On ne peut parler de natation sans avoir une pensée pour la famille El Bikri dont le nom est intimement lié à cette discipline. En effet, outre Sara qui représentera le Maroc à Pékin, la famille est composée de Fedwa, l'aînée, aujourd'hui âgée de 26 ans et de Mouna la benjamine, 19 ans.
LE MATIN
18 Juillet 2008
À 17:07
Toutes les trois ont eu deux objectifs : devenir des championnes sur les plans d'eau et réussir dans leurs études d'ingénieur. C'est à l'âge de 4 et 5 ans qu'elles ont fait leur apprentissage. D'abord avec leur père, Hamid, puis au sein du WAC. «Si nous avons choisi ce club, c'est que nous y avons trouvé toutes les structures pour parfaire la formation des filles, explique le père de ces trois nageuses. Leur école était bien encadrée par des entraîneurs qui ont fait leurs preuves à l'image de Rachidi, Larbi Najidi, etc. Je pense qu'elle ont beaucoup évolué avec ces encadreurs». Effectivement, il n'a pas fallu attendre bien longtemps pour recueillir, enfin, les fruits de cette formation. Fadwa, aujourd'hui ingénieur en France après de brillantes études, a un joli palmarès. Outre ses records sur certaines distances, elle est vice-championne maghrébine, une compétition qui s'était déroulée à Tétouan.
On peut attribuer le même parcours et les mêmes performances à la plus jeune Mouna qui est également inscrite dans une Grande Ecole en France. Le père, lui, est comblé. Mais celle qui sera la plus performante restera sans nul doute Sara qui sera la première fille marocaine à participer aux Jeux Olympiques. Elle a réussi à obtenir deux minima lors du Championnat de France, d'abord sur le 100m brasse en juin 2007 et ensuite sur le 200m brasse en mai 2008. Tout le monde est aux anges, y compris le président de la FRMN, Farid El Allam, qui ne cache pas sa satisfaction : « On savait que cette fille avait fait d'énormes progrès, admet-il. Elle a pulvérisé des records et c'est tout à fait normal qu'elle ait cette place lors de ces Jeux Olympiques.»
Un tableau qui paraît idyllique, n'était-ce un point noir qui l'a contrariée aussi bien dans son parcours que dans sa préparation. C'est sa relation tendue, pour ne pas dire plus, avec le Directeur technique de la fédération et du WAC, Abderrazak Mersoul. Il faut remonter quelques années en arrière pour comprendre un peu le fond de l'histoire. Lorsqu'elle nageait pour le WAC, elle ne comprenait pas l'acharnement de cet entraîneur qui voulait à tout prix briser sa carrière. Les brimades et autres remontrances se succédaient à un rythme tel que le père excédé a dû renoncer au WAC pour inscrire ses filles au Raja, présidé à l'époque par feu Hamid Skalli. Un véritable bras de fer fut engagé avec la fédération au sujet des licences. Il aura fallu deux années de patience pour voir enfin Sara et ses sœurs nager en toute sérénité en 2000.
Les médailles, les coupes et les records ont commencé à pleuvoir. Sara se spécialise en brasse, en particulier le 100m et 200m, en bassin de 25m et 50m. Mais voilà que le spectre de Mersoul, le DTN, réapparaît en équipe nationale. «Il privera Sara de quelques compétitions continentales lorsqu'elle quitta le WAC. Pire, il l'aurait empêché de s'entraîner avec son coach Mohamed Rachidi, qui l'a pourtant souvent accompagnée en France», déplore sa famille. Bref, c'est la déchirure entre les deux parties. En 2005, elle part en France à Lyon, pour y poursuivre ses études d'ingénieur. Elle devient la coqueluche du club local et fait partie des meilleures nageuses étrangères. C'est lors des championnats de France qu'elle obtient les minima sur des distances qu'elle affectionne : les 100m et 200m brasse.
Dès lors, elle devient incontournable au niveau de la sélection et elle participe aux compétitions continentales, comme le championnat d'Afrique et les Jeux Panarabes où elle monte à plusieurs reprises sur le podium. 34 records, tel est le bilan de sa saison. Elle participe, également au championnat du monde, l'an dernier à Melbourne sur un bassin de 50met cette année à Manchester sur un bassin de 25m. En Australie, elle fait partie de la délégation composée de Chbihi Noufissa, Kouam Amine, Hafdi Youssef, et en Angleterre, de Kouam Adil, Achelhi Bilal, Raymonde Sheherazade et Jordan Yamine. Elle reste la seule à avoir réalisé le minima pour les J.O. Elle commence par un premier stage de 15 jours à Lyon avec son entraîneur marocain Mohamed Rachidi au mois de novembre, pris en charge par la famille El Bikri, puis à Ifrane avec le Français Stephane de Batisti en décembre.
Puis ce fut l'Afrique du Sud, à Pretoria, plus exactement, où se trouvent les meilleurs spécialistes de la brasse, et où elle est entraînée par un Allemand. Ce stage a entièrement été pris en charge par Attijariwafa bank, l'employeur du père. «C'est un immense bonheur pour moi et pour ma fille qui a peaufiné sa préparation dans les meilleures conditions en Afrique du Sud. Je suis reconnaissant à tous ceux qui ont contribué à cette prise en charge, en particulier le président Mohamed Kettani et les autres cadres des Ressources Humaines.»
Dans son bulletin de liaison, l'entreprise écrit à ce sujet : «Sara est une nageuse, connue et reconnue de tous et qui arbore un tableau de chasse des plus impressionnants. Sara est aussi un esprit sain dans un corps sain avec un parcours scolaire sans faute. Notre banque et son président ont tenu à l'entourer de leur sollicitude en l'a prenant en charge totalement». Après l'Afrique du Sud, la championne s'entraînera avec Mohamed Rachidi à Casablanca ou Ifrane avant de s'envoler pour Pékin.