Naissance de SAR Lalla Khadija

L'hécatombe des immeubles art-déco se poursuit

Le rouleau compresseur de la spéculation foncière a eu raison de plusieurs bâtiments qui symbolisent l'urbanisme casablancais.

09 Janvier 2008 À 15:21

Plusieurs édifices mythiques art-déco et mauresque ont purement et simplement disparu à coups de bulldozers. Les derniers en date sont les anciens magasins et entrepôts «Henry Hamelle» situés à l'avenue Hassan Seghir, démolis les 27 et 28 décembre au moment où tout le monde était occupé par les fêtes de fin d'année. Ils s'ajoutent à une grande liste d'autres édifices art-déco, notamment la Villa Mokri, le Théâtre municipal, les magasins Paris-Maroc, le cinéma Vox, l'hôtel d'Anfa, la piscine municipale, les arènes de Casablanca.... Ces édifices, au charme vétuste, conçus dans un style mauresque ou art-déco par les grands architectes du siècle dernier, tels Marius Boyer, Perret Frères, Hippolyte Delaporte, ont été sacrifiés au profit de grands immeubles sans âme.

Suite à cette démolition l'association "Casamémoire'' a réagi à cet acte jugé inacceptable. Dans un communiqué, l'association s'interroge sur la partie qui a délivré l'autorisation de démolition et si cette partie est intervenue sans l'avis du ministère de la Culture et des associations de sauvegarde du patrimoine. «Existe-t-il une réelle politique de protection du centre-ville dans sa globalité et son unité ?», peut-on lire dans le communiqué.
Le bâtiment, construit en 1918, représentait un exemple majeur de la construction en béton armé à Casablanca selon l'architecture moderne. Sa voûte, d'une portée d'une vingtaine de mètres, abritait des halls d'exposition.

L'emplacement de ce bâtiment permettait d'en faire un local d'une grande enseigne, une galerie marchande, un hôtel… indique le communiqué. Au-delà de la qualité de l'édifice démoli, c'est la cohérence et l'unité urbaine de l'avenue Hassan Seghir qui sont sérieusement remises en cause. Devant l'ampleur de ces agressions, plusieurs amoureux de la ville se sont mobilisés pour défendre sa mémoire collective et interpellant les pouvoirs publics afin de mettre un terme au ‘'traumatisme'' que la spéculation immobilière fait subir à la métropole. De leurs actions et de leur militantisme est né l'idée de classement du patrimoine architectural de Casablanca. A ce jour, une centaine de bâtiments ont été classés. Une deuxième liste a été réalisée avec des édifices qui seront classés.

En revanche, d'autres édifices ne sont pas encore répertoriés. Du coup, ils sont sous la menace des bulldozers. C'est le cas de l'ensemble d'immeubles datant du début 20e siècle qui longent le boulevard Mohammed V et le boulevard de Paris, etc. L'opération de classement des sites est une procédure assez lourde, nécessitant de gros moyens financiers et beaucoup de temps. Pourtant, il ne suffit pas de classer un immeuble pour dire qu'il est protégé. La sauvegarde signifie le fait de donner une seconde vie à ce patrimoine. Pour ce faire, il faut intégrer l'ensemble de ces sites dans un circuit économique rentable. Autrement dit, les transformer en musées, hôtels, bibliothèques ou bureaux pour s'assurer qu'ils bénéficieront d'un entretien permanent ainsi que ce fut le cas pour l'église du Sacré-Cœur, la Villa des arts ou la Villa Zevaco. Cette expérience devrait être élargie à d'autres sites qui tombent en ruine comme l'église espagnole située à l'ancienne médina et à Dar El Makhzen.
-------------------------------------------------

Premiers édifices…

Les premiers bâtiments de la ville nouvelle sont liés à un essor commercial accéléré par le débarquement français. Les chantiers d'utilité générale, comme celui de la Tour de l'horloge, construite en 1910, ont été lancés. Autres édifices bâtis: l'hôtel Excelsior qui marque une étape en matière de confort et d'élégance. En dépit de sa structure en béton, il utilise, sans les bouleverser, les thèmes décoratifs néo-mauresques, notamment dans le traitement des frises et des balcons.

L'Excelsior enlèvera rapidement au ‘'Café du commerce'' sa fonction de centre de la spéculation. Les magasins Paris-Maroc, inaugurés le 17 novembre 1914, sont construits par les frères Perret. Malheureusement, ils ont été rasés. La faute bien évidemment à la spéculation foncière.
Copyright Groupe le Matin © 2025