Adiy Ibn Hatim a dit: “Quand fut révélé ce verset : “Il vous est permis de manger et de boire jusqu'au moment où vous pourrez distinguer un fil blanc d'un fil noir” (Sourate 2, Verset 183), j'allai prendre une entrave à chameau noire, ainsi qu'une autre blanche que je plaçai toutes deux sous mon oreiller. Je me mis à les regarder durant la nuit, mais sans pouvoir les distinguer. Ce matin, j'allais trouver l'Envoyé de Dieu (que la Bénédiction et le Salut de Dieu soient sur Lui) et lui rapportai la chose. “Cela, dit-Il, ne s'applique qu'à la noirceur de la nuit et la blancheur du jour”.
LE MATIN
21 Septembre 2008
À 14:08
(suite)
Rends les dépôts demain, et ensuite viens me rejoindre. Abou Jahl avait réuni les hommes des différentes tribus, qui, pendant la nuit, vinrent se cacher. Ils virent le Prophète rentrer dans sa maison, et ils passèrent la nuit à sa porte, tandis que lui se coucha à l'intérieur. Quand la nuit fut un peu avancée, le Prophète se leva, fi coucher ‘Ali à sa place et sorti de sa maison. Abou Bakr dit à sa fille Esmâ : Je vais avec Mohammed dans la montagne ; il se pourra que nous y restions deux ou trois nuits ; apporte-nous chaque nuit de la nourriture et des informations concernant les Qoraïschites. Abou Bakr avait un affranchi abyssin, nommé ‘Amir, auquel il confia les deux chamelles, en lui recommandant de les leur amener le lundi. Après avoir tout réglé, le Prophète et Abou-Bakr partirent et entrèrent dans la caverne.
Quand le jour fut venu, et que les infidèles, à la place du Prophète, ne trouvèrent qu'Ali, ils saisirent celui-ci et lui demandèrent où était Mohammed. Qu'en sais-je ? répondit ‘Ali, il s'est enfui d'auprès de vous. Ils l'emmenèrent à la mosquée, et les Qoraïschites s'y rassemblèrent ; ensuite ils le laissèrent libre et se rendirent à la porte d'Abou Bakr, qu'ils ne trouvèrent pas. Alors ils firent proclamer qu'ils donneraient cent chameaux à poil roux à quiconque ramènerait Mohammed. On alla de tous côtés ; mais on ne découvrit aucune trace.
A la tombée de la nuit, Esmaâ se rendit à la caverne et porta à manger à Mohammed et à Abou Bakr, et leur fit connaître les mouvements des Qoraïschites. Ils restèrent, comme ils l'avaient dit d'avance, trois jours dans la caverne, jusqu'à ce que les Qoraïchites eussent cessé leurs recherches. Alors Abou Bakr ordonna à Esmaâ d'apporter, ce soir-là, une plus grande quantité de vivres et de dire à ‘Amir d'amener les chameaux. La quatrième nuit, ils sortirent de la caverne, montèrent sur les chameaux et prirent avec eux un guide pour les conduire à Médine par un chemin détourné. On raconte, au sujet d'Esmâ, fille d'Abou Bakr, le fait suivant, rapporté par elle-même en ces termes: Le Prophète était parti avec Abou Bakr, et la troisième nuit arriva, sans qu'aucun de nous sût où ils étaient allés.
Alors nous entendîmes une voix qui sortait de dessous La Mecque, et qui chantait. Nous ne vîmes personne, les hommes suivirent la voix, et j'observais qu'elle s'éloignait vers les hauteurs au-dessus de la ville. Voici ce qu'elle chantait: Que Dieu récompense de la meilleure de ses récompenses les deux compagnons qui se sont arrêtés dans la double tente d'Oumm Ma'bad ! Ils partent tous les deux, le matin, bien dirigés. Heureux celui qui voyage comme compagnon de Mohammed. Esmaâ dit : En entendant ces paroles, je reconnus qu'ils étaient partis pour Médine.
