Fête du Trône 2006

Un autre imbroglio à l'italienne

Paolo Messa : Ancien porte-parole de l'Union des démocrates-chrétiens et du centre et conseiller en communications du Premier ministre italien, fondateur du magazine Formiche.

09 Avril 2008 À 15:21

Ecrans de fumée et jeux de miroirs: c'est ainsi qu'apparaissent les élections italiennes en cours à la fois aux Italiens et au reste du monde. Bien sûr, cela n'a rien de nouveau: les dynamiques politiques de l'Italie ont toujours déconcerté à la fois ses acteurs et ses observateurs. Qu'un petit parti centriste ait envisagé, suite à une décision judiciaire, de faire reporter les élections n'a fait qu'ajouter à la confusion habituelle.

Le résultat probable des élections semble toutefois certain. Silvio Berlusconi, le chef de l'Alliance de droite, remportera les élections pour la troisième fois (il a aussi perdu deux fois), tandis que le scrutin pour le Sénat produira un match nul. Dans ce cas, Berlusconi pourra soit former une alliance avec le Parti catholique centriste de Pier Ferdinando Casini, soit tenter de former une coalition avec son adversaire du centre-gauche, le Parti démocrate dirigé par Walter Veltroni.

Cette dernière option, auparavant inenvisageable, est aujourd'hui possible parce que Berlusconi ne mène pas, cette fois-ci, l'habituelle campagne électorale incendiaire dont il était coutumier. Les propos mordants et les politiques partisanes des treize dernières années ont été oubliés. Berlusconi semble aujourd'hui pleinement conscient de la difficulté à gouverner l'Italie.
Il a bien raison de l'être. Avec une dette publique qui devrait atteindre 102% du PIB en 2009, une hausse de l'inflation et une croissance de 0,2% seulement, il lui sera bien difficile de tenir ses promesses électorales. Le délabrement des infrastructures publiques et l'incapacité du pays à attirer les capitaux étrangers ont aggravé les perspectives économiques.

De plus, même si les entreprises d'Etat (Telecom, Autostrade et Alitalia) ont fait l'objet d'une politique extrêmement interventionniste de la part du gouvernement Prodi sortant, il n'en est pas résulté grand-chose. Le projet de construction d'un train à grande vitesse pour relier l'Italie au nord de l'Europe subit un retard après l'autre. La crise des ordures à Naples couve toujours et met en péril la réputation internationale d'un des produits italiens les plus connus, à savoir la «mozzarella».

La crise mondiale des marchés financiers et le ralentissement économique de l'Europe ne feront que compliquer la tâche du nouveau gouvernement. La politique étrangère présentera sans doute ses propres difficultés. Le nouvel activisme de la France et de la Grande-Bretagne, allié à l'émergence de l'Allemagne comme acteur central des affaires de l'UE risquent de marginaliser encore plus l'influence de l'Italie. Si Berlusconi revient au pouvoir, il cherchera à rétablir une étroite coopération avec les Etats-Unis, voie choisie aujourd'hui par le Président français, Nicolas Sarkozy, et le Premier ministre britannique Gordon Brown. S'il y parvient, un « groupe de contact » de six pays (France, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Pologne et Italie) sera formé pour déterminer les relations entre l'UE et les Etats-Unis. Ce groupe d'influence sera nécessaire car quel que soit le gagnant de l'élection présidentielle américaine, la prochaine administration ne manquera pas de demander une plus grande participation de l'UE au plan international dans la résolution des conflits.

Mais l'Italie, contrairement à la France, n'est pas en mesure de substituer la beauté de Carla Bruni, la nouvelle femme de Sarkozy, à un véritable prestige. Pour y parvenir, l'Italie doit se placer comme le moteur d'une réforme profonde des institutions européennes, sans négliger le débat sur le rôle des Etats membres dans les choix économiques de l'UE. Dans ce domaine, l'Italie pourrait adopter les politiques économiques à tendance nationaliste suivies par la France et la Grande-Bretagne, au détriment des technocrates de Bruxelles.

Il semble à peu près acquis – à moins d'une surprise de dernière minute – que le milliardaire Berlusconi reprendra les rênes du pouvoir. En fait, il a été le seul véritable dirigeant de l'Italie depuis 13 ans. Né pour unifier un large éventail de forces politiques après l'implosion de la Démocratie chrétienne en 1994, le parti Forza Italia de Berlusconi s'est révélé être un mouvement habilement structuré, avec un large consensus parmi ses membres sur les questions fondamentales.
Pour ces élections, Berlusconi a décidé de tendre la main à l'Alliance nationale, le parti nationaliste de droite de Gianfranco Fini, avec lequel il a fondé un nouveau parti, le Peuple de la liberté - auquel s'est alliée la Ligue du Nord d'Umberto Bossi – pour tenter de faire en sorte que le nouveau gouvernement reçoive l'appui d'un parti plus large et cohésif. L'Union des démocrates-chrétiens et du centre et le parti néofasciste de Francesco Storace ont, quant à eux, quitté la coalition.
Un choix similaire a été fait à gauche par Veltroni, dont le Parti démocrate s'est allié avec le parti Italie des valeurs d'Antonio di Pietro. Les partis communiste et socialiste ont quitté la coalition que Prodi avait forgée pour obtenir une majorité
parlementaire.

Le but de ces réalignements était de créer des partis importants plus stables, mais d'autres évolutions sont probables. Des partis politiques forts paneuropéens de centre-droit et de centre-gauche se présenteront sans doute aux élections parlementaires européennes du printemps 2009. Alors que le programme des réformes de l'UE progresse, la question est pour l'Italie de savoir si des écrans de fumée et des jeux de miroirs sont tout ce que les politiques ont à offrir.
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