Face au malheur irréparable, son quotidien est loin d'être facile >À peine âgée de 9 ans, Al Khansaa Nammas porte déjà le fardeau d'un destin bien lourd pour ses petites épaules. Le 1er novembre 2003, haute de quelques pommes, elle a été renversé
LE MATIN
13 Juin 2007
À 14:28
«C'était le sixième jour du Ramadan, je traversais avec ma fille le boulevard Zerktouni, lorsqu'une voiture roulant à grande vitesse nous heurta, le véhicule est monté sur le trottoir et a fini par écraser les jambes de ma fillette contre les barres en fer du passage souterrain», témoigne cette maman, encore émue. Une fois transportée à l'hôpital, la petite Al Kahnsaa s'est fait amputer les deux jambes.
«J'aurais aimé que ça soit moi et non pas ma fille, elle n'avait que neuf ans… Je n'arrive plus à la regarder allongée, inerte et ne pratiquant aucune activité ludique... Un jour, je finirai par mourir, qui c'est qui va s'en occuper après? Je souhaite que la justice indemnise ma petite! » s'exclame cette mère emplie de souffrance.
Actuellement, la jeune victime est âgée de 12 ans, elle fréquente une école privée, et s'avère brillante dans ses études. Afin de pouvoir se déplacer toute seule et retrouver le goût de la marche, la petite Al Khansaa a subi des opérations d'implantation de deux appareils qui l'aident à bouger, il s'agit de deux prothèses qu'il faut changer tous les ans. «Ma fille doit subir une opération par an au niveau de ses deux jambes, et ce, jusqu'à la fin de sa croissance.
Elle a 12 ans actuellement et il lui reste 7 opérations à subir, ces interventions coûtent vers les 12.000.00 DH chacune sans pour cela oublier les frais de renouvellement des prothèses qui sont de 30.000.00 DH», explique cette mère angoissée par le procès de sa fillette. En effet, après avoir attendu deux ans, le verdict a été donné le 25 mai de l'année dernière : le tribunal de première instance attribue à la victime une indemnité de 256.900,00 DH.
Le jugement était loin de plaire à la famille Nammas. «Mais c'est hallucinant, cette somme est insuffisante, qu'en est-il des prothèses ? Des frais de scolarité? Ceux de la nurse et les frais des opérations de correction de la partie osseuse des deux jambes qui restent à subir? Pensez-vous que cette somme suffira ?». Etant «insuffisante», la mère de la victime n'arrête pas de proclamer justice et de contester le barème mis en place et qui n'évalue pas la situation grave de la petite.
Zahra Kahil poursuit : «La cour n'a pas pris en considération notre situation financière et psychique, c'est impensable de traiter le cas d'une fillette amputée des deux jambes comme un cas ordinaire et lui faire appliquer un barème qui se base sur un montant de 1.854 DH, l'équivalent du SMIG, or nous avons dépensé jusqu'à ce jour presque le quart du montant alloué par les juges». Face aux énormes dépenses déjà engagées, environ 170.000 DH, la famille Nammas a interjeté appel et demande au législateur marocain de traiter le cas de la petite Al Khansaa au cas par cas. En attendant, Al Khansaa continue de vivre un quotidien accablant.
Pour elle, de simples gestes peuvent paraître infernales ! N'étant pas capable d'effectuer certaines tâches, une nurse l'aide à accomplir ses besoins à la maison comme à l'extérieur. Dès son réveil, la nounou l'aide à mettre ses vêtements, à faire sa toilette, prendre son petit-déjeuner et sortir attendre le transport pour partir au lycée où elle continue son cursus secondaire en demi-pension. «Je ne peux absolument pas l'inscrire dans un établissement public, ma petite risque de se faire bousculer et se faire casser les prothèses, en plus sans le transport scolaire, elle ne pourra jamais faire le trajet toute seule», s'exclame Zahra.
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La défense mobilisée
Afin de demander les droits de la petite Khansaa, l'avocat de la défense s'est référé aux décrets de la loi de 1988 qui régit le règlement des frais et indemnités dus à la suite d'accidents automobiles et aux contrats d'assurance de responsabilité civile des propriétaires de véhicules automobiles sur route.
"Etant donné que la somme attribuée lors de la première audience n'est pas suffisante, nous avons opté de poursuivre le jugement dans la cour d'appel. La mère de la victime demande que le cas de sa fille soit considéré comme un cas exceptionnel", nous explique l'avocat de la victime.
En effet, la petite Khansaa a bénéficié légèrement d'une loi qui s'applique sur les personnes au chômage et qui ont été sujet à un accident de la route, " 110.000 DH par an, c'est un barème correspondant au SMIG, et c'est cette loi qui a été appliquée dans le cas Nammas, or cette fillette est mineur et une telle somme est loin de la suffire", rajoute l'avocat.
De façon générale, lorsqu'une personne qui bénéficie d'un certain salaire tous les fins du mois, et qui devient sujet d'un accident, se voit doter d'un montant basé sur un barème qui prend en considération le salaire mensuel, en fonction des jours de convalescence prescrit dans le certificat médical.
Par ailleurs, la défense de la victime s'attendait à un jugement le 5 juin, mais elle s'est retrouvée avec une audience reportée au 29 septembre prochain parce que l'adversaire (dans ce cas c'est l'assureur) déclare ne pas avoir reçu la convocation du tribunal. Bien que la famille demande une indemnisation correcte de la part de l'assurance, cette dernière n'envisage pas l'assumer.
"Nous réclamons une rémunération plus importante! Concrètement, nous estimons que la somme allouée est minable, tandis que l'assurance estime que c'est beaucoup, et c'est là où réside toute la différence!", explique l'avocat.
Toutefois, parmi les exigences de la famille de la victime, la défense signale "la prise en charge d'Al Khansaa par une troisième personne (nurse ou assistante), ainsi que l'octroi des indemnités qui sont censés se faire transférer au CDG (Caisse de dépôt et de gestion). En effet, étant donné que la victime est encore mineure, elle ne pourra toucher aucun centime de l'argent transféré que lorsqu'elle aura achevé ses dix-huit ans.
Et là encore c'est un nouveau défi à relever. L'avocat de la défense déclare que « cette famille n'a pas de source pour venir aux besoins de la victime, comment va-t-elle financer les opérations ? Comment va-t-elle faire pour suivre le traitement médical ? Une fois le jugement prononcé, une nouvelle affaire devrait être entamée pour résoudre ce problème ».
REPÈRES Un budget énorme Frais de renouvellement des prothèses jusqu'à l'âge de 18 ans : De 12 ans à 15 ans : 120.000,00 DH et de 16 ans à 60 ans : 2.200.000,00 DH Frais des opérations de correction de la partie osseuse des 2 jambes restantes de 2007 à 2013 : 84.000,00 DH Frais de scolarisation au lycée privé : 60.000,00 DH Frais de la nurse par an: 12.000,00 DH