Le Prophète sortit de La Mecque le premier jour du mois Rabî'a premier ; il fut trois jour dans la caverne et arriva le douzième jour du mois de Médine. Il s'arrêta à Qobâ, près de Médine, et s'assit sur une éminence de terrain, dans l'ombre. Les habitants de Médine, à la nouvelle de son arrivée, se rendirent auprès de lui. Le Prophète arriva à Qobâ le lundi, le vendredi il y fit la prière, après avoir prononcé le sermon. Ensuite il monta sur son chameau.
Tous voulurent saisir la bride du chameau et dirent: Descends chez moi ! Le Prophète dit : Posez la bride sur le cou du chameau, il sait lui-même où il doit s'arrêter. Le chameau marcha jusqu'à l'endroit où est aujourd'hui la mosquée. Là il se mit à genoux, et le Prophète descendit. Ce terrain appartenait à deux orphelins, nommés Sahl et Sohaïl. Le Prophète alla demeurer dans la maison d'un homme nommé Khâlid, fils de Zaïd, surnommé Abou Ayyoub, qui avait une nombreuse famille et point de fortune. Pendant qu'il conduisait le Prophète dans sa maison, chacune particulier invita Mohammed à venir demeurer chez lui ; mais le Prophète dit : La place d'un homme est à où se trouvent ses vêtements et ses bagages.
Mohammed fit acheter le terrain (où son chameau s'était arrêté) pour y construire la mosquée, et il demeura dans la maison d'Abou Ayyoub jusqu'à ce que la mosquée fût terminée. On construisit une demeure pour le Prophète, tout à côté de la mosquée. En recevant le Prophète chez lui, Abou Ayyoub disposa le rez-de-chaussée de sa maison pour le Prophète, et lui-même demeura sur la terrasse. On dit à Abou Ayyoub : Comment as-tu été hier ? Il répondit : Comment peut se trouver un homme qui a au-dessus de lui Dieu, et au-dessus de lui le Prophète de Dieu ? Lorsque le Prophète eut quitté La Mecque, les infidèles s'écrièrent : Nous en sommes débarrassés. Mais le Prophète ne les laissa pas en repos. Dieu lui donna la liberté des entreprises guerrières et lui ordonna de prendre l'offensive. Quand il arriva à Médine, il reçut le verset suivant : " Tuez les infidèles où vous les trouvez, faites-les prisonniers, assiégez-les, mettez-vous en embuscade contre eux”, etc. (Sur. IX.vers.5). Il reçut aussi le verset suivant: "O Prophète, combats les infidèles et les hypocrites, traite-les sévèrement”. (Sur. IX. vers. 74). En révélant les versets qui ordonnaient la lutte, Dieu abrogea ceux qui avaient recommandé aux croyants la patience.
Mohammed, dans l'année même de la fuite, expédia de Médine des détachements pour couper le chemin aux caravanes, qu'il fit enlever et dont il distribua les marchandises aux Musulmans. Ces troupes s'avancèrent jusqu'à La Mecque. Personne n'osait plus sortir de cette ville, et aucune caravane ne se hasardait sur les chemins. Ces expéditions furent exécutées tantôt par le Prophète personnellement, tantôt par ses troupes, composées de Mohâdjir (réfugiés) et d'Ançar (auxiliaires de Médine). Dans la deuxième année de l'hégire eut lieu le combat de Badr. Après avoir reçu l'autorisation de faire la guerre aux infidèles et après la révélation du verset : " La permission a été donnée à ceux qui veulent combattre, à cause des violences qu'ils ont essuyées ”, etc. (Sur. XXII, vers. 40), le Prophète, dans l'année même de l'hégire, sept mois après cet événement, au mois de Ramadan, fit partir ‘Hamza avec trente cavaliers des Mohâjir. Ce fut la première armée musulmane qui partit pour la guerre.
Le Prophète, de sa propre main, attacha l'étendard blanc, appelé liwa, et donna à ‘Hamza les instructions suivantes : Dirige-toi vers le bord de la mer ; car une caravane qoraïschite, venant de la Syrie et rapportant une grande quantité de marchandises, y passera ; peut-être pourras-tu t'en emparer. ‘Hamza se rendit à cet endroit ; mais la caravane, qui était conduite par Abou Jahl avec trois cents cavaliers, était déjà passée et était entrée dans un grand village, qui se trouvait de ce côté. Le chef de ce village, qui renfermait un grand nombre d'habitants, s'appelait Mohammed, fils d'Amrou, le Johaïnite ; il était lié d'amitié avec Abou Jahl et avec ‘Hamza.
