C'est du Théâtre Mohammed VI que des centaines de spectateurs ont pris leur envol le mercredi dernier pour la Corée du Sud.
LE MATIN
06 Juillet 2008
À 13:08
Ce voyage à travers les couleurs, les sens et les émotions leur a été proposé par les danseurs de la troupe Samulnori Molgae. Si ce nom vous est familier, sachez que c'est le même groupe qui a ouvert le bal de la onzième édition du Festival Gnaouas et musiques du monde. A l'origine de ce spectacle intitulé «Danses et musiques traditionnelles», l'ambassade de la République de Corée et la mairie de Casablanca qui souhaitent faire partager aux spectateurs la beauté de cet art traditionnel centenaire. Dans la lumière tamisée de la scène, on pouvait contempler une dizaine de percussionnistes habillés en costumes coréens.
Majestueux dans leur tenue originale et face à leur Janguu (instrument à percussion coréen en forme de sablier), ils jouaient des musiques traditionnelles profondes et captivantes. Face à eux, dans une salle archicomble, un public ensorcelé par ces sons venus d'ailleurs. Ce style riche et unique est à la source créé par les paysans coréens. Un des membres du groupe, Lee Young Kwang, explique: «Chaque région du pays avait son style de musique traditionnelle et c'est la réunion de ces régionalismes, des meilleures sonorités qui a créé le "Samulnori” en 1978». C'est donc des musiques jouées dans la vie de tous les jours, de ses bons et mauvais moments, des mariages et des funérailles, des moments de paix et de guerre que s'inspirent nos artistes. La combinaison réussie de ces différentes sonorités a envoûté les spectateurs. Si la force de la musique était bien présente, la magie de la mise en scène était également là.
Sur la scène divisée symétriquement, les percussionnistes étaient assis dans un ordre irréprochable. Ils domptaient, avec précision, amour et délicatesse leurs instruments. Au fil du spectacle et de ses compositions musicales, c'est une histoire d'amour qui se tisse entre les deux. L'homme et l'instrument ne font plus qu'un seul être et les battements du cœur de l'un se font guider par les percussions de l'autre. Face à ce paysage, le spectateur, inactif, contemple avec magnificence, cette rencontre harmonieuse marquée par une mélodie aux rythmes déchaînés. Soudain, c'est le silence, la fin du rêve. Les interprètes quittent la scène et laissent à leurs fans le temps de s'informer sur la Corée à travers un documentaire projeté à l'occasion. La musique de ce pays, sa richesse et ses différentes sources ont été les axes de ce film.
Quelques minutes plus tard, on attend le retour des stars de la soirée. Alors que les spectateurs s'impatientaient, des sons de tambours provenaient des quatre coins de la salle. Les Salmunori Molage font une entrée triomphale du côté du public. Ils portent cette fois-ci de nouveaux costumes ponctués par des chapeaux avec un long ruban blanc. «Ce sont des "Sang-Mo” dont nous ne connaissons pas l'origine. On sait par contre qu'ils étaient utilisés en période de guerre. En fait, il s'agit d'un ruban blanc qui tourne lorsque l'artiste danse, mais à l'époque, c'était une lame d'épée. Le musicien qui porte le "Sang-Mo” tient dans la main gauche un tambour et dans la droite le bâton, cela représente l'épée et le bouclier.» raconte Lee Young Kwang.
Formant un cercle, ils frappent sur leurs tambours, dansent et dessinent des figures aériennes grâce à leurs rubans, le tout avec une beauté et une fluidité indissociables. Les gestes sont vifs, la technique minutieuse et le sentiment intense et profond. En fait, l'harmonie des instruments crée un espace sonore émouvant qui embellit la présentation chorégraphique. Les va et vient entre les danseurs, leurs mouvements gracieux, leur présence imposante ont donné naissance à un tableau impressionnant. Tout est si parfait que la scène trouve par magie une la dimension subtile de cet art. Comme leur nom qui signifie « l'écume des vagues » qui dont les formes et les couleurs varient selon les marées, les Salmunori Molgae vibrent aux rythmes enthousiastes des applaudissements et des regards de leur public. ----------------------------------------------------------------
Autour de la troupe
La troupe MOLGAE, fondée en 1991, a pu être appréciée du grand public lors de différentes manifestations tel le Festival mondial des artistes (World Artist Festival) tenu en Italie en 1996, ou encore au cours d'une tournée en Amérique du sud (Chili, Paraguay, Uruguay et Argentine) en 2007. Le groupe de percussion MOLGAE, dont le style musical repose sur l'utilisation d'instruments de percussion coréens, perpétue la tradition coréenne tout en collaborant avec des interprètes de musique folklorique, classique, de Rock, de jazz et plus récemment de Gnaoua, enrichissant ainsi leur répertoire et apportant à leur œuvre une touche d'originalité prisée du plus grand nombre. «Nous essayons aussi aujourd'hui de nous ouvrir à d'autres styles afin de montrer que l'on peut s'adapter», explique Lee Young Kwang.
Les Molgae jouent avec quatre instruments dont la cymbale Kkwenggwari qui épouse la forme d'une assiette en laiton, en or voire en argent dont le son, symbolisant le tonnerre, est produit à l'aide d'une baguette. Le gong de forme et de matière similaires dont le son, doux mais puissant est assimilé au bruit du vent. Le Janggu, une caisse de résonance traditionnelle en forme de sablier sculpté dans un tronc de paulownia, produit une gamme de sons variés allégoriquement comparés au bruit du vent. Le tambour Buk, est un assemblage de lattes de pin ou de paulownia sous forme de caisse ronde qui produit à l'aide de deux bâtons lisses un son symbolisant les nuages, offrent un répertoire varié du patrimoine musical coréen.