L'humain au centre de l'action future

L'homme qui fait parler la lettre

Dans un océan de couleurs, émergent des lettres qui peuplent l'espace toile comme autant de symboles qui disent toute la passion de Khalid Bayi pour ces formes. Ils se présentent sous plusieurs aspects, prennent des dimensions diverses et occupent différentes parties de la toile.

15 Octobre 2008 À 13:05

Les caractères fusent et ne se ressemblent pas. Qu'ils soient en filigrane ou en relief, ces signes sont toujours chargés d'une spiritualité qui confère une sérénité apaisante au spectateur.

Devant le tourbillon de lettres qui sont en mouvement sur la toile, ces corps agiles sont libérés de toute contrainte. Ils se livrent à une danse enivrante, à une transe, serait-on tenté de dire qui emporte dans son sillage la personne qui se trouve face à l'œuvre. De cette fusion de la lettre et de la toile, naît un sentiment de quiétude et de bonheur. C'est que cette mise en scène bien agencée le permet amplement. Dans l'immensité de la toile, l'œil capte ces formes singulières, tantôts minuscules tantôt imposantes, mais jamais les mêmes. Les traits s'élancent avec désinvolture, déclarant leur totale indépendance de l'espace pictural. Elle sont souveraines et ne souffrent pas de règle.

Peinture, calligraphie, design graphique, décoration d'intérieur, vitrail, multimédia, … Khalid Bayi pratique toutes ce disciplines à la fois. Quand on regarde de près ses œuvres, on y décèle à chaque recoin une facette de ces spécialités diverses dont ce magicien sait si bien exploiter les ressources. Sous le pinceau de l'artiste, la lettre devient signe, symbole, un personnage à part entière qui tient la vedette dans la toile. Les traits n'en sont que plus captivants et plus lumineux. Jamais la lettre arabe n'a été aussi sublime et aussi fière. Une nouvelle esthétique nait des doigts de cet architecte de la lettre qui en interroge toutes les possibilités. « Ce qui m'intéresse dans ma démarche, c'est l'utilisation de la lettre dans la toile. C'est-à-dire la stylisation du signe et l'usage de la couleur. Les fonds en tourbillon expriment la colère et ce magma de sentiments qui foisonnent dans mon for intérieur. Et c'est justement ce cri qui crée cette atmosphère spirituelle de la toile », avoue le jeune artiste.

A la différence des calligraphes classiques, Khalid Bayi tente toujours de sortir des sentiers battus, d'aller plus loin et surtout de faire quelque chose de différent. Ce n'est pas qu'il pense que les calligraphes classiques sont dépassés mais il se soucie de la relève. Cette relève, il l'assure avec une peinture novatrice, résolument moderne et qui revalorise la culture arabe. Une peinture qui ne se confine pas dans les thématiques désuètes, mais qui exprime les préoccupations quotidiennes de l'homme moderne. Les ondulations et les mouvements des lettres sur ses tableaux ne sont que le prolongement de ce qui se passe dans sa tête et dan son coeur. « Animé par les forces génératrices de la vie, en réaction contre le machinisme grandissant, le langage plastique de Khalid Bayi développe le thème de la lumière inépuisable dans une inspiration mystique. Il s'agit d'un vocabulaire pictural qui utilise de nombreuses références aux éléments décoratifs arabo-islamiques en s'inspirant des formes simplifiées et des couleurs vives amplifiées», dit le critique d'art Abdellah Cheikh à propos de sa peinture.

Au milieu de ces nombreuses références, notre artiste se sent comme un poisson dans l'eau. Il passe d'un genre à l'autre et jongle avec en toute aisance. Sources d'énergie, ses différentes spécialités lui permettent de se forger un style.Pour ceux qui désirent voir de près les tableaux de cet artiste, rendez-vous leur sera donné le 23 octobre à la Minaudière des Arts à Rabat et par la suite à l'Ecole Hassania à Casablanca pour une nouvelle exposition.
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Le signe dans la peau

L'histoire de Khalid Bayi avec la lettre a commencé très tôt, dès son jeune âge quand il vivait à Agadir. Esprit créatif, le jeune homme n'avait pas la possibilité de faire des études d'art. Il s'est donc rabattu sur la calligraphie pour, vite, se découvrir une passion et un talent à reproduire les lettres arabes et latines. L'artiste en herbe perfectionnait également le dessin. Une fois au collège, il ajoute la caricature à sa panoplie de vocations. Après des études de lettres modernes et un baccalauréat obtenu dans cette spécialité, il se rend compte que son véritable amour c'était les arts plastiques. Ses études lui avaient déjà fait connaître la poésie et la lettre arabe.

Ce qui n'a fait que confirmer son penchant pour la calligraphie. D'une simple vocation, les arts deviennent sa spécialité. A Casablanca, il s'inscrit à l'Ecole des Beaux Arts et étudie l'histoire de l'art ainsi que ses canons. « Durant mes années d'étude dans cette école, j'ai essayé de concilier ce que je savais déjà avec la formation académique. Après avoir touché à l'art abstrait, impressionniste et bien d'autres styles, je ne me suis retrouvé dans aucun d'eux », avoue-t-il. Animé par la volonté de créer son propre style, il décide de faire un nouvel usage de la lettre sur la toile tout en profitant des expériences de ses prédécesseurs.
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