Spécial Marche verte

La tutelle, une lourde responsabilité

Avant même la mort des parents, ces derniers doivent réfléchir à celui qui prendra le relais

30 Mai 2007 À 12:32

Le temps passe, les enfants prennent leur envol et les parents se retrouvent confrontés à un nouveau dilemme : celui de la vieillesse. La leur mais aussi celle de leur enfant. Une autre question se pose alors : quel sera le devenir de leur enfant handicapé mental après leur mort ?
Cette perspective, aussi douloureuse soit-elle, doit être envisagée aussi bien par les parents que par les frères et sœurs avant que les difficultés ne surviennent. Il est évident qu'aborder ce sujet est loin d'être facile, car évoquer la prise en charge de son frère ou de sa sœur handicapée, c'est aussi entrevoir la mort des parents et se projeter dans un futur qu'on souhaite le plus lointain possible... «C'est vrai que c'est morbide.

Mais, il faut absolument prendre ses précautions. En tant que parents, nous avons l'obligation de veiller sur notre enfant, mais ses frères et sœurs ont le choix. Nous devons donc savoir avec certitude s'ils sont prêts à assumer cette responsabilité», dit ce père d'une fille handicapée mentale de 28 ans.

Généralement, et c'est souvent le cas, le relais revient naturellement à la fratrie. Toutefois, la décision d'assurer la tutelle de sa sœur ou de son frère handicapé met en jeu des motivations complexes : obligation morale, notion de réciprocité, dette envers les parents, situation professionnelle et matérielle... les réactions peuvent donc être diverses.

Certains vont refuser d'assumer ce rôle car ils s'en sentent incapables. D'autres, en revanche, et heureusement ils sont les plus nombreux, acceptent de bon cœur cette nouvelle responsabilité du fait que l'adulte handicapé fait partie de leur vie comme l'un de leurs enfants, tout aussi vulnérable. Cette solution, ils l'ont mûrie depuis bien longtemps. C'est pour eux le moyen de poursuivre les efforts accomplis par leurs parents. «Pour mon frère et moi, la question ne s'est jamais posée. Nous devions, par respect pour mes parents, prendre en charge notre frère.

Tout est prévu, et ce, depuis longtemps. Notre frère aura son chez-soi, mais également une chambre dans chacune des maisons. Nous n'habiterons pas loin afin d'être toujours à côté en cas de besoin. Nous lui assurerons un revenu… et chacun à son tour s'en occupera pendant les vacances et les week-ends. C'est notre frère, il est impensable qu'on puisse le laisser tomber», explique Khalid.
La question de l'héritage se pose aussi. La plupart des parents, qui osent aborder ce sujet de leur vivant, ont peur que leur enfant soit ensuite lésé de ses droits et prennent les devants au risque de froisser les frères et sœurs.

«Nous n'avons pas le choix. Il faut absolument assurer un confort à notre enfant après notre mort. Il est important qu'il puisse garder les mêmes conditions de vie», dit cette maman. En effet, de nombreux cas existent malheureusement où
les enfants handicapés sont lésés et discriminés au moment de l'héritage.

D'où la nécessité pour les parents d'aborder ce sujet au plus vite. «Nous sommes trois sœurs. Pour la répartition des biens, nos parents ont abordé le cas de notre sœur handicapée. Et tout naturellement, nous avons jugée que ce serait elle qui prendra la plus grosse part du gâteau. Nous, nous avons les moyens de nous prendre en charge contrairement à elle. Il est donc normal et légitime qu'elle ait droit à presque tout», conclut Wafaa,
sœur d'une jeune handicapée mentale.
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Ce qu'en dit la législation

«Une personne handicapée mentale est toujours considérée comme mineure. De ce fait, elle ne peut jouir de ses biens et doit obligatoirement avoir un tuteur. Mais ce dernier ne peut accomplir certains actes qu'avec l'autorisation du juge, il en est ainsi de la vente de biens meubles ou immeubles, la création de droits réels sur ces biens…», explique Khadija Rougany, avocate au barreau de Casablanca En effet, la capacité d'exercice qui est la faculté qu'a une personne d'exercer ses droits personnels et patrimoniaux et qui rend ses actes valides, s'acquiert à la majorité légale qui est de 18 années grégoriennes révolues, sauf pour le dément, le prodigue ou l'handicapé mental, qui sont soumis, conformément au code de la famille, aux règles de la tutelle paternelle, maternelle, testamentaire (désignée par les parents), ou dative (désignée par la justice).

Cependant, selon l'art. 234 dudit code, le tribunal peut désigner un tuteur datif et le charger d'assister le tuteur testamentaire ou d'assurer une gestion autonome de certains intérêts financiers du mineur. Les deux doivent en revanche présenter au juge chargé des affaires des mineurs un compte annuel rapportant les différents revenus et dépenses de l'incapable en clarifiant sa situation débitrice ou créditrice.
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