L'humain au centre de l'action future

«Je pars d'un dessin pour sculpter des coiffures»

Plus qu'un simple métier, la coiffure est, pour notre virtuose, un art à part entière. Les 18 et 19 avril, le grand maître de l'art capillaire sera au Maroc pour des soirées de pleine lune.

02 Avril 2008 À 13:19

Le Matin : Comment avez-vous eu l'idée d'organiser les soirées de pleine lune dans votre salon parisien ?

Djelani Maâchi :
En fait, il s'agit d'une vieille croyance qui existe depuis la nuit des temps et qui veut que les cheveux poussent plus vite quand ils sont coupés en cette période du mois. J'ai eu l'idée d'organiser ces soirées dans les années 80 parce que j'avais constaté que certaines clientes attendaient ces jours pour se faire couper les cheveux. Au début, cela me paraissait absurde, mais par la suite je me suis dit pourquoi ne pas vérifier si cette opération avait vraiment un résultat bénéfique sur la repousse de cheveux. J'ai donc fait des tests sur des personnes qui se colorent les cheveux pour mieux constater la différence. En tentant cette expérience, je n'ai obtenu aucun résultat. Un jour, j'ai rencontré un paysan en Normandie qui m'a expliqué qu'il fallait attendre la nuit pour le faire en vue de travailler avec les rayons de la lune. J'ai recommencé le test la nuit sur une personne aux cheveux colorés. Et là, surprise ! La repousse était spectaculaire. Elle était de 2 cm et dans certains cas, de 3 cm, alors qu'elle est de 1 cm en temps normal.

Et votre clientèle a été vite conquise par l'idée ?

Au bout de 25 ans, les résultats sont là. Il est vrai que scientifiquement, rien n'a été prouvé. Mais je préfère laisser les spécialistes dans leur chapelle. En revanche, si l'on veut que ses cheveux poussent moins vite, il faudrait les couper en lune descendante, c'est à lire le lendemain de la pleine lune. Ceux qui veulent avoir des cheveux plus forts, devraient les couper un soir de pleine lune entre 22h et 6h du matin. Les cheveux tombent beaucoup moins s'ils sont coupés en cette période.

Aujourd'hui, comment vous concevez l'évolution de votre travail, surtout que, pour vous, la coiffure n'est pas un simple métier, mais un art à part entière ?

J'exerce un métier artistique qui me passionne. J'ai beaucoup de goût que j'essaie toujours de développer à travers mes créations. Aujourd'hui, ma véritable fierté c'est que certains de mes confrères commencent à s'intéresser à mon concept de pleine lune. C'est devenu une sorte de franchise. Beaucoup de coiffeurs me demandent conseil sur les moments propices pour pratiquer. Il faut savoir qu'il y a certaines lunes qui ne sont pas très bénéfiques.

Vous ne faites pas des coupes ordinaires, vous êtes toujours à la recherche de l'original et de l'excentrique. D'où puisez-vous vos idées ?

Il n'y a pas de secret. Je jongle avec l'actualité. Lors de la coupe du monde du football, j'avais créé des coupes en ballon de football.
Pour Roland Garros, c'était des coiffures en balles de tennis; et pour le Festival de Cannes, j'avais réalisé des bobines de film. J'adore créer.
J'aime bien le côté créatif de mon métier. En réalité, je me considère comme un peintre qui se met devant une toile pour créer en s'inspirant de certaines images.
Mon inspiration, je la puise dans le dessin à partir duquel j'arrive à sculpter une coiffure sur une tête.

Peut-on dire alors que le processus de création commence, chez vous, sur un bout de papier pour finir sur une tête ?

