Le 7 mai est la date décrétée «Journée nationale de la musique», après la lettre royale de feu S.M. Hassan II, suite au premier colloque national autour de l'enseignement musical, les 6, 7 et 8 mai 1994.
LE MATIN
08 Mai 2008
À 15:44
Cette journée a été instaurée, donc, depuis cette année, mais vite jetée dans les oubliettes, à part quelques manifestations sporadiques organisées par certaines institutions syndicales ou d'autres de la société civile. Des initiatives qui ne peuvent perdurer parce qu'elles manquent d'encouragements et de soutien pour les réussir chaque année.
Cette fois-ci, c'est le Syndicat marocain des professions musicales qui fait le geste. Il organise, ainsi, en collaboration avec l'Association Bouregreg et le Soutien du ministère de la Culture, une Conférence scientifique autour de « La création artistique musicale nationale et ses futurs enjeux », ainsi qu'une soirée musicale (le lendemain 8 mai à la préfecture de Salé) où plusieurs hommages sont rendus à des leaders ayant contribué dans l'enrichissement du champ musical marocain. «Comme vous le savez, la lettre royale a été très claire quant à la problématique de la musique au Maroc et son avenir. Elle interpellait toutes les instances qui devaient s'occuper de ce domaine et l'encourager, dont les conseils municipaux, dans le but d'instaurer une base solide pouvant la hisser au niveau escompté. Mais, malheureusement, nous avons constaté que cette journée, qui intéresse tous ceux qui travaillent dans le secteur musical, passe inaperçue ou si j'ose dire d'une manière très timide, à part quelques apparitions les années précédentes conçues à partir d'un effort personnel ou d'un organisme de la société civile, comme le cas du Comité National de la Musique, en la personne de son président Hassan Mégri, qui a honorablement fêté cette journée en 2007, en rendant hommage à quelques potentialités marocaines oeuvrant dans le secteur.
Alors que normalement, c'est aux institutions gouvernementales de s'occuper de cette journée, sachant que la musique est le miroir des peuples et des civilisations et que ce secteur englobe toute une panoplie de créateurs, de professionnels et de travailleurs qu'il faut prendre en considération. Cette journée pourrait être, aussi, une station de révision, de continuité de la construction, de communication, de critique et de réforme », souligne Moulay Ahmed Alaoui, Secrétaire Général du Syndicat Marocain des Professions Musicales, ajoutant que toutes les autres branches artistiques et culturelles possèdent une journée nationale qu'elles fêtent en bonne et due forme, comme elles bénéficient d'un soutien matériel de la part du Ministère de tutelle, sauf la musique.
« Je crois que la responsabilité incombe aussi bien aux institutions gouvernementales qu'aux artistes. C'est vrai que c'est au ministère de tutelle de prendre en considération cette journée ou plutôt tous les ministères concernés, notamment ceux de l'Education Nationale, de la Culture et de la Communication, entre autres. Mais, notre rôle est aussi d'inculquer ces valeurs musicales à nos enfants et leur faire comprendre la signification de cette fête annuelle que nous voulons une station de paix et de dialogue entre toutes les institutions musicales, quelles que soient leurs divergences», précise M. Alaoui, qui a appelé, durant son intervention, à l'organisation d'un colloque national pour installer les structures de base pour ce secteur. « Nous avons, actuellement, un statut, une mutuelle nationale des artistes, une carte de l'artiste et des possibilités que nous n'avions pas auparavant. Ce qu'il faut, maintenant, c'est donner une valeur à cette journée où nous devons nous réconcilier dans une ambiance de fraternité et d'unicité de nos efforts».
L'intervention du poète et journaliste, Ahmed Sabri, a été très révélatrice quant aux droits des artistes et aux lois qui les protègent, la lutte contre l'invasion de la chanson orientale à travers nos chaînes nationales et Festivals, l'encouragement des musiciens et créateurs à produire dans de meilleures conditions, l'organisation de Festivals où la chanson marocaine sera plus présente. «Beaucoup de Festivals se déroulent au Maroc, mais nous constatons que la chanson marocaine est presque inexistante, contrairement à d'autres pays qui privilégient d'abord leur production nationale. Nous ne sommes pas contre l'ouverture vers d'autres cultures, mais pas aux dépens de la nôtre», explique M. Sabri.
Plusieurs points ont été, également, évoqués durant cette conférence, mettant en exergue la situation actuelle de notre secteur musical et les causes qui ont poussé à cet état de fait. «Il faut que nos musiciens et créateurs soient au diapason de la mondialisation, c'est-à-dire chercher la qualité là où elle se trouve et par tous les moyens, dont la science. Il faut aussi opter pour la nouveauté qui peut dépasser les frontières, car nous devons nous mettre en tête que le monde est devenu très petit à travers les moyens de communications qui existent actuellement, dont l'Internet», ajoute Ahmed Sabri.
Le troisième intervenant, Abdelmajid Fennich, chercheur et journaliste, quant à lui, a rappelé que cette commémoration n'est pas chose nouvelle pour les Marocains, puisque depuis toujours ils organisaient des Moussems et des «Nzaha» qui fêtaient en même temps des styles musicaux de la région. «C'est une tradition très ancrée dans notre culture et ne devrait pas normalement nous déranger. Cette journée doit aussi être un moment de méditation sur notre patrimoine marocain, car il ne faut pas oublier que ce legs ancestral a joué un rôle très important dans la floraison du secteur musical». ------------------------------------------
Des mélodies et des chants
La Journée nationale de la musique est un anniversaire où tout le bilan de l'année est évoqué avec ses avantages et ses dérapages, mais c'est, également, une journée où il faut fêter la musique. C'est pour cette raison que le Syndicat Marocain des Professions Musicales n'a pas omis de solliciter quelques artistes le jour de la conférence, notamment le cythariste, Thami El Houat, qui a ébloui l'assistance avec son jeu professionnel du « qanoun », puis le chanteur Mohamed Slaoui ayant interprété, devant un public nostalgique, trois œuvres mémorables de son père, feu Houssine Slaoui, à savoir «Mahla Nzaha», «Zine Oua Al Ain Zarga» et «Ya Mouja Ghanni». Trois chansons qui ont offert à l'assistance un petit moment de rêve et de remémoration des temps où la chanson marocaine était appréciée par tous les Marocains jeunes et adultes.
Quant à la soirée artistique organisée, hier, à la préfecture de Salé, celle-ci fut une opportunité pour rendre hommage à des leaders du secteur musical, dont Malou Rouane, Abdesslam Khachan, feu Mohamed Tode et feu Houssine Slaoui. Ont participé à son animation les chanteurs Amal Abdelkader, Mohamed El Ghaoui, Mohamed Slaoui et Abdelmounim Jamâi.