Spécial Marche verte

Il croyait bien faire...

Les affaires marchaient bon train, pour ces quatre jeunes qui se sont débrouillés afin de mettre sur pied leur propre entreprise.

21 Mars 2008 À 14:13

Bâtie autour d'une simple idée, avec beaucoup de bonne volonté et sur fond d'expatriation, l'entreprise en question était vouée à un grand succès. Pour preuve, les quatre compères gagnaient suffisamment d'argent pour bien manger, se fringuer et s'acquitter de leur loyer commun, à Tétouan, leur terre d'exil. En effet, originaires de Fès, les «associés» avaient décidé, un beau jour, de tenter l'aventure ailleurs que dans leur ville natale. Le choix porté sur Tétouan, en tant que destination, n'était pas le fruit du hasard. À cet effet, c'est Khalid qui était derrière l'idée, car il en savait quelque chose.

Âgé de 23 ans, ce dernier avait un métier bien particulier, celui de rôder dans les rues ou de fouiller dans les dépotoirs, afin de récupérer différents bouts de ferrailles, des fils de fer, etc. Lesquelles marchandises étaient aussitôt revendues et, aussi curieux que cela puisse paraître, elles trouvaient toujours preneurs. Il faut préciser que ses clients étaient plutôt des grossistes revendeurs qui écoulaient, à leur tour, les «articles» rassemblés à de grosses manufactures qui se chargeaient de les recycler.

Bref, ce métier ayant déjà permis à Khalid de vivre, il décida, en compagnie de ses futurs associés, d'aller l'exercer à Tétouan car, semble-t-il, il aurait eu vent que la ville regorgeait en marchandises du genre. C'est ainsi que la voile fut hissée vers le Nord. Autre particularité de cette bande à part, c'est qu'elle est composée de Mounir, qui n'est autre que le frère aîné d'une année de Khalid, ainsi que de Mehdi et Omar, tous deux frères également. Débarqués à Tétouan avec quelques sous en poche, les quatre camarades se pressèrent de dénicher un appartement en location pour pas cher. Ils trouveront leur compte à ce propos. A ce stade, il fallait commencer à «travailler» pour gagner sa vie. Ce sera chose faite, également. Au début, chacun tentait de se débrouiller seul, avec ses propres moyens.

Sauf que ce ne fut pas une mince affaire et la vie s'avéra être encore plus difficile qu'à Fès. Les rentrées en argent ne se comptaient pas en liasses et, si cela devait continuer ainsi, ils finiraient par mettre un terme à leur expatriation. Et c'est là que l'idée de créer une «société» à quatre commença à germer. Plutôt que de rester dans une logique où les efforts étaient éparpillés, sans grand résultat, les temps étaient à l'union. En travaillant ensemble, cela devrait être plus lucratif. Grâce aux quelques sous restants et jalousement gardés, l'entreprise a vu le jour et consistait en… une charrette tirée par un baudet.

Cela allait faciliter le déplacement, car plus rapide, en plus du fait qu'avec une charrette, on peut transporter beaucoup de choses, mieux que lorsque l'on n'a que ses propres mains. L'idée n'était pas mauvaise et en canalisant les efforts des uns et des autres, la paire de frères commença à se faire plus d'argent qu'auparavant. Les affaires marchaient tellement bien que l'on commença à faire des économies de côté. Les jours s'écoulèrent ainsi, avec des conditions de vie en constante amélioration.
Après le calme, la tempête, dit-on. Le problème va surgir du côté de Mehdi, l'ami de Khalid. En effet, ce dernier, réalisant quelques économies jour après jour, devait bien trouver quelque chose à faire avec. Il découvrit ainsi les plaisirs du haschisch.

De jour en jour, il en devenait dépendant. L'alcool suivra, et ce n'était pas sans sérieusement déplaire à ses associés, son frère Omar inclus.
Mehdi découvrit ensuite les plaisirs de la chair. Du coup, ce qui lui revenait comme parts de sa société avaient une destination toute tracée : un bout de shit, une ou deux bouteilles d'alcool et les services d'une prostituée pour combler le tout. Les problèmes entre associés prendront de l'ampleur lorsque la productivité de Mehdi baissa considérablement, jusqu'à devenir nulle. Les disputes allaient se joindre au décor.

