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Interview : Mohamed Saâd Alami, ministre chargé des Relations avec le Parlement

Le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Mohamed Saâd Alami, estime qu'il est temps de redorer l'image de l'institution législative et faire parvenir à l'opinion publique les efforts fournis par les parlementaires dans l'ombre. Il fait ressortir dans cet entretien la nature de la relation qui lie le gouvernement
>au Parlement.

27 Janvier 2008 À 15:42

Le Matin : La première session de cette législature qui vient de prendre fin a fait l'objet de plusieurs remarques et critiques, dont la faiblesse de la législation. Quelle est votre évaluation ?

Mohamed Saâd Alami :
D'une manière générale, cette session a été riche.
Elle a un caractère spécial : la première session après l'élection de la Chambre des représentants et la nomination d'un nouveau gouvernement.
Même s'il s'agit d'un démarrage, la session a été riche au niveau politique : le discours de S.M. le Roi, deux déclarations du Premier ministre (la déclaration gouvernementale et la réaction quant à la visite du Roi espagnol à Sebta et Melillia). Elle a été caractérisée aussi par deux réunions en commun des deux chambres, outre la séance d'ouverture. La première caractéristique de la session d'octobre est sans aucun doute la loi de Finances.
Même si le gouvernement a été constitué le 15 octobre, il a accéléré la cadence pour présenter son programme le 24 octobre et la loi de Finances le 7 novembre.

Mais qu'en est-il de la législation ?

Il faut expliquer ce volet. On trouve des disparités. La chambre des Représentants est parvenue à voter un nombre important de textes par rapport aux sessions d'octobre: 21 lois dont deux propositions de loi.
La Chambre des conseillers a voté seulement 13 textes.
L'Opinion publique juge le nombre des projets entérinés. Cette fois-ci, 11 lois ont pu passer définitivement.
Le projet de loi de Finances a suscité un débat animé au sein du Parlement.
Tous les projets de loi de Finances font l'objet d'un grand débat, car c'est le miroir de l'action du gouvernement pendant une année. Cette loi traduit la politique du gouvernement et lui octroie les moyens pour son exécution.
Il est normal que l'opposition qui a voté contre le programme gouvernemental rejette ce texte. Chaque partie défend ses positions.

Le gouvernement n'a-t-il pas abusé de l'utilisation de l'article 51 comme l'a souligné à plusieurs reprises l'opposition ?

L'opposition a le droit d'avancer ce qu'elle veut. L'article 51 fait partie de la Constitution. Celle-ci a été faite pour être mise en œuvre.
Certains accusent l'opposition de présenter des amendements qu'elle sait que d'emblée ils ne vont pas être acceptés en vertu de l'article 51.
Dans les pays démocratiques, le gouvernement n'utilise cette procédure que rarement parce que l'opposition connaît les limites de son rôle et de son action.

Les projets de loi de la déclaration du patrimoine ont été encore une fois soumis au Parlement. Ce qui a fait renaître l'ancien débat sur la déclaration du patrimoine des ministres. Où en est cette question ?

En 1992, on a fait passer une seule loi de la déclaration du patrimoine pour tout le monde. Elle stipulait seulement la nécessité de la déclaration sans mentionner auprès de qui ni la manière de déclarer ses biens ou les sanctions. Il était nécessaire d'élaborer un texte précis. Le secrétariat général du gouvernement a estimé qu'il faut que chaque partie soit dotée d'un texte à part selon son texte fondateur. Cette fois-ci les textes sont passés à la Chambre des représentants sans problème. Il reste son passage à la deuxième chambre.

Il existe des lois qui ont traîné au Parlement comme le projet de loi 04/04, relatif à l'urbanisme. Ce projet a-t-il été retiré du Parlement comme l'a annoncé le ministère il y a quelques mois ?


Le texte est encore au Parlement. Il a été gelé. A travers les discussions, la nécessité d'un code de l'urbanisme est apparue. Le projet 04/04 est venu traiter quelques problèmes, mais sans une révision globale de toutes les lois liées à l'urbanisme.

Le ministère est convaincu qu'il est nécessaire de mettre en place un code de l'urbanisme. Ainsi, on a arrêté les discussions de ce texte. A présent, on se pose la question depuis deux semaines : n'est-il pas dans l'intérêt du pays de faire passer certaines dispositions du projet de loi 04/04, notamment celles relatives au suivi et contrôle en attendant le code de l'urbanisme ? Ce projet traite plusieurs lacunes dans le secteur.

Mais ce projet a traîné pendant trois ans. A quoi est dû ce grand retard ?

