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Tanger-Med façonne le système portuaire national

Tout au long du XXe siècle, le système portuaire marocain s'est appliqué à accompagner le trafic plutôt qu'il ne l'a créé. Autrement dit l'essor démographique en est le maître couple. Tout comme il est un fait que depuis le XVIIe siècle, l'ingénierie côti

30 Janvier 2006 À 01:00

Mais, en même temps que les Hollandais, son attention est attirée par le site lagunaire d'Ayir où il explore, sans pouvoir le concrétiser, l'idée de création d'un port en faisant sauter la dalle rocheuse qui en bloque le passage.
Dix ans plus tard, Moulay El Oualid reconsidère cette étude et tente à son tour la même percée sur l'Océan.

Quoique inachevés, ces deux projets signent l'acte de naissance des travaux à la mer et inspireront plusieurs générations d'ingénieurs. Ces évènements ont le mérite de préparer les initiatives novatrices qui façonneront le système portuaire marocain.

Et il a fallu attendre les années 90 pour que les responsables comprennent que, pour propulser l'économie du pays, le secteur portuaire doit changer de comportement : en plus du trafic national, il doit capter ou générer un trafic international dans lequel certains ports marocains joueront le rôle de plaque tournante et de point d'appui pour l'acheminement des marchandises diverses en provenance ou à destination des autres continents.

Toujours au début des années 90, certains ont cru avoir inventé un type de gestion nouveau sous le vocable anglo-saxon BOT, «Build-Operate-Transfert» ou en français, «construction-exploitation-transfert». Ce procédé a déjà des siècles d'existence. Le Maroc a bel et bien une longue pratique des concessions portuaires.

Dès 1751, plusieurs négociants de Copenhague fondent, avec l'appui du Roi du Danemark, Frédérik V, une compagnie privée pour faire du commerce avec le Maroc.

Une fois créée, la société envoie aussitôt à Marrakech une mission à laquelle le futur Sultan Sidi Mohammed, alors Khalifa, accorde la concession des douanes de Safi et d'Agadir ainsi que le monopole du trafic de ces deux ports et ce, moyennant une redevance fixe.

En 1786, le port de Larache est concédé à une société hollandaise tandis qu'en 1894, sur ordre du Sultan Moulay Hassan 1er, le grand vizir Ba Hmad accorde une concession du port de Tarfaya à une compagnie anglaise.
Pour ce qui concerne la première moitié du XXe siècle, les concessions portuaires résultent de l'acte d'Algésiras de 1906.
Ce traité établit l'ouverture des côtes au commerce extérieur.
En conséquence, les ports font l'objet de concessions. Cette orientation marquera profondément le paysage marocain…

En 2002, on revient au concept de 1943, un grand port à Oued R'Mel : c'est le projet dit «Tanger-Med», projet qui obéit à une double logique.
Ce projet d'envergure, stratégiquement situé sur le Détroit aux portes de l'Europe et à la croisée des plus grandes routes maritimes, vise un marché de proximité de 600 millions d'habitants comprenant l'Europe de l'Ouest, l'Afrique de l'Ouest, l'Afrique du Nord ainsi que l'Amérique du Nord.

Compte tenu de tous ces atouts, les prévisions d'activités du port Tanger-Med tablent, à l'horizon, 2020, sur un trafic de 3 millions d'EPV (conteneurs équivalents vingt pieds) et l'afflux d'un milliard d'euros en investissements privés.

Des prévisions qui ne manqueront pas d'aller crescendo puisque l'activité de transbordement de conteneurs dans le bassin méditerranéen et en Afrique de l'Ouest connaît une croissance annuelle régulière de 9%.

Il est clair que ce projet, qui est une manifestation de la politique libérale de l'économie marocaine et de son ouverture sur le monde, se fixe comme objectifs de créer des emplois en attirant des investisseurs privés dans les zones franches.


Le port Tanger-Med s'inscrit également dans le schéma directeur portuaire national devant permettre de capter une partie du trafic de transbordement de conteneurs, développer le trafic TIR, rationaliser l'affectation du trafic céréales, desservir l'hinterland de Tanger en produits pétroliers raffinés et de désengorger la ville de Tanger pour tourner davantage son activité vers le tourisme et en faire un pôle d'attraction culturelle.
Et dans les faits, ce projet ambitionne de construire entre le Nord et le Sud une zone de prospérité et de réussite au bénéfice de tous.

Point focal d'une stratégie régionale constituée autour d'un ensemble d'infrastructures de transport et de zones d'accueil, Tanger-Med est aussi une réponse aux déséquilibres qui caractérisent les deux rives du Détroit en terme d'infrastructure, qui devra déboucher, à terme, sur l'émergence d'un bi-pôle de croissance et de leadership régional.

Néanmoins, et vu l'ampleur des investissements qu'un projet pareil est appelé à induire et compte tenu de ses retombées sur le devenir des populations locales, il importe de réfléchir aux moyens permettant de juguler les dérives potentielles qui pourraient affecter l'environnement de la zone et particulièrement le long du littoral et ce, en mettant l'accent sur la nécessité de maîtriser l'urbanisation spéculative.
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