L'humain au centre de l'action future

«À la recherche du temps perdu»

L'écrivain Jean-Pierre Koffel, grand connaisseur de la littérature marocaine contemporaine et l'un des fondateurs du genre policier au Maroc, vient de publier son anthologie «Argaz Izyane, l'homme immobile» aux éditions «Aini Bennaï» à Casablanca.

29 Février 2008 À 16:38

Cette dernière livraison, qui regroupe quatre romans, nous fait découvrir un autre Koffel, différent de celui du précurseur du polar. «L'auteur de Nous l'appellerons Mehdi, qui a eu le Prix Atlas en 1995 et de Pas de visa pour le paradis d'Allah, entre autres, a plus d'une ressource et excelle dans plus d'un registre», indique l'écrivain El Mostafa Bouignane dans la préface.
L'histoire du recueil tourne autour de Jean Eychenne, un veuf, qui élève un fils et qui vit des fois des moments d'inertie. Au-delà de l'histoire singulière de cette personne, l'auteur veut nous faire réfléchir sur le temps.

«Dans L'Art du roman, Kundera dit à propos de Joyce qu'il arrive à analyser quelque chose de plus insaisissable que Le Temps perdu de Proust : le moment présent. Dans son ouvrage, Koffel, réussit à l'instar de l'auteur d'Ulysse, à arrêter ces instants fugitifs qui nous coulent entre les doigts.
Ce n'est rien d'autre que ces petits moments de la vie, avec leurs bruits familiers : la rumeur de la rue, le bruissement d'un arbre», ajoute E. Bouignane.
Pour ce qui est de l'importance des mots, voici ce qui est dit dans ce livre. «En vérité, il n'y a que les mots: les objets, les lieux, les gens, ce n'est rien d'autre que des mots finalement. C'est avec les mots qu'on a dans la tête qu'on vit». Parlant de son œuvre, l'auteur «Des pruneaux dans le tagine», explique que le Maroc, ce pays qu'il a tant aimé, est pour lui une quête: «Si le Maroc est presque toujours présent dans mon œuvre, mes personnages ne sont pas tous Marocains. En contrepartie, j'ai placé des héros marocains comme Mehdi dans des pays comme la France et l'Espagne. Mais le pays le plus cher à mon cœur, le Maroc disparu, me semble devoir être l'objet d'une quête passionnée avec en ce qui me concerne une petite préférence pour les années 20, 50 et 70».

Il pense à ces écrivains du passé qui avaient le Maroc au cœur : Marie Barrère-Affre, qui dans les années 20 écrivait ses romans (dont 15 sur 70 sont marocains) sur la terrasse du chalet de la plage de Mogador, John Knittel qui écrivait son Arietta (un roman marocain), en 1954, lui aussi face à la mer, sur la terrasse d'une aubergeà Ou lidia. Autre manière de s'approprier le pays, de l'ingérer, de l'assimiler, c'est de l'écouter, de le lire.
«C'est ce que j'ai fait lorsque j'étais professeur de français de 1954 à 1973, j'ai lu et corrigé en vingt ans 3.000 élèves à raison d'une rédaction hors classe par élève et par semaine pendant neuf mois sur 12.

Je suis riche de tout ce que le Maroc m'a apporté et je suis en âge de le restituer avec les moyens que j'ai, qui ne sont pas rien, parce qu'ils sont le fruit d'une longue expérience et d'un constant apprentissage», conclut ce «fou» du Maroc.
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Découvreur de talents

Né à Casablanca en 1932, et après une carrière dans l'enseignement au Maroc, Jean Pierre Koffel se consacre à l'écriture et s'est fait un nom dans le polar marocain.
En plus des traductions de Sophocle en vers, il a collaboré dans des rubriques culturelles de journaux et périodiques et animé la revue marocaine de poésie «Agora».

Il est aussi l'auteur de plusieurs ouvrages : «Des pruneaux dans le tagine», «L'inspecteur Kamal fait chou blanc», «La cavale assassinée», «C'est ça que Dieu nous a donné».
Cet homme de lettres qui a choisi Kénitra, comme lieu de résidence, reste une des grandes figures de la littérature francophone dans notre pays. Grand découvreur de talents, il a aidé les auteurs en herbe, encouragé les hésitants et accompagné les confirmés.
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