«What just happened ?» Personne ne sait !
Le dernier opus du grand réalisateur américain Barry Levinson porte le titre-interrogation «What just happened? ». Ce cinéaste auquel on doit d'illustres films comme «Rain man», «Good morning Vietnam», «Sleepers», «Harcèlement» ou encore «Bandits», a choisi de jeter son dévolu sur Hollywood, mais plus pour en dénoncer les rouages que pour en vanter les vertus.
LE MATIN
17 Décembre 2008
À 13:30
Résultat: «What just happened?» est un portrait au vitriol d'une machine qui étend ses tentacules sur l'industrie cinématographique, un ogre qui établit des règles auxquelles tout le monde doit se plier au risque de se faire écraser sous son poids.
L'histoire de ce rapport de force, qui régit ce monde, Barry Levinson a choisi de la raconter à travers le destin d'un producteur qui sévit à Hollywood et qui se voit contraint de jouer le jeu des grands studios pour y survivre. Durant une semaine, la caméra du réalisateur le suit dans ses tribulations autant professionnelles que personnelles. Ben (Robert de Niro) est sur le point de recevoir un coup dur suite à l'accueil défavorable de son film par le public lors d'une projection-test.
La responsable des studios (Catherine Keener), une femme d'acier que tous les producteurs redoutent et que personne n'ose contrarier, exige que la fin du film soit changée. Décision qui tombe comme un couperet sur le réalisateur (Michael Wincott) qui, convaincu par la pertinence et la portée artistique de son dénouement, refuse catégoriquement de toucher à son opus. Déjanté et pas trop attaché à cette fameuse fin qui pose problème, il campe sur ses positions et en fait tout une histoire. Il en fait voir de toutes les couleurs à son producteur pris entre le marteau de son désir de laisser les coudées franches à son réalisateur et l'enclume de sa supérieure qui lui impose une décision qui ne peut être discutée. Mieux encore...
Le stress de Ben se voit accentué par ses soucis familiaux. Loin d'être au bout de ses peines, il n'arrive pas à trouver un peu de temps libre pour reconquérir son ex-femme (Robin Wright Penn), la seule femme qu'il a véritablement aimée.
Et notre héros de se livrer à un marathon loufoque, à la limite du burlesque qui le fait tanguer entre des personnages aussi drôles que dépressifs. Difficile de ne pas perdre la raison devant la pression insoutenable qu'exerce ce monde impitoyable sur les professionnels du cinéma. Et ce sont les nerfs du réalisateur qui, en premier, lâchent. Esprit fragile et artiste dans l'âme, il tient mordicus à garder la fin du film dans laquelle le chien, ami fidèle du héros, qui n'est autre que Sean Pen, campant son propre rôle, est abattu par les méchants de l'histoire. Cette fin s'est révélée trop brutale et choquante lors de la projection-test.
Condition sine qua non pour que le film puisse participer au Festival de Cannes. Un bras de fer s'engage donc entre le producteur (manipulé par la directrice) et le réalisateur.
Sur un autre front, le même Ben, producteur, déploie toutes les méthodes pour convaincre Brus Willis pour renoncer à sa barbe pour les besoins de son rôle. Ni son manager ni le producteur n'arrivent à le faire plier. Les conséquences de son obstination coûteraient des sommes faramineuses aux studios. Stressé, puis effondré, le manager de la méga-star (John Turturro) n'en peut plus des caprices de son protégé, Brus Willis, au langage plus scatologique que jamais.
Bref, tout dans cet univers stressant pousse à la crise des nerfs. On l'aura compris, Hollywood est un cauchemar qui renvoie, de l'extérieur, l'image d'un doux songe. Porté par un Robert de Niro plus inspiré que jamais, «What just happened?» est un ''délicieux plat'' avec un arrière goût d'amertume. Mais ce n'est pas cela tout l'atout du film. Le grand Bob est entouré d'une kyrielle de stars qui donnent une dimension exquise à leurs rôles. On suit les aventures de ces personnages attachants, on s'émeut de leurs malheurs, on rit de leurs bêtises et compatit à leurs souffrances.
Somme toute, «What just happened?» est un agréable moment de cinéma. Un beau scénario, une brochette de bons acteurs, de l'humour noir… De quoi faire le bonheur des cinéphiles.
Présentée, hors compétition, en clôture du Festival de Cannes et en ouverture du Festival international du film de Marrakech, la belle œuvre attend d'être projetée sur les grands écrans du Royaume. Un rendez-vous donc à ne pas rater.
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Un cinéaste engagé
Réalisateur, scénariste, producteur et même acteur, Barry Levinson étudie à l'American University de Washington, puis s'installe à Los Angeles, où il commence à écrire pour des émissions de télévision, dont The Marty Feldman comedy machine. En 1976, Barry Levinson croise la route de Mel Brooks.
Les deux hommes collaborent sur La Dernière folie de Mel Brooks, réalisé par Mel Brooks et écrit par Barry Levinson, qui apparaît également dans le film, puis sur Le Grand Frisson avec la même répartition des rôles. Désormais lancé, Barry Levinson signe notamment le scénario de « Justice pour tous » de Norman Jewison (1979) pour lequel il est nommé à l'Oscar, avant de passer lui-même derrière la caméra en 1982 pour «Dîner». En 1984, il dirige Robert Redford et Robert Duvall dans «Le Meilleur », avant de cibler un public plus jeune avec «Le Secret de la pyramide».
La consécration, Barry Levinson la connaît en 1988 avec Rain Man. Succès public et critique, le film cumule les Oscars. Barry Levinson continue dans son succès avec «Bugsy», puis «Toys», et «Homicide» en 1993. Mais, suite au film Harcèlement, Barry Levinson revient sur les devants de la scène en 1994.
En 1996, Barry redécouvre Dustin Hoffman dans Sleepers, «Des hommes d'influence» en 1997 et « Sphère» en 1998. Il revient en tant que producteur pour le célèbre film sur la mafia: « Donnie Brasco».
Il est également à l'origine de la série télévisée Oz.
Les films de Barry Levinson ne sont pas simplement à grosse production, ils sont aussi engagés.