Spécial Marche verte

Regard sur une situation douleureuse

La lutte contre l'exploitation des chérubins dans le secteur de l'agriculture : le crédo de cette année

10 Juin 2007 À 16:10

Célébrée sous le thème "Vue d'ensemble sur le travail des enfants dans l'agriculture", la Journée mondiale contre leur exploitation sera fêtée ce 12 juin. L'occasion pour l'Organisation internationale du travail (OIT) de rendre publics quelques chiffres alarmants. D'après ses statistiques, environ 70 % des enfants, au niveau mondial, travaillent dans le domaine de l'agriculture.

Pire encore, plus de 132 millions de garçons et de filles âgés de 5 à 14 ans travaillent du lever jusqu'au coucher du soleil dans des fermes et des plantations, à pulvériser des pesticides et à garder le bétail. Se référant à la même enquête, ce problème n'est pas constaté uniquement dans les pays en développement, il existe aussi dans les pays industrialisés.

Mais qu'en est-il de la situation de ces enfants au Maroc? Quels sont les domaines qui enregistrent un très grand nombre d'enfants travailleurs? Et quelles sont les mesures qu'entreprend le pays pour mettre fin à ce phénomène?

Considéré pendant longtemps un sujet tabou, le travail des enfants constitue depuis quelques années un défi et une source de préoccupation tant des organismes internationaux que des pouvoirs publics et ONG oeuvrant dans le domaine de l'enfance. Ceci dit, dans notre pays, comme dans de nombreux pays, le travail des enfants est difficile à mesurer.

Mme Malak Benchekroune, administratrice du Programme focalisé sur le travail des enfants (IPEC), explique que "les statistiques disponibles ne fournissent qu'une vue partielle dans la mesure où elles ne tiennent compte que du travail formel enregistré des enfants occupés comme salariés, qui constituent généralement une petite fraction de la main-d'œuvre enfantine.

Elles excluent de leur champ la majorité des enfants travaillant dans le secteur informel et l'artisanat ou encore ceux qui combinent travail et études"

En effet, d'après un rapport réalisé en 2000, dans le cadre du programme "UCW" (Understanding Children's Work) en collaboration avec l'Unicef, la Banque mondiale et l'Organisation internationale du travail, il ressort qu'environ 600.000 enfants âgés de 7 à 14 ans travaillent au Maroc, soit 11% de ce groupe d'âge.

Ce chiffre reste toutefois en dessous de la réalité, puisque l'enquête "LFS 2000", prise comme base, ne prend pas en considération les formes condamnables du travail des enfants dont la prostitution.

De même, il est très probable que certains enfants de la catégorie " sans activité " qui représente 15% de ce groupe d'âge, soient engagés dans des formes non rapportés du travail des enfants.
Afin de lutter contre le travail des enfants dans le Royaume, plusieurs ONG marocaines s'associent aux efforts de l'IPEC et de l'UNICEF pour mener des actions de terrain.

Grâce à ce travail, une centaine de gamins ont été retirés du travail pour reprendre leur place à l'école. Des centaines d'autres ont pu bénéficier de l'éducation non formelle. D'autres encore ont pu suivre une formation professionnelle.

Mme Benchekroune le confirme : "Une chose est sûre, avec tous les efforts déployés, le nombre des enfants travailleurs a diminué et la tendance de ce genre d'exploitation est en baisse, cela n'empêche pas de présenter certaines prévisions qui signalent que presque 1 million d'enfants (9-15 ans) sont non scolarisés, donc, travailleurs ou cherchent du travail"

Cependant, le gouvernement a pris un certain nombre de dispositions dont la ratification de conventions internationales qui interdisent le travail des mineurs et l'harmonisation de la législation nationale avec les principes des conventions internationales. Dans ce cadre, on peut souligner que le nouveau code du travail a " relevé " l'âge minimum d'emploi à 15 ans.

Pour ce qui est des travailleurs domestiques, le nouveau code prévoit une loi spéciale qui fixe les conditions de travail des petites bonnes. De même, le département de l'Emploi a prévu un renforcement des prérogatives des inspecteurs du travail. Trois outils sont mis à leur disposition, en l'occurrence, l'observation, la mise en demeure et le procès-verbal. Enfin, il faut signaler que le nouveau code a relevé considérablement les amendes en cas de non-application de la loi dans les différents domaines mobilisant le travail de l'enfant.

