Tata s'offre Jaguar et Land Rover
Evénement de taille dans le monde automobile ! En effet, l'annonce du rachat spectaculaire, par Tata Motors, des deux marques de luxe anglaises Jaguar et Land Rover constituera certainement celle la plus importante de ce début d'année 2008 au sein de l'industrie automobile.
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LE MATIN
30 Mars 2008
À 13:43
«Le monde regarde l'Inde», cette déclaration du ministre indien du Commerce, après que Tata ait payé à l'américain Ford 2,3 milliards de dollars pour ces deux symboles prestigieux de l'automobile britannique, en dit long sur la symbolique de cette acquisition qui propulsera le constructeur indien dans la cour des grands et lui ouvrira les portes du difficile secteur des voitures de luxe où il est absent.
Selon des analystes, cette opération implique une percée importante pour Tata sur les marchés européen et américain. Quant à Ford, cela lui permet de «récupérer des sous», ce qui lui manque depuis quelques années maintenant.
Avec la prise des «joyaux de la Couronne» Jaguar et Land Rover, «le monde est à nos pieds» et la marque au félin «est dorénavant une bête indienne», fanfaronne The Times of India. «Un tigre indien au volant de Jaguar», renchérit The Economic Times.
Outre sa symbolique, cette opération, qui a fait l'objet d'un accord entre Tata Motors et Ford, comprend, selon un communiqué du groupe indien, l'acquisition des marques, usines et droits de propriété intellectuelle.
Le transfert de propriété devrait être bouclé d'ici la fin du prochain trimestre, une fois toutes les autorisations des autorités de la concurrence seront obtenues.
Ford contribuera à hauteur de 600 millions de dollars au financement des fonds de retraite de ses ex-filiales anglaises. Ratan Tata, le président du conglomérat indien, qui a exprimé son immense respect pour les deux marques, a promis de préserver leur héritage, leur compétitivité et de maintenir leurs identités intactes. De son côté, le P-DG de Ford, Alan Mulally, a souligné que Jaguar et Land Rover sont des marques fantastiques et que Ford y a laissé son empreinte, estimant qu'elles continueront de prospérer sous la direction de Tata. Le puissant syndicat britannique «Unite» qui, depuis des mois, s'était dit favorable à l'opération, a regretté que Ford n'ait pas conservé une participation dans ces deux symboles de
l'automobile anglaise.
Le géant américain, en difficulté, va dorénavant se concentrer sur l'intégration mondiale de sa marque Ford afin de dégager une croissance rentable pour tous, a expliqué son patron.
Ford continuera toutefois de fournir aux deux marques des éléments de moteurs et d'autres composants et fera des transferts de technologies.
Pour rappel, l'américain avait acquis Jaguar en 1989 pour 1,6 milliard de livres (2,1 milliards d'euros) et Land Rover en 2000 pour 1,7 milliard de livres. En janvier 2008, il avait désigné Tata Motors comme son acheteur favori.
En s'emparant de ces deux constructeurs prestigieux, l'indien fait une nouvelle percée en Grande-Bretagne après l'acquisition du producteur d'acier anglo-néerlandais Corus, en janvier 2007 pour plus de 10 milliards d'euros. Premier constructeur indien de camions et d'autocars, Tata Motors s'est lancé dans l'automobile en 1999 avec une petite voiture rudimentaire: l'Indica.
En janvier dernier, Tata Motors dévoilait la Nano, l'auto la moins chère du monde, à 2.500 dollars, dont il espère écouler un million d'exemplaires en Inde et dans d'autres pays émergents.
La sortie de la Nano s'inscrit dans un contexte de compétition internationale en Inde pour y produire un véhicule très bon marché, secteur que lorgnent Renault-Nissan et l'indien Xenitis allié au chinois Guangzhou Motors.
Pour compter dans l'automobile, Tata a besoin de nouvelles technologies afin de résister aux mastodontes étrangers comme General Motors et Renault qui ont lourdement investi en Inde, un marché en plein essor.
Selon des analystes, la reprise de Jaguar et Land Rover intervient au bon moment pour Tata, les investissements de Ford commençant à porter leurs fruits : Land Rover a renoué avec les bénéfices et Jaguar pourrait bientôt revenir dans le vert. Cependant, ces achats surviennent aussi alors que le ralentissement mondial, en particulier aux Etats-Unis, pèse sur le marché des voitures haut de gamme. Jaguar et Land Rover subissent déjà un ralentissement de leurs ventes, ont affirmé des analystes.
L'action Tata Motors a d'ailleurs perdu 20% à la Bourse de Bombay depuis janvier.
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Qui est Ratan Tata ?
Ratan Tata est le patron du conglomérat indien Tata, propriété de la famille Tata. Après des études en architecture à l'Université Cornell, il s'installe quelque temps aux États-Unis.
En 1991, le patron charismatique Jehangir Tata (1904-1993), fondateur d'Air India, lui laisse la responsabilité de la direction du conglomérat, mais sa légitimité est contestée. Il a un caractère réservé et, au début, ses rapports avec les différentes filiales sont difficiles. De plus, il n'est propriétaire que de 1% du groupe. Il réorganise les 80 sociétés de son conglomérat en 7 secteurs d'activités:
ingénierie, matériaux, énergie, chimie, biens de consommation, NTIC et services. Il fait prendre à son groupe le «virage du high-tech et des télécoms». Il rachète aussi Tetley Group qu'il intègre dans Tata Tea qui devient ainsi le leader mondial sur ce créneau.
En 2005, le monde finira par reconnaître les qualités et les performances de ce grand leader. Même le magazine américain Forbes l'a élu businessman de l'année en 2005. En 2006, il signe des accords commerciaux et industriels avec le groupe Fiat- Tata va distribuer en Inde les voitures Fiat - et entre dans son conseil d'administration.