Il vin trouver ce dernier et lui parla ainsi : Abou Jahl est dans ce village avec trois cents cavaliers ; les habitants sont disposés à le soutenir ; il faut que, par égard pour moi, tu t'en retournes. ‘Hamza savait qu'il disait la vérité, et il s'en retourna. Abou-Jahl conduisit la caravane à La Mecque. Le porte- drapeau de ‘Hamza, nommé Aboul WAlid, dit : je ne veux pas rapporter le premier drapeau des Musulmans sans avoir fait du butin. ‘Hamza répliqua : fais-le, car la paix est préférable ici à la guerre ; dans les circonstances actuelles, la retraite sans perte est une grande victoire. Après cela, il se retira.
Ensuite, au mois de Choual, le Prophète fut averti que les infidèles étaient sur le point d'envoyer un détachement pour marcher contre Médine. En conséquence, il mit Obaïda, fils de Harith, fils de Mottalib, à la tête de soixante hommes des Mohâdjir, tous cavaliers, parmi lesquels il ne se trouvait pas un seul des Ançar. Le jour où Abou Jahl était rentré à La Mecque, il avait averti les habitants que Mohammed avait commencé les hostilités. Le lendemain, pour prévenir Mohammed, ils firent partir une troupe de deux cents hommes sous les ordres d'Ikrima, fils d'Abou-Jahl, pour tenter un coup de main contre Médine.
C'est contre cette troupe que le Prophète envoya Obaïda avec soixante hommes, en lui remettant l'étendard blanc, qui fut porté par Mistah, fils d'Othâtha, cousin d'Abou Bakr. Les deux détachements se rencontrèrent près d'un puits nommé Ahyâ, qui contenait une eau excellente et qui était situé entre La Mecque et Médine. Il y avait dans la troupe des infidèles deux Musulmans, l'un nommé Miqdad, fils d'Amrou, l'autre Otba, fils de Ghazawân, qui étaient resté à La Mecque, n'ayant pas osé émigrer, par crainte des infidèles. Lorsque la troupe d'Ikrima partit, ils s'étaient joints à elle, disant : Nous sommes avec vous, nous vous aiderons. Mais leur intention était de s'enfuir et de gagner Médine. En apercevant la troupe de Médine, Ikrima disposa ses hommes pour le combat. Obaïda et les Musulmans se rangèrent également en ordre de bataille.
A ce moment, les deux hommes passèrent du côté des Musulmans. Sa'd, fils d'Abou-Waqqâç, connu parmi les Arabes pour son habileté dans l'art de tirer de l'arc, commença par lancer un trait sur les ennemis n'eût été atteint, ceux-ci, gagnés par la peur, s'enfuirent. Obaïda, sachant qu'ils étaient nombreux, ne les poursuivit pas, mais retourna à Médine. Quelques-uns prétendent que l'expédition d'Obaïda eut lieu avant celle de Hamza, elles eurent lieu cependant à peu près à la même époque, l'une au mois de Ramadhan, l'autre au mois de Choual. Lorsque Obaïda revint, au mois de Doulqa'da, le Prophète fit partir Sa'd, fils d'Abou Waqqâç, en lui remettant l'étendard blanc, à la tête de vingt piétons des Mohadjir. L'étendard fut porté par Miqdâd, fils d'Amrou.
Le Prophète dit à Sa'd : Dirige-toi vers un endroit nommé Kharrâr, où doit passer une caravane qoraïschite ; peut-être pourras-tu l'enlever. Si vous ne la rencontrez pas et que vous ne puissiez pas l'enlever, n'allez pas plus loin, mais revenez. Quand Sa'd y arriva, la caravane était déjà passée depuis deux jours. Il ne poursuivit pas sa course, conformément aux ordres du Prophète, et s'en retourna.
