Un village totalement à l'abandon
Moulay Abdallah Amghar est le chef-lieu d'une des plus riches communes et pourtant...
LE MATIN
27 Mai 2007
À 16:07
Habité par environ 6000 âmes et distant du chef-lieu, El Jadida, d'environ 10 km, le site du village de Moulay Abdallah Amghar offre une vue panoramique sur l'Atlantique. Le lieu ne manque pas de pittoresque, mais cela cache mal une autre réalité celle qu'endurent les habitants au quotidien.
A l'entrée du village, on se rend très vite compte que tous les travaux qui ont été engagés, soit récemment ou depuis belle lurette, sont seulement des travaux de bricolage.
De fait, la paupérisation qui avance à pas de géant suscite un sentiment de grogne dans les rangs de la population. D'ores et déjà, un mouvement de contestation, structuré autour d'une association, est en voie de maturation pour revendiquer auprès des autorités et du conseil communal le règlement de certains problèmes jugés urgents.
Cet état de sous-développement aigu a généré un chômage massif au sein des jeunes. «Aucun débouché n'est à espérer dans cette commune, si ce n'est les minimes emplois qui ont permis à quelques-uns d'avoir un travail en tant qu'ouvrier de dixième catégorie», se désole un villageois qui y voit une preuve supplémentaire de la marginalisation de la localité.
En conséquence, la majorité des jeunes qui ont toujours vécu de la pêche, leur seule activité et leur principale ressource, voient aujourd'hui celle-ci réduite de plus en plus. Les filets restent souvent abandonnés, inutiles.
Ainsi, ils sont amenés à passer leurs journées au sein des quelques cafés, du village, croisant les bras sur une table tout en sirotant un thé. A l'entrée du sanctuaire du saint Moulay Abdallah Amghar, une petite placette est occupée par des vieux enveloppés dans leurs djellabas et adossés au mur, chacun la tête enfouie dans le capuchon.
Un vieux ne tarit pas de propos quant à l'état d'«abandon» qui touche la localité. «La porte du petit minaret que vous pouvez voir a été refaite par les villageois qui ont mené les travaux et cotisé pour l'achat de matériaux».
Tout autour de ce petit minaret, les quelques maisons éparses offrent à la vue un aspect des plus tristes. Le réseau d'assainissement y fait défaut et les habitants n'ont d'autres choix que de se rabattre sur les fosses septiques. «Il est tout de même lamentable que nous soyons obligés d'utiliser encore les fosses septiques aux risques de maladies qu'elles engendrent et le budget de notre commune dépasse généralement les 20 milliards!», déplore un habitant du quartier. Pour Tahar, «Les ordures s'entassent partout.
Les détritus sont alors livrés aux chats et aux chiens errants qui éventrent les sacs et les laissent éparpillés ici et là». Sa femme ajoute : « Regardez de vos propres yeux ! Les ordures se trouvent toujours sur les routes, devant les demeures des habitants. Toutes sortes d'insectes et les mouches viennent trouver refuge dans cette masse de déchets et le paysage n'est pas beau à voir. » Pourquoi ? C'est simple, étant donné que la commune de Moulay Abdallah, qui est l'une des plus riches du Maroc grâce aux taxes perçues de la zone industrielle de Jorf Lasfar, n'a jamais élaboré un projet sérieux assurant l'hygiène et la propreté de la commune.
On va dire que plusieurs mesures ont été prises et un travail énorme a été effectué, notamment des opérations de reboisement, le désenclavement de plusieurs douars à travers la réalisation de routes rurales, des opérations d'électrification et d'approvisionnement en eau potable. Toutefois, toutes ces actions demeurent "insuffisantes" face aux énormes ressources financières de la commune. Pire encore, les quelques pylônes électriques installés n'éclairent pas durant la nuit et il est impossible de circuler la nuit au risque d'avoir un accident. Le manque d'éclairage crée aussi un sentiment d'insécurité dans la région.
Quant à la mer, elle connaît une dégradation environnementale, écologique et socio-économique désolante à cause du déversement en mer des déchets des usines de la zone industrielle de Jorf Lasfar.
Ainsi, les plus vulnérables à cette dégradation environnementale sont les enfants, les personnes âgées et les individus souffrant de maux préexistants, notamment les maladies cardiaques et pulmonaires.
Les industries dans cette région sont principalement des usines polluantes telles que celles des produits chimiques.
Ces industries ont besoin de nouvelles technologies écologiques, en particulier de l'équipement de conception avancée pour réduire selon les normes imposées par l'OMS les décharges de pollution.
D'autre part, dans cette localité, les habitants continuent à vivre de maigres ressources agricoles, du travail saisonnier et surtout des pensions de retraite des émigrés.
Une «manne» qui elle aussi se fait de plus en plus incertaine. Ces derniers "résistants" aux visages buriné et fatigué continuent malgré tout de vous accueillir avec un large sourire Un seul souci en tête pour les quelquescommerçants, convaincre le client, réussir à écouler leur modeste marchandise en contrepartie de ce qu'ils appellent la "baraka", une petite somme de quoi remplir leurs paniers lors du souk hebdomadaire qui se tient chaque dimanche.
«Quoi de plus frustrant déclare un jeune licencié, pour les citoyens du village de Moulay Abdallah que de se sentir abandonnés par les autorités provinciales et locales et des gérants de la commune qui ne daignent pas prêter une oreille attentive à leurs souffrances quotidiennes ! De plus, vous savez que le moussem de Moulay Abdallah Amghar, a une renommée mondiale or, aucune infrastructure hôtelière n'a été aménagée par les responsables concernés afin de sortir cette localité du dénuement dans lequel elle se trouve, surtout en été !».
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Les élus pointés du doigt
Partout où on passe dans cette localité, la plupart des habitants mettent cet état de fait sur le dos des élus. « Notre commune est très mal gérée », soutiennent-ils. Ils parlent alors de « détournements, de magouilles et de népotisme ». Certains s'avancent même sur un sujet assez délicat : « Des pots-de-vin pour l'acquisition de marchés ».
Mais pour parler de ces sujets, l'anonymat est de rigueur. Quel degré de vérité y a-t-il dans ces rumeurs colportées par la population de Moulay Abdallah ? Seule une enquête minutieuse diligentée par les plus hautes autorités de l'Etat peut répondre à cette question. Jusque-là, la population de Moulay Abdallah continuera de vivre au rythme des rumeurs et des maux qui délabrent la vie sociale.
Par conséquent, devant cette situation dramatique, l'autorité provinciale et locale et les gérants de la commune ne peuvent qu'être interpellés pour agir vite et bien en donnant toujours des signaux forts. Ils n'ont point d'excuses. Il leur est demandé de mettre en œuvre des projets de développement à impact visible.