L'artiste relate la «mal-vie» de la production marocaineR>«Si on ne met pas un terme au piratage, il n'y aura plus personne pour faire des chansons au Maroc dans les prochaines années». >Depuis toujours, Malek n'a de cesse de faire le même pla
LE MATIN
31 Mars 2007
À 19:15
C'est tout un secteur aux potentialités productives insoupçonnables, celui de la musique, qui est pris en otage par des trafiquants qui, dans l'impunité la plus totale, se plaisent à détourner la propriété intellectuelle d'autrui à leur seul profit. Comment expliquer le contraste, plus que criant, entre la richesse et la diversité dont tout le monde parle s'agissant de la musique marocaine, et l'absence de vedette de stature arabe et encore moins internationale, sinon par l'absence d'une production musicale structurée et viable qui englobe aussi bien l'édition que l'animation en passant par la réalisation et la promotion ?
En fait, il s'agit d'une industrie qui, comme telle, a besoin d'un tissu d'entreprises de production, de promotion et d'animation, pour assurer un niveau respectable de croissance à la fois quantitatif et qualitatif dans la production ; pour générer des emplois et des richesses qui profiteraient à tout le monde…
Or, comment une telle industrie pourrait-elle s'installer quand elle est confrontée à toutes les entraves imaginables qui œuvrent toutes à la saper à la base ? Le piratage en est la plus redoutable.
« Beaucoup de sociétés de production ont été contraintes de mettre la clef sous le paillasson, et celles qui survivent ont de moins en moins envie de produire des artistes connus», affirme Malek. Et pour cause. La production des chanteurs anonymes ne coûte pas grand-chose, et en plus, il ne sont pas trop regardants sur ce qui advient de leur produit. On l'a dit, le piratage fausse tout. Malek en sait quelque chose, non seulement en tant que chanteur-compositeur, mais également en tant que producteur avant de s'en mordre les doigts.
Pourtant l'itinéraire de Malek aurait pu le mener très loin... C'est à 14 ans qu'il se découvrit un talent de poète. Le lycée, l'adolescence, les belles filles, le temps des fleurs, quoi…; et comme tous les jeunes de son âge, Malek, pour citer la chanson de l'époque, était beau et croyait au ciel, lui aussi… A 16 ans, il commence déjà à gratter sa guitare, Brel, Brassens, Piaf, Serge Reggiani, Gilbert Bécaud, ont pignon sur rue et il est difficile de ne pas succomber à leur influence.
Nous sommes dans les années 1970. C'est à Montpellier, où il s'était rendu pour terminer ses études, que le Jeune Malek affronte pour la première fois le public. Il commence déjà à faire les cafés-théâtres avec un groupe. Il réussit même à éditer un 45 tours sous le titre:"Une Mère". C'est alors qu'il décide d'abandonner les études pour se donner tout entier à sa passion : la musique. En 81, c'est la sortie de son premier album : "La Mal-vie", avec une très belle chanson qui connaît un grand succès. Bientôt suivi d'autres, huit albums en tout.
L'influence de Brel est manifeste dans certains, mais déjà le cachet Malek prend de la hauteur. Un cachet fait d'une double culture, celle française du côté de la mère, Marie-Louise Belarbi pour ne pas la nommer : «Une dame de culture qui m'a élevé dans la tolérance ».
Celle marocaine aussi, le père, Oujdi de naissance et dont Malek garde les marques dans sa musique : le parfum raï, la parfaite harmonie avec Hamid Bouchnak, pour un temps du moins, viennent-ils de là ? Sans doute. «J'assume ma double culture et j'essaie au mieux d'en faire une source de créativité », dira Malek. A la fin des années 80, Malek et quelques autres artistes dont Hamid Bouchnak, Mouskir, Saïda Fikri, Sidonie et d'autres, dans un élan d'enthousiasme, ont cru pouvoir s'investir dans la production en créant Maya Productions. L'idée était de mettre leurs efforts et leurs talents en commun au service de la promotion de la chanson marocaine. Après tout, les sociétés de production n'étaient pas légion et tout restait à faire dans le domaine. C'est ce qui se fait dans les autres pays où la musique est une véritable industrie. Pas au Maroc malheureusement. Malek est ses amis ne tarderont pas le découvrir.
Encore une fois, à cause du piratage. On imagine la suite: «Nous ne sommes pas les seuls à abandonner, d'autres sociétés de production ont été contraintes de fermer boutique». Est-ce une fatalité ? «Oui, tant qu'il n'y a pas une réelle volonté politique de mettre un terme au piratage», conclut Malek. On en est encore là aujourd'hui, 15 ans après. Tous ceux qui s'essaient à ce métier vous le diront, professionnels ou amateurs.
REPÈRES Parcours Milieu des années 1970 : il sort en France son premier 45 tours , "La Mère". 1981 : Malek édite son premier album "La Mal-vie" qui eut un grand succès. 1989 : avec Bouchnak, Mouskir, Sidonie et d'autres, il s'essaie à la production sans succès, à cause du piratage.