Ce fut la première expédition que le Prophète entreprit lui-même. Il en revint sans avoir combattu. Au mois de Safar de la seconde année de l'Hégire, le Prophète partit de sa personne, à la tête d'une troupe de Mohâjir et d'Ançar, après avoir établi comme son lieutenant à Médine Sa'd, fils d'Obada. L'étendard blanc était porté par Hamza. Le Prophète arriva à Abwâ, bourg considérable, renfermant un grand nombre d'habitants, et situé entre La Mecque et Médine. Près de là est un autre bourg, nommé Waddân. C'est pour cela que cette expédition porte ces deux noms. Le chef des Arabes de la tribu de Dhamra, Makhschî, fils d'Amrou, se présenta devant le Prophète et conclut la paix avec lui. Après cela le Prophète resta à Abwâ quinze jours, et s'en retourna sans avoir combattu. D'après une autre version, les trois expéditions que nous venons de mentionner auraient eu lieu toutes trois dans la seconde année; le Prophète, durant la première année, n'aurait envoyé aucune armée. De retour à Médine, au mois de Rabii premier, le Prophète fut informé qu'une caravane qoraïschite de quinze cents chameaux, conduite par Omayya, fils de Khalaf, de la tribu de Jouma'h, et cinq cents hommes, reviendrait de Syrie.
Le Prophète partit au mois de Rabii second avec deux cents hommes des Mohadjir et des Ançar, après avoir laissé comme son lieutenant à Médine Sa'd, fils de Mo'ads. Dans cette expédition, l'étendard fut porté par Sa'd, fils d'Abou Waqqâç. Ayant quitté le territoire de Yathrib, il arriva près d'une montagne nommée Radhwa, sur le territoire du Tihâma. Il fit halte à un endroit nommé Bowât. La caravane, avertie, s'était échappée, et Mohammed retourna à Médine. Le mois suivant, Joumada premier, le Prophète partit de nouveau, après avoir établi comme son lieutenant à Médine Abou Salama, fils d'Abdoul Asad.
L'étendant était porté par Hamza. Près de Médine, à un endroit nommé Dsât-oul-Oschaïra, le Prophète fut informé du passage d'une caravane. Les soldats musulmans se dirigèrent du côté droit, vers le désert, et arrivèrent à une autre station, où passaient également les caravanes. Mais ils ne l'y rencontrèrent pas. Alors ils vinrent à une station où il y a un grand arbre, qu'on appelle Dsât-oul-Sâq. On fit halte à l'ombre de cet arbre, et l'on chercha la caravane, sans la rencontrer.
Expédition de Dsât-oul-‘Ochaïra
On fit halte à l'ombre de cet arbre et l'on chercha la caravane sans la rencontrer. Puis le Prophète fit la prière sous cet arbre. On fit rôtir un agneau et l'on passa la nuit en cet endroit. Ensuite, on y construit une mosquée qui existe encore aujourd'hui ; on la visite ainsi que la place où fut rôti l'agneau. Le lendemain, en marchant à la recherche de la caravane, ils arrivèrent à une station, ensuite à un endroit nommé Çor'a puis à une station nommée Mouschtarib. Ils y puisèrent de l'eau et revinrent à Çokhaïrât. Ils avaient ainsi exploré toutes les stations et tous les puits où la caravane eut pu passer sans en trouver aucune trace.
Alors ils retournèrent à Dsât-oul-Oschaïra, où demeuraient des Arabes de la tribu de Motledj. Mohammed conclut un traité de paix avec eux, et revint à Médine au mois de Djoumâda second. Ce fut lors de cette expédition que le Prophète donna à Ali le nom d'Abou-Tourâb. Voici en quelle circonstance : un jour, le Prophète, ne voyant pas Ali qui était sorti du village et qui dormait à l'ombre d'un arbre au milieu des plantations de dattiers, alla à sa recherche. Il le trouva enfin dormant sous l'arbre ; son vêtement était tombé et tout son corps était complètement couvert de poussière. Le Prophète cria à haute voix : "Lève-toi, Abou-Tourâb”. Ce nom est resté lié à Ali, il en était fier et aimait qu'on l'appelât par ce sobriquet. Ammâr, fils de Yâser, raconte : Je dormais sous cet arbre avec Ali. En entendant la voix du Prophète et en me réveillant, je vis que le Prophète réveillait Ali, et qu'Ali se levait et se tenait devant Lui. Le Prophète essuya avec son manteau la tête et le visage d'Ali et lui dit : "Ô Ali, le plus misérable dans les deux mondes est celui qui sera ton ennemi, qui te blessera à la tête, qui fera couler ton sang et qui te tuera ; il sera éternellement dans l'enfer.
