Le marasme arabe est-il en œuvre ?
Le mini-sommet arabe impromptu et organisé à Tripoli (Libye) et auquel le Maroc participe est un événement qui a son exceptionnalité dans la conjoncture actuelle.
LE MATIN
10 Juin 2008
À 17:48
Ce n'est pas seulement la Palestine, l'Irak, la suite donnée au règlement de la crise libanaise, c'est aussi une série de défis majeurs. Pour peu que l'on jette un regard furtif mais attentif sur l'évolution d'une région, c'est tout un pan qui tombe : crise de la démocratie, crise du voisinage interarabe, inexplicable manque de coordination dans la pratique et logorrhée de déclarations de bonnes intentions ! Dans l'extrémité du monde arabe, les pays du Golfe se sont fait une éthique de renforcer leur entente au sein d'une coopération qui prend le visage d'une sainte alliance, qui les isole même et les met à l'abri des autres. Alors que le canon tonne non loin, en Irak, en Palestine, ils observent passifs et quasi indifférents. Mais qu'y peuvent-ils ?
Au Maghreb, c'est la chronique renouvelée des malentendus et des problèmes, constamment répétés : la vague du terrorisme, sur fond d'un islamisme jamais endormi, frappe l'Algérie, s'éloigne pour l'instant du Maroc, de la Mauritanie et de la Tunisie et ménage quelque peu la Libye. Les conflits sociaux sont latents, l'économie chancelle et la tentation de l'isolationnisme est plus que jamais ravivée. Jamais le monde n'a été aussi difracté, désuni et indifférent à lui-même. La réunion de Tripoli procède d'un esprit de regroupement et de coordination. Mais elle ne suffira pas, tant s'en faut, à cimenter des peuples dont le quotidien -marqué du sceau de la cherté de la vie, d'une insécurité devenue proverbiale- reste tributaire d'une évolution globale. Le prix du baril, s'il fait le bonheur de quelques rares peuples, est en train de ruiner l'existence de beaucoup d'autres, livrés à une surenchère scandaleuse.
La coordination interarabe devrait en premier lieu abandonner la rhétorique des grands jours et commencer par une plateforme d'entente entre les Etats. Celle-ci n'est possible que si ces derniers parleront le même langage, sauront faire des événements mondiaux et de l'évolution de la planète la même lecture, dépouillée de préjugés et de clichés. Qu'il s'agisse de la promotion de la démocratie, de l'ordre social à l'intérieur des Etats, des rapports avec l'Union européenne, de l'émigration et de la lutte contre le terrorisme, ce sont autant de langages que de visions qui s'affrontent et, à tout le moins, s'entrecroisent. L'unité de façade ne fait plus recette, place au pragmatisme et au langage de vérité.
Si rien n'est entrepris pour donner son plein sens à la coordination, si les uns et les autres n'abandonnaient pas leur « égoïsme sacré », rien ne se fera, ou plutôt tout se fera contre les Etats et les peuples arabes. Il n'est que de regarder comment le Maghreb est en train de rater sa marche vers un progrès collectif et d'ouvrir la porte aux aventurismes dont aucun ne peut prévoir la dimension et les conséquences. Autant dire, qu'un Maghreb politique et humain uni, qu'un monde arabe cohérent dans sa vision unitaire, ne relèvent que de la pure chimère, voire du fantasme. Cette réalité nous est hélas! jetée à la figure tous les jours que Dieu fait.