Tout peut être déclenché par une idée ou par une image qui peut se transformer en coiffure. C'est un peu comme de la sculpture. Cela dit, il m'arrive souvent de commencer par dessiner des coiffures avant de les réaliser. Aujourd'hui, dans certains pays, je reçois des gens qui me demandent de réaliser des dessins sur leurs têtes : des damiers, des tableaux de Picasso… Il est vrai que cela ne dure qu'un court moment, mais c'est le côté artistique qui est important.
Le côté «actualité», lui, fait que je suive les nouvelles tendances. Il m'arrive également de faire des coiffures selon la morphologie des visages et en fonction de l'étage cérébral, affectif et expansif de la personne.

Où est-ce que vous vous ressourcez pour joindre l'artistique à l'agréable ?

Comme je suis toujours à la recherche de nouveauté, je passe mon temps à réfléchir pour trouver des idées. J'ai même créé une coiffure en forme électronique avec des lumières. Cela a marché il y a quelques années où c'était à la mode.


Quelle est la part des nouvelles technologies dans vos créations ?

Dans mon métier, il n' y a pas que l'artistique qui compte. Il y a bien entendu le côté sérieux qui comprend toutes les nouvelles techniques et les nouvelles tendances. Je crée aussi des coiffures qu'on peut porter au quotidien quoique je ne travaille pas beaucoup selon les tendances et la mode. Je pense qu'il faut plutôt créer en se référant à la morphologie parce qu'on n'a pas tous le même visage ni les mêmes traits. Or, une coiffure tendance ne peut pas correspondre à tout le monde. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai créé aux Etats-Unis, il y a quelques années, un logiciel qui permet de visualiser et de proposer aux gens des coiffures qui correspondent à leur personnalité. Aujourd'hui, il est sur le net. Grâce à lui, j'arrive à coiffer des personnes à distance. Pour moi, une image vaut mille mots. C'est le vrai travail du morpho coiffeur ou du coiffeur visagiste.

Vous êtes très porté sur l'astrologie ?

Pas vraiment. Il est vrai que je lis mon signe tous les matins, un peu comme tout le monde. Mais c'est plus une question d'habitude. Toutefois, à force de le faire, j'ai fini par créer des coiffures qui représentent les signes astraux, avec les couleurs et les bijoux qui leur conviennent. Si je l'ai fait, c'est juste parce que c'est amusant et artistique. Il est, donc, clair que ce n'est pas une coiffure qu'on va porter tous les jours.

Quels sont vos projets au Maroc concernant les soirées de pleine lune ?

Le centre Roxalina à Mohammedia va rester ouvert une bonne partie de la nuit de pleine lune tous les 29 jours. Ce salon sera nocturne non-stop jusqu'à une heure tardive. Je ferais le déplacement tous les mois entre Paris et Casablanca. En même temps, je suis en train de passer l'information à certains confrères qui sont intéressés. Ce concept s'est exporté dans plusieurs pays, alors pourquoi pas au Maghreb? Le Maroc en aura la primauté les 18 et 19 avril. Alors je dis à mes clientes, venez me découvrir, je ne suis pas un gourou!
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Le pionnier

A 13 ans, Djelani Maachi quitte l'Algérie en 1963, pour la France. Il exerce plusieurs métiers avant d'arriver à la coiffure, par le plus heureux des hasards grâce à sa sœur, coiffeuse. Il a voulu tout de suite se démarquer, étant convaincu qu'il n'est pas évident pour un étranger de se faire une place s'il n'évolue pas. Il commence, donc, à créer des coiffures marginales et originales pour intéresser les médias. Sans se lasser de son métier, il innove encore en réalisant des coiffures sous forme de signes astrologiques qu'il présente à l'émission de Michel Drucker (Champs Elysés). Par la suite, ce furent des coupes en forme de bobines de film pour le festival du cinéma de Cannes.

En 1985, Djelani franchit une nouvelle étape de sa carrière avec ses soirées de pleine lune. Il transforme son salon en «Capillodrome lunaire» où afflue une clientèle qui croit au phénomène de l'influence de la lune. Ces nuits sont devenues internationales puisqu'il les a réalisées dans le monde entier (Japon, Etats-Unis, Brésil, Allemagne, Espagne…).
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