A l'époque de cette expédition, le Prophète n'avait pas encore marié Fatima à Ali. Il lui donna sa fille en mariage au mois de dsou'l-qu'ada.
Première expédition de Badr Plusieurs jours après, un homme de La Mecque, nommé Kourz, fils de Djâbir, le Fihrite, avec une troupe de Qoraïschites, vint faire un incursion sur le territoire de Médine, enlever le troupeaux des habitants qui se trouvaient éloignés de la ville à trois journées de marche et les emmener par des chemins détournés, à La Mecque. Le Prophète, averti trois jours après, se mit aussitôt avec plusieurs Mohadjir à sa poursuite. Le Prophète resta trois jours à Badr puis Il entra à Médine. Ce fut Ali qui porta le drapeau du Prophète dans cette expédition. Zaïs, fils de Haritha, avait été laissé comme lieutenant à Médine.
Badr est un droit, au milieu du désert, où il y a un grand nombre de puits qui ont été creusés anciennement par un Arabe nommé Badr. Le premier jour du mois de rajeb, le Prophète appela Abdallah, fils de Dja'hsch, et lui donna le commandement de douze hommes de Mohâdjir, tels que Sa'd, fils d'Abou-Waqqaç, Otba, fils de Ghazawân, Abou-Hodsaïfa, fils d'Otba, et Wâqid, fils d'Abdallah, de la tribu de Yarbou. Quelques-uns prétendent qu'ils n'étaient qu'au nombre de sept.
Le Prophète, craignant que s'il disait à ‘Abdallah où il devait aller et ce qu'il devait faire, celui-ci, ainsi que ses compagnons, eussent peur et refusassent de marcher, lui remit un écrit cacheté en lui disant : "Marche dans la direction de La Mecque, n'ouvre cette lettre qu'au troisième jour de route, exécute les ordres que tu y trouveras et rends-toi à l'endroit qui y est indiqué par Moi. Ne force pas ceux de tes compagnons qui ne voudront pas te suivre. ‘Abdallah partit le premier jour du mois de redjeb. Après avoir marché trois jours, il ouvrit la lettre et y trouva les instructions suivantes : Avance-toi jusqu'aux portes de La Mecque, jusqu'à Batn-Nakhl, reste là en secret et cherche à épier les habitants de La Mecque, sache ce qu'ils font, ce qu'ils projettent et ce qu'ils ont fait des troupeaux qu'ils ont enlevés d'ici, s'ils les ont tués ou gardés. Cherche à savoir ce qu'ils disent de ce que je les ai poursuivis et manqués. Après avoir accompli ces ordres, revenez. Le Prophète avait aussi enjoint à ‘Abdallah de ne pas combattre car on était au mois de redjeb où il était défendu aux Arabes de faire la guerre ; et le Prophète observait cet loi. ‘Abdallah communiqua cette lettre à ses compagnons. Batn-Nakhl est une station près de La Mecque, la première sur la route de Tâïf. Ce fut là que le Prophète, en revenant de Tâïf, passa la nuit, fit la prière et où les péris vinrent le trouver, comme nous l'avons raconté.
‘Abdallah dit à ses compagnons : Je sui sûr qu'en allant jusqu'aux portes de La Mecque, à Batn-Nakhl, nous n'en reviendrons pas vivants. Le Prophète m'a ordonné de ne forcer aucun de vous à me suivre. Que ceux d'entre vous qui désirent le martyr viennent et que ceux qui ne le veulent pas s'en retournent ! Tous le suivirent.
