L'humain au centre de l'action future

Kandisha, un film marocain d'expression française

C'est dans une salle archicomble qu'a été dévoilé le film marocain en compétition officielle « Kandisha». Durant une heure et demie, des centaines de spectateurs ont été transportés dans le monde mystérieux de Nyla Jayde, une avocate française qui exerce au Maroc.

20 Novembre 2008 À 15:50

Brisée par la perte brutale de sa fille, elle devient vulnérable et se détache peu à peu de la réalité. Un jour, une parfaite inconnue l'approche aux abords du Palais de justice. Elle lui demande de défendre une femme accusée d'homicide volontaire. Nyla tente d'en savoir plus, mais l'inconnue disparaît aussitôt... Intriguée, l'héroïne décide alors de se rendre à la prison civile où est détenue Mona Bendrissi, accusée du meurtre de son mari.

La victime clame son innocence et dit simplement qu'elle a été vengée par…Kandisha. Et là, c'est le début d'une histoire fascinante qui mêle la réalité au mythe, l'amour à la haine, la raison à la folie…Des sentiments et des états d'âme s'opposent. Nyla se demande s'il s'agit d'un mensonge, d'une vérité ou tout simplement d'un piège que lui tend son esprit. Perdue entre l'imaginaire et la réalité, elle va au bout de ses illusions et s'engouffre dans la quête d'une idée qu'elle est seule à défendre.

Le spectateur la suit dans son parcours et se perd, à son tour, dans cet imbroglio que seuls l'esprit et la volonté de Nyla gèrent. Durant ses voyages qui l'emmènent de Casablanca aux quatre coins du Maroc, l'avocate française devient une « enquêteuse » puis une justicière. « Je suis venu dans votre pays pour vous apporter la justice», dit-elle dans sa plaidoirie dans la cour. En fait, un des thèmes sous-jacents du film est l'oppression de la femme. Il s'agit là d'un film engagé et «féministe». La cause des femmes marocaines est défendue ici par l'avocate française.

Dans ce périple de recherche de vérité et de défense de la femme, celle qui apporte le salut aux Marocaines rencontre de nouveaux personnages : un kabbaliste, un fou, une maman et sa fille, un Américain…Chacun d'eux apporte une nouvelle pièce à son puzzle et chacun d'eux parle une langue différente. On retrouve ainsi le français, l'anglais et un peu de dialecte marocain.
En effet, le français est le plus parlé dans ce film. Outre le kabbaliste qui conte des légendes en dialecte marocain, tous les autres acteurs de nationalité marocaine jouent dans un parfait français.

On se demande alors où réside la marocanité de ce film. Le scénario bien cousu par le réalisateur Jérôme Cohen Olivar avance dans un mouvement linéaire, mais laisse passer quelques vides et donc quelques moments d'ennui chez le spectateur.
Le suspense programmé dans quelques séquences colore l'histoire, mais cela s'arrête très vite pour que l'on replonge dans la monotonie. Dans le périple de Nyla, le spectateur s'ennuie par un rythme lent et sans aucun renversement. Les plans figés de la caméra ne donnent aucune action à l'histoire qui se déroule dans un mouvement linéaire.

Sur le plateau, le jeune réalisateur a dirigé un casting qui se présente comme une véritable brochette de stars d'ici et d'ailleurs. Le rôle principal (Nyla Jayde) est campé par la jeune Amira Casar qui a impressionné par son juste jeu. La victime, Mona Bendrissi, est jouée par Hiam Abbas qui encore une fois enfile le costume d'une femme triste et opprimée. La star des films d'action américaine David Carradine fait aussi partie de cette aventure.

Le spécialiste des arts martiaux n'a pas convaincu ici par son jeu insipide. Comme à l'accoutumée, les comédiens marocains réussissent à relever le défi en excellant dans leurs rôles. On découvre un Saïd Taghmaoui très présent et très profond dans le rôle du policier, un Assaad Bouab singulier dans le rôle du conteur et une Asma Hadraoui au jeu très subtil en tant qu'une morte ressuscitée.
Plus qu'un simple film, Kandisha se veut un message pour toutes les femmes et pour toute la société.
Quels que soient les avis actuels sur cette œuvre, ce sont les spectateurs qui jugeront une fois le film sorti dans les salles. D'ici là, bonne chance pour le film dans la compétition du FIFM.
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Larbi Yacoubi honoré

Les hommes et les femmes du septième art marocain affichent leur déception quant à l'hommage rendu au cinquantenaire du cinéma marocain. «Ils n'ont fait aucun effort pour nous honorer comme il se doit. Ils devaient au moins inviter les pionniers du cinéma marocain, passer quelques extraits des plus importants des films…», déplore un des cinéastes marocains.

En effet, aucune rétrospective qui rappelle les sacrifices des pionniers et la créativité des jeunes talents n'a été programmée et aucun des grands noms de cet art n'a été appelé sur scène. Pour réconforter les esprits, seul un speech de Noureddine Saïl, vice-président de la fondation du FIFM a rappelé le succès de notre septième art. Il déclare « Le cinéma marocain connaît une grande dynamique que ce soit au niveau de la production, de la distribution ou des festivals. Cette transformation vient de la grande volonté et l'ambition des acteurs, des réalisateurs, des producteurs, des techniciens… qui ont tous le même désir d'exister et de se dépasser. » Il ajoute que la fondation du FIFM célèbre le cinquantenaire du cinéma marocain en rendant hommage à un des doyens de cet art, le costumier Larbi Yacoubi. C'est donc lui qui reçoit le fameux trophée du festival.

Dans un moment plein d'émotion, il témoigne « c'est un grand honneur pour moi de recevoir ce trophée et permettez-moi de l'offrir à la mémoire de notre regretté, mon collègue et mon ami, feu Hassan Skalli.» Il faut attendre le centenaire pour que les choses changent.
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