Les amateurs du genre se régaleront… et les autres aussi. «Joshua», le premier long-métrage de Georges Rattlif est une nouvelle façon de «faire peur». Sans trop en faire, les événements du film font monter la tension et l'angoisse du spectateur. >L'histoire se passe à Manhattan, dans un bel appartement de l'Upper East Side.
LE MATIN
21 Septembre 2008
À 14:56
Brad et Abby Cairn, un jeune couple amoureux, célèbrent dans la joie la naissance de leur deuxième enfant, Lily. Joshua, du haut de ses 9 ans, ne voit pas cette arrivée d'un bon œil. Précoce et hyper-intelligent, l'aîné de la famille semble bien calme malgré la grande jalousie qui le ronge de l'intérieur. Sa petite sœur devient rapidement son ennemie et cette idyllique vie de famille va progressivement se transformer en enfer. Le bébé tout mignon va aussitôt commencer à pleurer jour et nuit, l'heureuse maman sombre petit à petit dans une dépression postnatale et la vie du couple se bouscule sous l'œil machiavélique de Joshua.
Les circonstances étranges en rajoutent au malaise qui s'installe et plonge la famille dans une attitude paranoïaque. Les malheurs des Cairn sont le fruit du pur hasard ou c'est la malédiction du petit Joshua qui s'abat sur eux ? Le réalisateur, en véritable manipulateur, laisse traîner longtemps le doute. Avec beaucoup de suspens et de rigueur, il ne livre la réponse qu'au bout de plusieurs interrogations. C'est ce qui fait effectivement la particularité de ce film. A aucun moment, le surnaturel ne se manifeste à la façon explicite et «vulgaire», très habituelle dans le genre. Les différentes situations ne font que suggérer l'horreur tout en générant une bonne dose d'angoisse. Le regard glacial de Joshua, ses gestes calmes et calculés, ses propos froids, ses habits d'adulte… rien que le personnage à lui seul donne la chair de poule. Il rappelle inévitablement son prédécesseur dans l'autre opus d'horreur «La malédiction».
Un enfant à l'esprit malsain, psychopathe à volonté qui se révèle un redoutable freak est tellement surprenant et surtout angoissant. Jacob Kogan qui endosse le costume assez lourd de Joshua Cairn est un atout de plus pour ce film. Belle composition et jeu très juste qui ne laisse rien échapper à sa perspicacité d'acteur de talent. Une véritable révélation qui sera votre point de repère dans cette évolution infernale du petit Joshua. George Ratliff, en bon conteur, entraînera le spectateur dans l'univers du petit et le met au centre de sa transformation diabolique. La lumière, les couleurs, la musique, les cadrages... le réalisateur et ses opérateurs n'ont pas lésiné sur les moyens pour créer une ambiance inquiétante à volonté. Les personnages évoluent, et le spectateur avec, sous une grande tension. La présence de Joshua est si lourde et la menace qu'il constitue pèse sur la mère, le père, le bébé et le foyer entier. Le réalisateur a réussi la belle prouesse: des images fortes qui dégagent beaucoup d'émotion. Le spectateur est plein dedans: la déprime de la mère, le désarroi du père et la rage de l'enfant. Cela en plus du côté social de la manœuvre.
Ce bon thriller n'oublie pas, non plus, de nous décrire ce milieu bourgeois new-yorkais avec ses traditions, sa culture et ses relations. C'est l'environnement que Ratliff a choisi judicieusement pour son premier film. Subtilement terrifiant, "Joshua" est un conte efficace livré avec une grande rigueur narrative. Le film est une bonne combinaison entre les ingrédients habituels du thriller psychologique agrémenté d'une dose d'horreur. Juste ce qu'il faut pour augmenter convenablement votre taux d'adrénaline. Angoissant ! -----------------------------
Genèse
Production de 2007, "Joshua" a été présenté aux festivals de Sundance où il a remporté le Prix de la meilleure photo et "Gérardmer 2008". C'est le premier long-métrage de George Ratliff, qui avait précédemment réalisé le documentaire "Hell House", qui montre la création par des lycéens du Texas d'une sorte de maison hantée destinée à effrayer les pécheurs.
Fasciné depuis longtemps par les mécanismes de la peur et les histoires de machinations machiavéliques, George Ratliff voulait explorer ces thèmes dans un contexte quotidien et naturaliste. Avec le coscénariste David Gilbert, il a trouvé l'idée de départ du film en pensant à l'expérience à la fois la plus commune et la plus angoissante qui soit: être parents. En cherchant un jeune acteur pour incarner le personnage de Joshua, George Ratliff a contacté un ami qui produisait une émission pour enfants, Wondershowzen. Il lui a parlé du personnage et immédiatement, celui-ci lui a répondu qu'il avait l'acteur qu'il cherchait: Jacob Kogan. Bien que 70 jeunes comédiens aient aussi été auditionnés, les cinéastes ont été impressionnés par l'étrange capacité de ce dernier à paraître à la fois innocent, trop calme et concentré pour son âge, et par son intelligence.