L'anorexie, un «idéal» meurtrier
La privation de nourriture peut provoquer la détérioration des organes vitaux
LE MATIN
30 Octobre 2007
À 15:25
A force de vouloir maigrir, de chercher un poids idéal et de vouloir ressembler aux mannequins de mode, plusieurs femmes (beaucoup plus que les hommes) se donnent au régime restrictif et draconien. Au début, elles évitent les matières grasses, les boissons gazeuses et les friandises… Mais au bout de quelques semaines, certaines d'entre elles constatent qu'elles ne perdent pas assez. Première réaction : se priver d'avantage d'alimentation. Et c'est là que tout bascule.
L'anorexie surgit aux surfaces, la privation fait des ravages et la fonction de plusieurs organes se détériore. Au bout d'un certain moment, l'organisme apprend à rejeter les aliments… Souvent il risque d'être trop tard pour la "réanimation". Le point sur un problème grave trop souvent ignoré...
Définie comme étant un refus de maintenir le poids corporel au niveau (ou au-dessus) d'un poids minimum normal pour l'âge et pour la taille, l'anorexie semble se résumer à une histoire de poids. Pourtant, c'est une véritable maladie qui traduit un désordre psychologique et physique profond. En réalité, les anorexiques se retrouvant en éternelle insatisfaction par rapport à leur silhouette cherchent à restreindre leur alimentation en vue de perdre du poids, alors qu'elles sont déjà minces, voire maigres. Les sujets se donnent à une restriction de plusieurs aliments (protéines, graisses, produits sucrées) as116iées à de la potomanie, c'est-à-dire une consommation d'eau excessive, et à la prise de laxatifs pour le contrôle du poids.
Certaines anorexiques souffrent aussi de crises de boulimie, pendant lesquelles, hors contrôle, elles avalent en très peu de temps et sans plaisir d'énormes quantités de nourriture. Ensuite, elles vont, dans la plupart des cas, volontairement vomir. Concernant les vraies causes de ce comportement, elles sont encore mal identifiées. "Certains avancent des facteurs d'ordre métabolique ou génétique. D'autres pensent que les causes psychologiques et relationnelles sont déterminantes", précise Khadija Bouasria, diététicienne.
Pourtant le point de départ peut être un simple régime amaigrissant, une remarque désobligeante, un deuil ou un problème scolaire. En fait, plusieurs facteurs psychologiques sont cités comme favorisant le comportement anorexique: le manque de repères, des relations familiales difficiles, la crise d'adolescence, les changements physiques dus à la puberté... "L'adolescente chercherait, par des privations alimentaires, à atteindre son autonomie, elle tenterait ainsi de transférer sa dépendance vis-à-vis de ses proches vers la nourriture", explique notre spécialiste. L'anorexie, par sa nature autodestructrice, permettrait alors à la jeune fille de prouver qu'elle contrôle son corps. Cette pathologie peut, de plus, masquer un manque de confiance en soi ou une tendance à la dévalorisation.
Les adolescentes anorexiques ont souvent un profil typique : élèves sans problèmes, elles recherchent les efforts soutenus tant intellectuels que physiques. Elles sont hyperactives et se dépensent sans compter… pour éviter de grossir.
Du côté des femmes, , ce sont d'autres raisons qui se cachent derrière cette "motivation" : souvent un mari qui n'accepte plus sa femme "devenue" subitement obèse, des séquelles d'accouchement, une volonté de vouloir tout porter sans complexe en ressemblant aux Top modèles…
Les conséquences
de l'anorexie
La privation de nourriture peut aller jusqu'à provoquer la détérioration des organes vitaux comme le cœur et le cerveau. En effet, pour se protéger, le corps ralentit la vitesse de son métabolisme. Les fonctions vitales, comme la respiration le pouls et la pression sanguine diminuent et les fonctions de la glande thyroïde ralentissent. L'anorexie provoque souvent une anémie modérée, un gonflement des articulations, une réduction de la masse musculaire, la perte de cheveux et de légers maux de tête. Si le trouble alimentaire devient sévère, la personne peut manquer de potassium, peut perdre le calcium nécessaire à ses os, et souffrir d'irrégularité ou de défaillance cardiaque.
Certaines personnes souffrant d'anorexie présentent aussi d'autres troubles tels que la dépression, l'anxiété, la dépendance aux drogues ou à l'alcool, des troubles de personnalité ou des tendances suicidaires.
Par ailleurs, les carences nutritionnelles, les évanouissements, les pertes d'équilibre et l'hypoglycémie sont très courants. D'autres conséquences physiques peuvent également être présentes : déshydratation de la peau, cheveux et ongles fragiles et cassants, une sensibilité aux températures ambiantes relativement froides, une pilosité excessive se développant sur les membres ou le visage. Quant à la fonte des muscles, elle engendre un rétrécissement de tous les organes constitués par du tissu musculaire (matrice, cœur).
Certaines anorexiques présentent dès lors un ralentissement des battements du cœur et une arythmie cardiaque après l'effort physique, symptôme qui peuvent causer un arrêt cardiaque éventuellement fatal.
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Les normes en mannequinat
Après le décès de Luisel Ramos, une mannequin de 22 ans à qui l'on avait conseillé de maigrir pour devenir célèbre, Madrid fut la première à 111dire aux mannequins dont la maigreur était "excessive" de défiler sur la passerelle Cibeles, grand rendez-vous mondial. Ainsi, cinq mannequins dont l'indice de masse corporelle (IMC) était inférieur à 18 ont été exclus. A noter que l'IMC d'une femme en bonne santé se situe entre 18,5 et 24,9. L'Italie à son tour s'active contre l'anorexie en affichant une pancarte qui crée la polémique.
Il s'agit de l'image d'une jeune mannequin française de 25 ans, mesurant 1.75 mètres et pesant 31 kilos. Elle est anorexique depuis treize ans. Sa photo est affichée en grand spot dans les principales artères des villes italiennes. Les spots affichent un corps en détresse, exhibé, nu, squelettique, griffé de plaies. Ces spots tirent une sonnette d'alarme et alertent l'opinion publique contre un nouveau phénomène qu'est le "Pro-ana" un mouvement d'anorexiques considérant que leur maladie n'en est pas une, mais plutôt un mode de vie.