques épidémiologiques du phénomène d'abus des stupéfiants au Maroc. La création d'une institution comme le CNPRT est venue pallier sinon atténuer l'effet de ces lacunes.
Le projet de ce centre avait été élaboré et adopté par la commission d'administration du CHU de Rabat Salé en 1996. Grâce au soutien d'organismes nationaux et internationaux, le CNPRT a ouvert ses portes en 2000. C'est, d'ailleurs, le premier du genre dans la région du Maghreb. Depuis sa création, le nombre d'hospitalisations est en constante augmentation.
La prise en charge des patients obéit, selon les responsables, aux normes et aux recommandations internationales. La capacité d'accueil du CNPRT, dénommé également Unité de désintoxication et de post-cure, est de 20 lits. L'équipe du centre est composée d'un médecin chef, d'un psychiatre, d'un psychologue, de neuf infirmiers et quatre employés de soutien. Des moyens humains et matériels limités qui pourraient rendre la mission du centre difficile, surtout lorsqu'il fait l'objet d'une forte sollicitation.
Objectif : Désintoxication totale
La demande de cure peut être formulée par le patient lui-même, mais le plus souvent, elle émane de sa famille. La prise en charge thérapeutique des consultants du CNPRT se décline en plusieurs étapes. Tout d'abord, il est question d'une première rencontre du toxicomane avec l'unité. Il faut préciser que le centre ne dispose actuellement d'aucune unité d'accueil.
Le premier contact permet d'évaluer la prise de conscience et les motivations des toxicomanes au sevrage des substances psycho-actives, pour ensuite leur expliquer l'intérêt d'une cure et susciter une volonté chez eux.
L'étape suivante est l'hospitalisation pour cure de désintoxication. L'admission se fait sur place, bien évidemment, pour les cas consentants après avoir pris connaissance des conditions de l'hospitalisation et les règles à respecter par le patient.
Une étape importante vient compléter l'examen du patient. Elle est relative à l'évaluation médico-psychologique. Celle-ci vise à déceler l'existence d'éventuels troubles psychiatriques et le degré de dépendance du patient.
Les complications physiques et psychiques sont également diagnostiquées. Le psychiatre du centre procède également à l'analyse du contexte familial dans lequel évolue le patient, le but étant de repérer d'éventuels conflits familiaux ou conjugaux qui peuvent constituer des facteurs prédictifs déclenchant ou pérennisant la dépendance.
C'est à la fin de ces premières étapes qu'un projet thérapeutique est défini.
Les soins sont alors prodigués et les médicaments prescrits, et ce en fonction de la drogue à l'origine de la dépendance; dans certain cas, le patient est «accro» à plusieurs substances à la fois. En parallèle, le patient bénéficie d'un suivi au quotidien effectué par le psychiatre.
Le rôle de la famille du toxicomane, en chemin vers une désintoxication, peut s'avérer d'une grande utilité, surtout pour la réinsertion dans la société après la cure.
Une fois sorti, le patient suit une post-cure puisque les rechutes dans la toxicomanie sont fréquentes, mais faute de moyens, il n'existe pas encore une unité pour le suivi après-cure. La prévention des rechutes est fondée sur la réinsertion socioprofessionnelle et la sensibilisation.
C'est là une noble mission que le personnel du CNPRT mène pour redonner espoir à des personnes qui se sont retrouvées victimes d'une faute qu'elles ont commise un jour sans en mesurer les conséquences.
Ce centre est, certes, une expérience-pilote dans toute la région du Maghreb, mais qui demeure pourtant unique en son genre.
Des jeunes au Maroc comme partout dans le monde continuent à céder aux tentations de ce fléau. D'où l'appel à plus d'effort au niveau de la sensibilisation des jeunes quant aux dangers des drogues.
De même, la création d'autres Centres de désintoxication revêt un aspect salutaire.
(*) journaliste stagiaire
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Traitement, sensibilisation et recherche
Créé le 13 avril 2000, le Centre national de prévention et de recherche en toxicomanie est unique en son genre au Maroc. Il constitue une première étape pour promouvoir la prévention et la recherche en toxicomanie. Au niveau de la prévention, le centre mène des actions de sensibilisation qui demeurent limitées.
Le but est d'informer le grand public des dangers que présentent l'alcool et les drogues, ainsi que leurs conséquences sur la santé à travers des émissions à travers les médias, des conférences et tables rondes dans les milieux médical, scolaire et carcéral. Pour les activités de recherche du centre, ils concernent des travaux sur l'épidémiologie, la psychopathologie et la génétique.
Cette unité participe également à la réalisation d'enquêtes et programmes du ministère de la Santé.
Le centre coopère également avec des organismes internationaux comme l'Observatoire français des drogues et toxicomanie (OFDT).
REPÈRES
Le centre en chiffres
200 DH, c'est le coût quotidien d'une cure de désintoxication au CNPRT
Depuis sa création
et jusqu'au 31 décembre 2006, le CNPRT a connu 737 admissions. La durée moyenne de séjour au centre est de 15 jours.
Durant cette même période, le centre a reçu des personnes dont l'age varie entre 15 et 63 ans.
La provenance des patients est comme suit: 40% des admis sont originaires de la région
de Rabat-Salé, 16% sont de Nador, 13,3% de Casablanca et 12,2% de la région Tanger-Tétouan.
La dépendance à l'alcool représente 24,4% des admissions, celle au cannabis 13,4%, l'héroïne 11,8% et la cocaïne 6%.
43,3% des patients sont célibataires et 25% sont mariés.