Le gouvernement a soumis ce texte au Parlement. Cependant, il y avait des réserves de la part de plusieurs parties qui bénéficient de la situation actuelle. Les pressions exercées ont causé le retard de l'adoption de ce projet de loi alors qu'on assiste aujourd'hui à des incidents qu'on pouvait éviter grâce à la loi.

Le code de la circulation est une autre loi qui a suscité une grande polémique. Pourquoi ce texte très attendu n'a pas été soumis au Parlement au cours de cette session ?

Le Parlement n'a pas étudié plusieurs textes au cours de cette session. En ce qui concerne le code de la circulation, il a été convenu d'élargir les consultations avec toutes les parties concernées afin de sensibiliser tout un chacun aux dispositions de la loi et d'écouter les différentes observations. On a constaté que plusieurs soucis ne sont pas relatifs au projet mais une conséquence de la situation sociale du secteur ou de certaines rumeurs infondées. On note aussi la faiblesse de l'encadrement. Les représentants du secteur ne sont pas nombreux pour dialoguer avec eux et arriver à un résultat tangible. Certaines couches sont non organisées et n'ont pas de représentants. Ce qui a nécessité du temps pour écouter toutes les parties. A l'heure actuelle, les négociations ont été achevées. On a reformulé certains points. Le code de la circulation est parmi les textes qui seront soumis au Parlement lors de la session du printemps.

Les parlementaires se plaignent toujours du rejet de leurs propositions de loi. Dès sa nomination, Abbas El Fassi a annoncé qu'une nouvelle relation liera le gouvernement à l'institution législative. A-t-on ressenti le changement dans ce domaine ?

Il est certain qu'on doit porter un grand intérêt aux propositions de loi des parlementaires. L'annonce du Premier ministre a été concrétisée. Pour la première fois au cours de la première session, on adopte des propositions de loi. Sur les 11 textes entérinés au cours de cette session, deux sont des propositions de loi. Je veux clarifier une chose : la fonction de législation incombe au Parlement. C'est l'institution législative qui étudie les textes et y introduit des modifications le cas échéant. A l'instar de bon nombre de pays, l'initiative de législation émane du gouvernement pour plusieurs raisons. La majorité au Parlement exerce la législation à travers le gouvernement. La législation est un moyen de mise en œuvre du programme gouvernemental. D'une manière générale, si l'opposition apporte un texte qui enrichit le programme gouvernemental, il sera accepté. Mais, ce n'est pas souvent le cas. Il est logique que les propositions soient rejetées si elles s'opposent au programme gouvernemental. Ainsi, l'opposition ne recourt pas souvent aux propositions de loi. La porte est ouverte aux propositions des parlementaires.

Comment évaluez-vous la relation entre votre département et l'institution législative ?

C'est une bonne relation. Le ministère chargé des Relations avec le Parlement est un pont qui lie le gouvernement et le Parlement. Notre mission est de renforcer le partenariat entre ces deux institutions. Nous écoutons et la majorité et l'opposition.
Dans le cadre de l'ouverture démocratique, le gouvernement a besoin d'une opposition forte qui le met en garde. Nous sommes, donc, ouverts, à toutes les composantes du Parlement. Le rôle du ministre chargé des Relations avec le Parlement est de veiller non seulement à la présence continue du gouvernement au sein du Parlement et à entretenir la communication, mais également à écouter les parlementaires et à faire parvenir au gouvernement les débats du Parlement.
C'est un pont de communication dans les deux sens.
C'est une mission certes pénible mais utile.

L'action parlementaire est toujours pointée du doigt. Selon vous, comment peut-on améliorer le rendement des parlementaires et changer l'image négative qu'a l'opinion publique de l'institution législative ?

Cette question se pose avec acuité même de la part des parlementaires. Nous partageons avec le Parlement ses préoccupations. Nous encourageons toute initiative permettant de changer l'image du Parlement.
En réalité, il existe des aspects positifs dans l'action parlementaire mais qui restent dans l'ombre, notamment le travail des commissions et les efforts des groupes parlementaires. L'action parlementaire dans les commissions est différente de celle des séances plénières. L'observateur ne suit que ces dernières qui donnent une impression négative sur le travail du Parlement.

Il existe une volonté de dépasser les aspects négatifs en révisant le système des séances plénières, en traitant le phénomène de l'absentéisme, en développant le travail législatif…dans le cadre des dispositions de la Constitution et du règlement interne. Il faut contrecarrer certains points négatifs. Il faut travailler en premier lieu sur le volet de la coordination entre les deux chambres pour éviter la répétition au niveau du contrôle et de la législation. A présent, le Parlement s'attellera à ce chantier. Le gouvernement est prêt à le soutenir dans le cadre de ses prérogatives.
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