Un soir, étant en mal de planque, Mehdi se ramènera très tard, accompagné d'une fille avec laquelle il passera la nuit. C'était la goutte qui allait faire déborder le vase. Le lendemain, ses associés, son frère en tête, déversèrent toute leur colère sur lui. La dispute dégénéra en bagarre. Et c'est ainsi que les quatre compères décidèrent de dissoudre la société. Chose qui allait se passer dans la douleur, car, si les économies mises de côté étaient facilement divisibles, ce n'était pas le cas pour le capital de l'entreprise: la charrette et le pauvre baudet. Le ton monta entre Khalid et Mehdi, au point d'en venir aux mains. Mounir et Omar, les frères respectifs de l'un et de l'autre, réagissant par instinct, finirent par se joindre au pugilat.

En plein échange de pêches, Omar sortit un couteau et porta plusieurs coups à Khalid, l'instigateur de l'affaire. Le sang giclant de partout, Khalid s'écroula, pendant que Mehdi et Omar prenaient la fuite, sans demander leur reste. Mounir, voyant son frère pisser le sang, n'arrivera pas à faire grand-chose : Khalid décédera dans les instants qui suivirent. Grâce aux signalements fournis par Mounir, un avis de recherche à l'échelle nationale a été lancé contre Mehdi et Omar. Avis de recherche qui est toujours en rigueur, puisque les mis en cause courent toujours.
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Folie alcoolique

Comment se fait-il que sous l'effet de la colère, un individu, comme tout le monde, puisse franchir le pas et commettre un assassinat ? Les centres pénitentiaires regorgent de personnes jusque-là sans histoire, et qui ont été condamnés à de lourdes peine pour homicide, volontaire soit-il ou pas. Dans plusieurs affaires criminelles du genre, l'alcool, le hashish et autres psychotropes sont pour beaucoup dans la réaction de l'assassin malgré lui.

Veilleur de nuit à Bab Doukkala, à Marrakech, Samir surveillait les petites bicoques, à proximité de la gare routière, où avaient élu domicile toutes sortes de bouquinistes, vendeurs de livres d'occasion et de magazines usagés.
Ce soir-là, comme de coutume, Samir, dont la réputation de farouche bagarreur n'est plus à refaire, entama sa première bouteille de vin dès qu'il a repris son service.
Loin de là, au quartier militaire, au niveau de Hay Sbayss, communément appelé «114», trois jeunes âgés entre 23 et 25 ans venaient, eux aussi, d'entamer leur première bouteille. On les nommera Hicham, Khalid et Rachid.

Plusieurs litres de vin plus tard, aux environs de 3 heures du matin, les trois copains décidèrent d'aller à Bab Doukkala pour se mettre quelque chose sous la dent.
Arrivés sur place, ils s'attablèrent, passèrent la commande et ingurgitèrent leurs plats. Hicham et Rachid se levèrent, laissèrent leur pote sur place et traversèrent la chaussée. Juste en face de la rangée de gargotes, on trouve, en fait, les fameuses bicoques des bouquinistes, sur lesquelles veille Samir. Les deux compères s'assirent sur deux caisses en bois, papotant en attendant que leur copain termine son repas.

Samir s'approcha d'eux et les interpella agressivement. Ils répondirent sur le même ton. Samir sortit un coutelas pour intimider les deux jeunes, allant même jusqu'à assener un coup à Rachid.
Le sang gicla. Fou de rage, il se leva, se saisit de la caisse en bois sur laquelle il était assis et la fracassa sur le crâne de Samir, qui roula à terre.
Rachid s'acharnera par la suite avec une violence inouïe sur le veilleur, à coups de pieds au visage. Dans sa fureur, il s'est emparé d'une jante de roue, utilisée par les gardiens de voitures pour réserver telle ou telle place, munie d'une sorte de manche pour pouvoir la déplacer.
Cette nouvelle arme en main, Rachid se déchaîna sauvagement sur l'homme gisant à terre. Quand il s'arrêtera, Samir était déjà mort.
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