Les secteurs qui mobilisent

Les "poches" du travail des enfants se concentrent dans certaines branches et secteurs ; la tendance est aussi à une polarisation selon le genre.

Ainsi, l'activité des garçons est beaucoup plus localisée dans l'artisanat (à l'exception du tapis), le secteur informel (à l'exception du travail domestique des petites bonnes), l'agriculture et les activités de rue, toutefois, 84% des enfants au travail agricole sont des ruraux (19% d'entres eux ont moins de 9 ans). Quant aux activités des filles, elles se concentrent plutôt dans le tissage de tapis et le travail à domicile sous le statut de "petite bonne".

Néanmoins, les dynamiques qui déterminent la mise au travail des petits sont indissociables des problèmes de dénuement des ménages.
Or, même si la pauvreté reste l'un des facteurs déclencheurs, il existe d'autres capitaux:

le revenu familial, l'éducation parentale et le facteur du genre.
A ce propos, dans le milieu rural par exemple, la chance pour une fille d'être scolarisée est inférieure d'un tiers à celle d'un garçon.
Pour ainsi dire que le travail de l'enfant est loin d'être un simple phénomène social, il a tellement d'impact sur la psychologie des mineurs.

Souvent, le travail effectué par les enfants est contraignant et laisse un peu de temps pour le jeu et le divertissement.
En général, les enfants travaillent 45h en moyenne par semaine, en plus, vu l'activité qu'ils exercent, ils sont confrontés à plusieurs dangers.

Selon une enquête réalisée par le gouvernement et l'OIT, plus de la moitié des 3500 enfants actifs doivent faire face à des risques de travail très graves.

A part les conséquences du travail sur leur santé, ce dernier les empêche à suivre des études; les statistiques ont prouvé que 14% seulement des garçons et 8% des filles travailleurs fréquentent l'école, tandis que plus de la moitié des enfants actifs n'y ont jamais mis le pied, les 41% restant ont seulement fait les premières années de l'école primaire.


REPÈRES
Etat des lieux
Selon la loi n°04.00 du 21 Safar 1421-25 Mai 2000, l'enseignement fondamental constitue un droit et une obligation pour tous les enfants de 6 à 15 ans. Son non- respect expose les responsables d'enfants en âge scolaire à des sanctions
Selon un rapport de l'UNICEF datant de 2004, 372.000 enfants de moins de douze ans dont 66.000 à 80.000 petites bonnes de moins de 15 ans sont issues du monde rural.
Le travail domestique est recensé par l'UNICEF dans la catégorie des travaux dangereux et les petites bonnes sont "le groupe le plus vulnérable d'enfants travailleurs citadins".
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Le programme INQAD des filles domestiques

Dans sa dernière enquête, "Domestic Child Labour in Morocco" évalue l'effectif des filles domestiques âgées entre 7 et 15 ans ; le chiffre est alarmant : 60 000 à 86 000 filles, dont la grande majorité se trouverait en milieu urbain. Ce chiffre met en évidence le travail précoce avant 12 et 15 ans.

Par ailleurs, les filles domestiques dans leur écrasante majorité sont des migrantes rurales, analphabètes ou de niveaux scolaires très faibles.

L'absence de contrat de travail est la règle générale du marché, la rémunération est faible et varie selon l'âge, elle demeure inférieure au SMIG. Dans la plupart des cas, cette dernière est perçue par les parents.

C'est autour de ces conditions de travail que s'enregistrent les actions du programme INQAD qui aspire à prendre en considération du phénomène du travail domestique des filles. Il vise également le comble du vide juridique avec l'élaboration d'une loi régissant ce type de travail.

Mme Benchekroune explique qu'"après avoir mené des caravanes de sensibilisation, les responsables du programme INQAD ont procédé à la signature d'une convention entre plusieurs groupements, notamment l'Observatoire international des droits de l'enfant et l'INDH, et ce afin de former les acteurs sur le terrain et concrétiser le programme de lutte contre le travail des petite bonnes".
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