Méconnu, mal-aimé, il poursuit son rêve d'enfant sans plier le genou >«Je suis à la recherche de la lumière au milieu de l'obscurité, je veux savoir ce qui est bien et ce qui est mal, aimer ceux qui m'aiment, voir demain ce qui m'a manqué hier, j
LE MATIN
07 Août 2007
À 18:21
Dans le sillage de Walid Mimoun et de Khalid Izri, Saïd Zerouali, jeune auteur compositeur de Berkane, a suivi la pente ascendante de la chanson amazighe engagée.
Son histoire avec la musique remonte à son enfance. Né à Berkane, ce jeune troubadour de la chanson amazighe moderne a appris la musique dans la rue. « Je n'ai pas appris dans un conservatoire, mais en jouant avec mes amis dans les rues de ma ville. On se débrouillait pour faire les photocopies des notes de musique », disait Saïd. La guitare est l'instrument le plus fréquent dans cette ville de l'oriental, comme elle l'est dans tout le Rif, la posséder était pour lui un besoin vital, un but, une obsession.
Cet enfant rêveur finit par acquérir sa propre guitare. Il a tout simplement troqué la radio familiale contre cet instrument porteur de beauté et de magie. Depuis, la guitare ne l'abandonnera jamais. Cet instrument sera son compagnon dans la vie.
Appelé dans tout le Rif «le chanteur siffleur», Saïd a réussi au cours des années à s'imposer sur la scène artistique amazighe par son engagement, sa persévérance et son travail sans relâche. Il participe à un grand nombre d'activités culturelles et artistiques organisées à travers le Maroc.
Partout où il va, il offre ses mélodies et ses idées aux âmes éprises de justice et de liberté. Ses chansons ne sont pas bassinées à l'eau de rose. Il chante Abdelkrim, la femme amazighe et les traumatismes d'une histoire méconnue. Une voix douce, des textes incisifs et frondeurs, Saïd dresse une critique acerbe de la situation de la langue et de la culture amazighes.
Simples et directes, ses chansons portent en elles des revendications culturelles, voire politiques. Il n'hésite pas à mettre en valeur des personnages ayant laisser des traces dans l'histoire de ce carrefour des civilisation qu'est le Maroc. Dans son titre phare «Mayemmi», il fustige ceux qui ont tout fait pour mener les jeunes au désespoir.
Pour avoir la chance de produire son premier album, Saïd a dû contacter des éditeurs dans plusieurs villes du Rif dont Berkane et Nador. Mais son nouveau style les dissuade. « Les producteurs favorisent la musique jetable et aiment les chansons rythmées qui les font danser. Ils ont peur et préfèrent ne pas avoir affaire à la chanson politisée», affirme-t-il. Cette peur, selon lui, frise parfois le ridicule, car ses textes sérieux et ses idées ne cadrent pas avec leur façon de faire. «Dans l'oriental les éditeurs testent les échantillons des chansons en dansant.
L'éditeur rassemble deux ou trois personnes, met la cassette en marche et demande leur avis. Si la musique les fait danser, il la considère valable, sinon il la rejette», poursuit-il. Seulement, ce n'est pas la voie de la facilité qu'il a choisie. Il est en perpétuelle recherche de sens. Après la sortie de son album «Mayemmi» en 2005, l'artiste est entré dans une période de méditation.
Ce silence prolongé est pour lui synonyme d'expérimentation, de quête de nouveauté . «Mayemmi», qui signifie littéralement «pourquoi», était un franc succès. Malgré le problème de la distribution que subissent la plupart des musiciens, les chansons de Saïd Zerouali sont répandues dans la région du Rif, à Nador, Oujda et Berkane.
«Ils ont peur de la chanson engagée, ils sont surtout à la recherche de la chanson jetable, celle qui fait danser», déplore-t-il. Saïd mène néanmoins son combat et ne cède pas aux exigences des «faiseurs de disques».
Suivant la voie et le style d'Idir, poète et chanteur kabyle, il s'obstine à créer des rythmes et des paroles dont la qualité artistique rivalise avec la profondeur de son message. Malgré les nombreux obstacles qu'il rencontre il poursuit son parcours du combattant pour affirmer ses idées, son art. -----------------------------------------------
Créativité vs rentabilité
Depuis des décennies, le Rif et l'oriental sont des contrées qui regorgent de talents musicaux. La jeunesse de ces deux régions s'est fait un point d'honneur à vouloir moderniser la chanson tout en lui gardant un cachet authentique. Cependant, et malgré tous les efforts de ces générations d'artistes, elle peine à se trouver une place au soleil.
Particulièrement la chanson porteuse de sens, celle qui mérite d'être considérée comme de l'art et non pas comme un «produit périssable». Le problème reste entier car ceux qui président à la production musicale ne sont que des boutiquiers en quête de gains rapides.
En l'absence d'un environnement culturel structuré, la créativité de la jeunesse de cette région reste sujette à l'exclusion, à la perte pure et simple. A bon entendeur...