A la première étape, le chameau qui appartenait en commun à Sa'd, fils d'Abou-Waqqaç, et à ‘Otba, fils de Ghazawân, et qui portait leurs bagages, s'échappa pendant la nuit. Le lendemain, ne le voyant pas, ils se mirent à sa recherche, tandis qu'‘Abdallah poursuivit sa route, ils s'enfoncèrent dans le désert et vinrent jusque dans le Nedjd, et ne purent plus le rejoindre. ‘Abdallah, se rendant à l'endroit que le Prophète lui avait indiqué, s'y arrêta et prit des informations, en interrogeant tous ceux qui y passaient. ‘Okpascha, fils de Mi'hçan, l'un de ses compagnons, alla comme espion explorer tous les lieux et rapporta à ‘Abdallah des informations. Comme on était au mois de redjeb, mois sacré, où l'on ne faisait pas la guère et où les gens venaient de tous côtés visiter La Mecque et les Lieux saints (‘Omra) il s'était rasé la tête afin de ne pas être reconnu et afin de se faire passer pour un pèlerin en état pénitentiel (i'hram). Il entrait ainsi à La Mecque et prenait partout des renseignements.
Or, une caravane mecquoise, venant du Tâïf, chargée de fruits, de raisins et d'autres marchandises, vint à passer près de l'endroit où était campé ‘Abdallah et y fit halte. Elle était escortée de quatre hommes, personnages considérables d'entre les Qoraïschites. L'un d'eux était ‘Amrou-ben Al-‘hadramî, les autres étaient : ‘Othmân, fils d'Abdalleh, fils de Moghaïra et son frère Naufal, les Makhzoumites, enfin, al-‘Hakm, fils de Kaïsân, affranchi de Mouslim, fils de Moghaïra. En apercevant ‘Abdallah, fils de Dj'hsch, et ses compagnons, ils eurent des appréhensions ; ils dirent entre eux : Mohammed a envoyé quelques hommes pour surprendre et enlever la caravane. Ils se disposèrent à faire halte à cette station et à envoyer l'un d'entre eux à La Mecque pour chercher du secours. Tout d'un coup, ‘Okâscha, la tête rasée, parut sur une élévation de sable. En le voyant, ils dirent : Nous sommes au mois de redjeb, le mois sacré, ces hommes sont (sans doute) des Arabes venus pour visiter les Lieux saints. Al-‘Hakm, fils de Kaîsân, dit :
Quand même ce seraient des gens de Mohammed, celui-ci respectera assez le mois de redjeb pour ne pas ordonner de faire la guerre pendant ce mois, et de commettre des actes de brigandage. En conséquence, ils firent halte au même endroit. Le jour que précédait cette nuit était le dernier du mois redjeb. Pendant la nuit,‘Abdallah, fils de Dja'hsch, délibéra sur ce qu'il devait faire. Il y a là, dit-il, de nombreuses marchandises : si j'attaque demain, et que je les enlève, j'aurai combattu au mois de redjeb et violé la sainteté de ce mois, si j'attends, ils gagneront La Mecque et le butin nous aura échappé. ‘Abdallah et ses compagnons résolurent d'attaquer et d'enlever la caravane, disant :
Ce sont des infidèles, envers lesquels il n'y a pas lieu d'observer une interdiction sacrée. Le matin, lorsque la caravane se mit en marche, ils s'approchèrent avec leurs armes, et ‘Abdallah, fils de Dja'hsch et Wâqid, fils d'Abdallah, qui étaient d'habiles archers, tirèrent sur ‘Amrou ben-Al-l'Hadrami, le chef de la caravane, et le tuèrent. En voyant tomber ‘Amrou, ‘Othmân, fils d'Abdallah, s'enfuit et se sauva à La Mecque ; les autres, Naufal, fils d'Abdallah, et Al-‘Hakm, fils de Kaïsân, se rendirent. ‘Abdallah, fils de Dja ‘hsch, leur fit lier les mains, enleva la caravane et s'enfonça dans le désert en se dirigeant vers Médine. A cette nouvelle, les Mecquois allèrent à leur poursuite, mais ils revinrent sans avoir pu les atteindre.
