Une reproduction grandeur nature
Pour Hollywood, la période de deuil aura duré quatre ans et demi. Les deux premiers films consacrés aux attentats aériens du 11 septembre 2001 sortent cette année sur les écrans: en attendant «World Trade Center» d'Oliver Stone (le 9 août aux Etats-Unis et le 20 septembre en France), c'est «Vol 93» qui a donné le coup d'envoi.
Le film, qui raconte le sort du quatrième avion détourné, sort sur les écrans français, deux mois et demi après les Etats-Unis (le 28 avril) où il a provoqué bien des débats. Il a également été présenté hors-compétition au dernier Festival de Cannes, en présence du réalisateur et de plusieurs membres des familles des victimes.
C'est un Britannique, Paul Greengrass, réalisateur notamment de «Bloody Sunday» et de «La mort dans la peau», qui a ainsi voulu rendre hommage aux 40 passagers et membres d'équipage du vol United Airlines 93 qui devait assurer ce jour-là la liaison entre Newark (New Jersey) et San Francisco.
On ne connaît pas toute la vérité sur ce quatrième avion, mais la plupart des familles des victimes ont collaboré avec le réalisateur pour s'en rapprocher au plus près, notamment grâce aux conversations téléphoniques entre les passagers et leurs proches.
L'équipe du film s'est appuyée sur les enregistrements des données du vol, des documents d'archives nationales et sur plus d'une centaine de témoignages de proches des victimes, de membres de la commission d'enquête, de contrôleurs aériens et de militaires ou civils qui sont intervenus ce jour-là.
Le film commence par une scène avec deux des quatre terroristes, au matin du 11 septembre, dans leur chambre d'hôtel. Ils ne sont ni sympathiques ni antipathiques. L'un lit le Coran à haute voix, l'autre dit : «C'est l'heure». Sur la route de l'aéroport, ils passent devant un hangar où est inscrit «God Bless America».
On voit l'avion -un Boeing 757- avant l'embarquement, l'équipage, les passagers, le portique de sécurité, la salle d'attente, les techniciens, qui préparent l'avion, l'avitaillement en carburant, un retardataire.
Prévu à 8h01, le décollage aura lieu avec 41 minutes de retard. «C'est un beau jour pour voler», dit au micro le commandant de bord, en parlant de la météo. Seulement 37 des 182 sièges sont occupés, il y a sept membres d'équipage.
Sur la gauche, à travers un hublot, on aperçoit les deux tours jumelles du World Trade Center (hypothèse probable puisque l'avion a décollé à 8h42 et que les deux tours seront heurtées par des avions à 8h46 et 9h03).
Le film alterne les scènes au sol, dans les tours de contrôle et les centres de surveillance militaires, et les scènes à l'intérieur de l'avion où, peu à peu, on va apprendre que deux avions ont percuté les tours jumelles, puis qu'un troisième s'est écrasé sur le Pentagone à 9h37. Avant que quatre des 44 personnes à bord, tous en première classe, ne se révèlent être des pirates de l'air.
Les quatre, à l'aide d'armes blanches, pénètrent dans la cabine de pilotage et tiennent en respect les passagers. Leur but présumé (mais on ne saura jamais) est de faire s'écraser l'avion sur la Maison -Blanche. Ils n'y parviendront pas grâce à une révolte collective d'une partie des passagers. Le Boeing s'écrasera peu après 10h (entre 10h03 et 10h10) dans un champ de Pennsylvanie...
A chaque spectateur, avant même d'aller voir «Vol 93», de se faire son opinion sur l'intérêt d'un tel film. Le réalisateur Paul Greengrass estime pour sa part qu'«il existe plusieurs façons de parler des attentats du 11 septembre 2001.
La télévision en a montré les images, les journalistes en ont donné une première lecture que les historiens ont approfondie et replacée en contexte. Les cinéastes ont également un rôle à jouer. Les films n'ont pas seulement vocation à faire rire ou à nous transporter dans des ailleurs merveilleux. Il ne faut pas négliger notre monde et sa réalité. En portant son regard sur un événement particulier, un cinéaste peut y voir quelque chose qui dépasse le cadre de cet événement et touche à l'essence de la société. ‘Vol 93' a été réalisé dans cet esprit».
Deux téléfilms avaient déjà été consacrés en 2003 aux attentats du 11-Septembre, mais sans l'envergure de ce «Vol 93» qui mélange le cinéma-vérité et les scènes d'émotion (notamment les derniers échanges téléphoniques entre les passagers et leurs familles). Les acteurs sont des professionnels peu connus ou des non professionnels, et 13 d'entre eux jouent leur propre rôle de contrôleurs aériens ou personnels au sol.
Accusateur, au générique de fin, contre les manquements des autorités de l'aviation civile et militaire, le film est dédié «à la mémoire de tous ceux qui ont perdu la vie le 11 septembre 2001». Sur le site Internet du film, une rubrique présente une photo et une brève biographie de chacune des victimes du vol 93.
United 93, réalisé
par Paul Greengrass
Avec Lewis Alsamari, Khalid Abdalla, Omar Berdouni
Genre : Drame
Durée : 1h 45min.