La Belgique s'est dotée jeudi d'un nouveau gouvernement avec la nomination du Premier ministre Yves Leterme, après plus de neuf mois d'une crise sans précédent qui a fait craindre l'éclatement du pays et risque de rebondir dans les mois à venir.
AFP
21 Mars 2008
À 16:01
Le roi des Belges Albert II a indiqué dans un bref communiqué avoir "accepté la démission de Monsieur Guy Verhofstadt de ses fonctions de Premier ministre et, sur la proposition de celui-ci, nommé Monsieur Yves Leterme Premier ministre". L'équipe gouvernementale hétéroclite dont M. Leterme hérite, plus par défaut pour sortir de l'impasse que par véritable choix, part sur des bases très fragiles. Elle est traversée par de profonds clivages entre Flamands et francophones sur l'avenir du pays, auxquels se superposent des divergences idéologiques entre partis et des inimitiés personnelles.
Le principe du passage de témoin entre M. Verhofstadt, en poste depuis 1999, et du chef de file des chrétiens-démocrates flamands, âgé de 47 ans et vainqueur des législatives du 10 juin 2007, avait été décidé il y a plusieurs semaines. Quinze ministres et sept secrétaires d'Etat, issus de cinq formations politiques, trois francophones (socialistes, libéraux et centristes) et deux néerlandophones (chrétiens- démocrates et libéraux), font partie du nouveau cabinet. Ils devaient prêter serment à la mi-journée, avant un discours de politique générale que prononcera dans l'après-midi au Parlement M. Leterme. Il devrait surtout insister sur son programme socio-économique prévu, en principe, pour durer jusqu'en 2011.
La question de la réforme de l'Etat, qui oppose Flamands (60% des 10,5 millions de Belges), désireux d'avoir une plus forte autonomie régionale, et francophones (40%), qui redoutent l'éclatement du pays et veulent un Etat central fort, rend incertaine la survie du gouvernement au-delà de l'été 2009, date des prochaines élections régionales, voire même de l'été prochain. La population est sceptique: 63% d'entre eux "n'ont pas confiance" dans le nouveau gouvernement, selon un sondage publié jeudi.
L'arrivée au pouvoir de M. Leterme va au moins permettre une pause après la longue crise politique déclenchée par les élections législatives du 10 juin 2007 et plusieurs tentatives vaines pour former un gouvernement. Peu avant Noël, un scénario de sortie de crise en plusieurs phases avait été finalement établi.Le Premier ministre sortant Guy Verhofstadt a depuis dirigé pendant trois mois un "gouvernement intérimaire", chargé de chauffer la place pour son successeur.
En parallèle, les huit principaux partis du royaume se sont entendus sur le principe d'une réforme de l'Etat en plusieurs étapes. Si quelques mesures limitées ont été approuvées en février, le gros des changements institutionnels a été reporté à une autre négociation, censée aboutir avant le 15 juillet. Faute de quoi les Flamands menacent d'une nouvelle crise. Alors même que les dossiers qui fâchent vraiment n'ont pas encore été abordés, il a déjà fallu plusieurs jours de négociations aux cinq partis de la coalition pour s'accorder sur le programme économique du gouvernement, alliant mesures "sociales" et légères baisses d'impôts, et s'entendre sur la répartition des ministères, finalement acquise à l'arraché jeudi matin.
Aux côtés d'Yves Leterme, on retrouve aux principaux postes les ministres du gouvernement précédent, dont le libéral flamand Karel De Gucht aux Affaires étrangères et le libéral francophone Didier Reynders aux Finances.Seule vraie nouveauté: la centriste Joëlle Milquet, surnommée "Madame non" en Flandre pour sa défense intransigeante des francophones, fait son entrée au ministère de l'Emploi. -------------------------------------------------
Appel au changement
La Belgique "peut espérer un avenir prospère" si elle accepte "le changement", a estimé jeudi le nouveau Premier ministre Yves Leterme, alors que les Flamands réclament une plus large autonomie régionale dans le cadre d'une profonde réforme de l'Etat.
"Notre pays, la Belgique, reste un pays où il fait bon vivre et qui possède bien des choses dont nous pouvons être fiers (...), un pays qui peut se tourner vers un passé riche et espérer un avenir prospère si du moins ce pays est prêt au changement", a déclaré M. Leterme, chef de file des chrétiens-démocrates flamands, dans son premier discours en tant que chef du gouvernement. "Chacun est promis à un avenir meilleur si nous avons le courage d'unir nos efforts, de travailler ensemble et d'être véritablement solidaires et de lutter ensemble pour y arriver", a ajouté devant la chambre des députés celui qui a succédé jeudi à Guy Verhofstadt après plus de neuf mois de crise politique. "Ces mois n'ont pas été perdus, ils ont clairement démontrés qu'il est nécessaire de parvenir à un nouvel équilibre entre les communautés, les régions et l'Etat fédéral", a-t-il insisté.
"Ils ont clairement démontré qu'une nouvelle réforme de l'Etat est nécessaire, une réforme dont chaque citoyen de ce pays, qu'il soit flamand, wallon, bruxellois ou germanophone, tirera profit", a-t-il dit. Après un premier accord en février sur un transfert très limité de compétences de l'Etat central belge vers les régions, comme le code de la route, M. Leterme a assuré que son gouvernement entendait "continuer cet important travail". Il a promis "d'ici à la mi-juillet" une deuxième série de propositions "poursuivant les mêmes objectifs". "C'est ainsi que nous travaillerons pas à pas à la nécessaire réforme de notre pays", a-t-il ajouté. Yves Leterme a conclu son intervention en demandant la confiance des députés, qui devrait la lui accorder sans problème lors d'un vote prévu samedi après-midi.