L'humain au centre de l'action future

Kénitra remporte le label «Ville sans cinéma»!

Sale temps pour les cinéphiles kénitris. La dernière salle de cinéma de la ville, «Al Ittihad», a fermé en mai 2008, obligeant la majorité d'entre eux à se contenter des dvd piratés.

31 Juillet 2009 À 17:25

Sauf que «rien n'égale la sensation de regarder un film dans la salle obscure, entouré de mes amis… même pas un home cinéma dernier cri», confie Adnane, la trentaine. Il est donc obligé de se rendre au Mégarama de Casablanca à chaque fois que la fièvre cinématographique s'empare de lui. Et apparemment, il n'est pas le seul. Bon nombre de jeunes kénitris n'hésitent pas à s'organiser entre eux pour assister aux séances du cinéma de l'humoriste Jamel Debbouze. D'autant plus que «les cinémas de Rabat passent exclusivement les films marocains», précise Adnane. Le premier cinéma à avoir ouvrir ses portes à Kénitra est le Fantasio en 1934. Cette salle construite par les Français était la plus fréquentée après le Palace. Les nostalgiques se souviendront des deux semaines de projection du succès de l'acteur/réalisateur Saïd Naciri «Les Bandits» à guichets fermés. «Moi, je me rappelle surtout de la finale de la Coupe d'Afrique des nations 2006 de football retransmise au Fantasio peu avant sa fermeture. J'ai passé un agréable après-midi avec les amis…

C'était une expérience inoubliable», se remémore le bachelier Omar. Les dirigeants du Fantasio ont, en effet, essayé les derniers jours de son agonie de faire face au déficit financier causé par le manque de fréquentations en diffusant les matchs de la CAN… Mais en vain ! Fantasio va être détruite pour qu'un immeuble y prenne place. C'est désolant d'autant plus que lors des années 70, la ville qui comptait alors 100.000 habitants avait six salles de cinéma. Et maintenant que le nombre avoisine les 500.000, il n'y a plus aucune salle ! Autre défunte, L'association Palace de Cinéma et Théâtre, plus connue sous le nom de Cinéma Palace, a vu le jour en 1948. Ses 700 places faisaient d'elle la plus grande salle de la région du Gharb Chrarda Bni Hssen. Un Palace qui abritait aussi bien des pièces pour enfants organisées tous les dimanches que des pièces pour le grand public telle que la pièce théâtrale «Arrajolo alladi… (L'homme qui…)» interprétée par Mohamad El Jam et Nezha Reguragui dont les répliques sont toujours gardées en mémoire par ceux qui ont assisté au show. «Ryad», «Al Ittihad», «Tanagra» et «Atlas» ont respectivement commencé à diffuser surtout les films marocains et indiens.

Mais ces dernières ne feront pas long feu car elles vont connaître le même sort que Palace et Fantasio, au grand dépit de la «génération Sharukhan» (acteur indien) qui composait la principale clientèle du cinéma «Al Ittihad» et n'hésitait pas à revoir les films jusqu'à en apprendre les chants par cœur malgré le fait qu'elle ne comprenait pas de quoi il était question ! Et avec la fermeture des cinémas de Kénitra, c'est toute la région du Gharb (2.000.000 habitants !) qui vit sans le 7e art. La ville de Kénitra ne dispose donc d'aucune salle de cinéma. Une situation accablante qui a contraint le Ciné-Club de Kénitra à collaborer avec Balzac, l'institut français de la ville pour y projeter les films. Le président du Ciné-Club, Mokhtar Ait Omar, convie les Kénitris à assister à la «Quinzaine des Réalisateurs», manifestation gratuite consistant à diffuser les films de la Quinzaine, organisée à l'institut français de la ville en marge du Festival de Cannes.

C'est mieux que rien comme le dit le proverbe marocain «Lahoma lâamach o la lâama». Mais jusqu'à quand continuerons les Kénitris à se contenter des crottes des yeux ? «On garde toujours espoir quant à la réouverture du cinéma Palace.
De plus, la Fédération des Associations de Kénitra tente d'exhorter le conseil de la ville à reprendre la construction du projet du complexe culturel qui comporte une salle de cinéma et une autre de théâtre. Ce projet est le grand oublié des conseils qui se sont succédés à la tête de la ville», se désole le président du Ciné-Club.
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Le Ciné-club de Kénitra

Le Ciné-club, qui fût créé bien avant la naissance de la Fédération nationale des Ciné-clubs en 1973 (ex Union marocaine des Ciné-clubs), souffre aussi de l'absence de local fixe ce qui l'oblige à organiser ses réunions à l'intérieur du siège de l'Union d'action féminine, une ONG locale qui défend la cause des femmes. Le Ciné-club compte une centaine d'adhérents et leur nombre est en constante régression selon le membre créateur et président du club, Mokhtar Ait Omar. «Le fait que Kénitra n'ait plus de salle de cinéma dissuade un bon nombre de gens à s'inscrire au Ciné-club car ce dernier se voit condamné à travailler sans plan d'action», explique-t-il. Le Ciné-club essaie tant bien que mal de subsister en organisant annuellement la «Rencontre de Sebou du court-métrage» depuis 2006. Mokhtar Ait Omar, qui est aussi membre de l'Association des critiques de cinéma (ACC) du Maroc et directeur artistique de Ciné.Ma (le magazine édité par l'ACC), souhaite que le Ciné-club parvienne à organiser la 4e édition de la Rencontre de Sebou avant la fin de l'année 2009 et ce, malgré l'absence de salles de cinéma.

*Journaliste stagiaire
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