Ils furent très étonnés de ce fait et dirent : Mohammed a violé la sainteté du mois de redjeb en envoyant une expédition guerrière pour verser du sang et faire du butin et des prisonniers, il ne prospérera jamais et sa religion n'aura jamais de succès.
‘Abdallah, fils de Dja'hsch, arriva à Médine au mois de scha'bân, avec son butin et ses prisonniers, et se présenta devant le Prophète. Celui-ci fut très courroucé et lui dit : Pourquoi as-tu agi ainsi ? Je ne t'avais pas ordonné de commettre des actes d'hostilité au mois sacré. Les compagnons du Prophète blâmèrent tous ‘Abdallah, fils de Dj'asch, et lui dirent : Les infidèles et les idolâtres eux-mêmes s'abstiennent de faire ce que tu as fait au mois de redjeb. Le Prophète retint les prisonniers et confisqua le butin, sans y toucher, en attendant les ordres de Dieu. Puis le Prophète demanda des nouvelles de Sa'd, fils d'Abou-Waqâç, et d'Otba, fils de Ghazawân. On Lui répondit que, à une certaine station ; nommée Ma'adan, ayant perdu leur chameau, ils étaient allés à sa recherche et que depuis lors, on n'avait pas eu de leurs nouvelles. Le Prophète fut inquiet de leur sort ; Il craignait qu'ils ne fussent tombés entre les mains des ennemis.
Ensuite, Il fut informé que des Qoraïschites les blâmaient d'avoir commis des actes de violence au mois de redjeb, ce qui n'était pas permis dans aucune religion. Les musulmans qui n'avaient pas émigré et qui étaient restés à La Mecque firent avertir le Prophète par un messager de ces propos des Qoraïschites et Lui firent demander quelle réponse ils devaient leur faire. Alors Dieu révéla le verset suivant, par lequel Il rassura le Prophète : "Ils t'interrogeront au sujet du combat dans le mois sacré. Dis : C'est un péché grave de combattre pendant ce mois ; mais détourner les hommes de la voie de Dieu, ne pas croire en Lui, chasser des hommes du saint temple où ils habitaient, est un péché plus grave devant Dieu. L'idolâtrie est un péché plus grave que le meurtre”. (Sur. III, vers. 214), ‘Abdallah, fils de Dja'sch, et ses compagnons furent très heureux de cette révélation. Le Prophète fit parvenir le verset aux musulmans de La Mecque pour qu'ils pussent répondre aux infidèles qoraïschites.
Les Qoraïschites envoyèrent quelqu'un pour racheter les deux prisonniers. Le Prophète répondit : Nous n'acceptons pas leurs prix. Nous avons perdu deux de nos gens ; Sa'd, fils d'Abou-Waqâç et ‘Otba, fils de Ghazawân, dont nous n'avons pas de nouvelles. Quand ceux-ci réapparaîtront, nous vous renverrons ces prisonniers. Mais si nous acquérons la certitude qu'on les a tués, nous mettrons aussi à mort ces deux hommes. Sa'd et ‘Otba, en recherchant leur chameau, étaient venus jusqu'à Nadjrâne. Ne l'ayant pas trouvé, ils revinrent à Médine au mois de scha'bân. Alors le Prophète, considérant les deux prisonniers comme leur rançon, les renvoya à La Macque, après en avoir reçu le prix.
Dans le même mois de scha'bân, au milieu du mois, Dieu ordonna au Prophète de ne plus se tourner pendant la prière vers Al Qods, mais vers la Kaâba. Les Arabes, en priant, se tournaient vers la Kaâba, tandis que les juifs et les chrétiens se tournaient vers Al Qods où était le temple bâti par Salomon, fils de David, endroit illustre, vers lequel se tournaient également Moïse et Jésus. Lorsque le Prophète reçut sa mission prophétique à La Mecque, Il se tournait, en priant, vers la Kaâba.
Comme les idolâtres de La Mecque, en adorant les idoles, se tournaient aussi vers La Mecque, quand le Prophète vint à Médine où dominait le culte des chrétiens et des juifs qui se tournaient vers Al Qods, Dieu Lui ordonna de se tourner également, en priant, vers Al Qods, afin de ne pas les contrarier et pour qu'ils Lui fussent favorables. Le Prophète fut ainsi. Cependant, il désirait que le point vers lequel il devrait se tourner en priant fut la Kaâba, qui avait été aussi la Qibla d'Abraham et d'Ismaël. Il priait journellement Dieu d'exaucer ce désir ; enfin, au milieu du mois de scha'bân de la seconde année de l'Hégire, le mardi, Dieu révéla le verset suivant : "Nous avons vu que tu tournais ton visage vers le ciel. Mais Nous voulons que tu te tournes vers une Qibla qui te plaira. Tourne-toi vers le saint temple. (Sur. II, vers. 139). La raison de cette révélation fut que les juifs et les chrétiens disaient au Prophète : Ô Mohammed, si ta religion est différente que la nôtre, comment se fait-il que tu tournes en priant vers le même point que nous.
Le Prophète, ayant invoqué Dieu, reçut le verset que nous venons de dire. Le Prophète était venu à Médine au mois de rabî'a premier. Au mois de moharrem de l'année suivante, il remarqua que les juifs célébraient un jeûne, le dix du mois, en appelant ce jour ‘Aschourâ. Le Prophète leur demanda pourquoi ils distinguaient ce jour. Ils répondirent : C'est le jour où Dieu a fait noyer Pharaon dans la mer, et où Il a délivré Moïse qui a jeûné ce jour-là pour rendre grâce à Dieu ; depuis lors nous aussi nous consacrons chaque année ce jour au jeûne. Le Prophète ordonna aux musulmans de jeûner, eux aussi, ce jour en leur disant : Je suis plus digne de suivre l'exemple de mon frère Moïse, fils d'Amrân.
Ensuite, le Prophète, voyant que les chrétiens jeûnaient pendant cinquante jours, désira avoir dans sa religion un jeûne pareil. A la fin du mois de scha'ban de cette même année, Dieu établit le jeûne du mois de ramadan, en révélant le verset suivant : "Ô vous qui croyez, le jeûne vous est prescrit comme il l'a été à ceux qui vous ont précédés” (Sur. II, vers. 179), c'est-à-dire aux juifs et aux chrétiens.
Jésus n'avait ordonné qu'un jeûne de trente jours ; ce sont les chrétiens eux-mêmes qui ont porté ce chiffre à cinquante. Moïse aussi n'avait dû observer le jeûne que pendant trente jours, les trente jours du mois dou-lq'da, le temps de sa conversation avec Dieu ; mais il y ajouta onze autres jours. Le Prophète, interrogé sur l'époque de ce jeûne de trente jours, reçut le verset suivant : "Au mois de ramadan, dans lequel a été révélé le Coran”, etc. (Sur. II, vers. 181). Mohammed ben-Djarîr a rapporté ce récit (relatif au jeûne de Moïse) en fort beaux termes.
A l‘expiration du mois de ramadan, le Prophète établit l'obligation de l'aumône à la fête de la rupture du jeûne. Ce jour, il sortit de Médine, se rendit à Moçalla, y fit la prière et recommanda, dans le sermon, l'aumône de la rupture du jeûne. L'année suivante, au mois de moharrem, le Prophète laissa les musulmans libres de jeûner ou non le jour d'Aschourâ. Quelques-uns observèrent ce jeûne, d'autres ne l'observèrent pas.
Au mois de ramadan de la même année, le Prophète sortit de Médine pour livrer le combat de Badr, qui eut lieu le vendredi dix-septième jour du mois. L'histoire de ce combat, qui est très important, n'a pas été rapportée en détail par Mohammed ben-Djarîr dans cet ouvrage. Cependant, elle est connue par les recueils des expéditions du Prophète et par les commentaires du Coran ; car il n'a été révélé sur aucune autre expédition du Prophète un aussi grand nombre de versets du Coran. Ce fut la première victoire de l'Islam, la première victoire du Prophète sur les infidèles.