Sajid déballe tout sur une session à plusieurs inconnues
Quelques jours seulement après une session à rebondissements, le président du conseil de la ville de Casablanca a été l'invité du «Matin Forum». Durant les «90 minutes pour convaincre», Mohamed Sajid a fait beaucoup d'effort sur lui-même pour ne pas rater le coche et garder le sang-froid face à des questions dérangeantes. En effet, la capitale économique traîne toujours les mêmes maux comme une boule de fer qui ralentit ses pas. >
LE MATIN
25 Mars 2009
À 17:07
L'état des routes et par conséquent celui de la circulation, le mauvais entretien des espaces verts, les quartiers pauvres délaissés et à peine quelques projets lancés ça et là, ressemblent plutôt à des maquettes. Mais pour Sajid, tout cela n'est que mauvaise appréciation de la réalité et strabisme politique.
Il affirme à qui veut bien l'entendre que les projets structurants réalisés durant son mandat n'ont jamais eu d'égal auparavant. Que l'aménagement «futuriste» du boulevard d'Anfa et de la Corniche, l'avenue Al Qods, le tunnel des préfectures, les passages à niveaux, la marina sont la personnification même du développement harmonieux de Casablanca en respect du principe de l'unité de la ville. L'homme d'affaires et membre influent du BP de l'UC reconnaît pourtant qu'il y a de profonds dysfonctionnements dans la plupart des arrondissements, lorsqu'il s'agit de définir les priorités.
Pour lui, les moyens dont ces dernières disposent sont, certes, plus importants que ceux de la ville mais il y a des circonscriptions qui n'ont pas de visions claires quant à leurs responsabilités. «Sachant que les dotations étatiques à ces structures varient entre 5 et 7 millions de DH, une arrondissements peut allouer 2 millions de DH pour la voirie, tandis qu'une autre comme celle de Maârif n'y accorde que 100.000 DH», nous a-t-il confié. A la fin de son mandat, Sajid ressent le besoin urgent de clarifier les choses concernant la charte communale pour ancrer les concepts et dépasser les limites de responsabilité à l'image d'une ville comme Marseille. Un travail sur les mentalités est également nécessaire pour dépasser ce qu'il estime être des considérations politico-électoralistes et se concentrer sur l'amélioration de la gouvernance locale.
Pour y arriver, la commune, malgré un budget de 2 milliards de DH, explique Sajid, n'a pas les coudées franches pour recruter les compétences avec des salaires comme dans le privé. La création par la commune de sociétés de gestion dédiées aux grands projets comme le tramway représente une bien meilleure solution pour contourner les susceptibilités partisanes et les conflits d'intérêts.
Interview • MOHAMED SAJID, président du Conseil de la ville de Casablanca
«Ce n'est pas avec 100 MDH qu'on peut réaliser des projets à 4 MMDH»
Nous disposons d'un programme de 3,2 milliards de dirhams qui concerne plusieurs projets, mais leur financement provient de la direction des Collectivités locales. Nous avons encore besoin de temps pour agir en profondeur sur les mentalités afin d'améliorer la gestion de nos villes.
LE MATIN : Nous avons assisté à une polémique au sujet de la légalité de la session de février du Conseil de la ville. Surtout qu'elle ne s'est pas tenue dans les délais fixés par la charte communale…
MOHAMED SAJID : Nous ne pouvons pas tenir une session en dehors de son cadre légal et organisationnel. La session de février doit se tenir durant ce même mois. Nous avons entrepris toutes les procédures légales dans les délais et fixé la date de la session au 28 février. Nous avons, également, envoyé les invitations aux conseillers dans les temps et établi le programme des travaux de la session. Toutefois, le problème du quorum nous a obligés d'ajourner ces derniers jusqu'en mars. Et ce n'est pas l'unique raison du report... Comme vous le savez, cette session a été consacrée au compte administratif qui concerne les finances de la commune. En plus des services de celle-ci, ce document est préparé par le ministère des Finances et la Trésorerie générale. Souvent, il est bouclé en retard pour la majorité des communes, ce qui empêche de tenir les sessions dans les délais impartis. De manière générale, le compte administratif n'est jamais prêt en début d'année. A la lumière de tous ces arguments, la tenue de la session n'a souffert d'aucun vice. Toute la polémique autour de ce sujet a été inventée.
L'on remarque généralement que lorsque vous vous apprêtez à ouvrir une session, vous patientez deux heures ou plus pour que le quorum soit complet. Néanmoins, le 28 février, vous vous êtes pressé de reporter la session moins d'une demi-heure après le rendez-vous…
Ce n'est pas le premier compte administratif qui engendre un report de session parce qu'il n'a pas été préparé à temps. Par ailleurs, le contrôle des finances des communes de Casablanca est une vraie problématique, vu son importance. Il faut que tout le monde sache qu'il y a une seule institution qui s'occupe du contrôle du compte administratif de la commune, du conseil de la préfecture et celui de la région. Il est important de revoir le staff et la manière d'opérer de l'entité qui prépare ou celle qui contrôle les comptes .
Selon certaines déclarations, des conseillers n'ont pas été tenus informés de la tenue de la session…
J'ai déjà expliqué que nous avons mis l'accent sur deux ou trois arguments pour la reporter. Nous avons été dans le droit d'y avoir recours d'autant plus que les commissions n'avaient pas bouclé leurs travaux. Je ne trouve pas de différence entre ces griefs du moment où la session devait être ajournée dans tous les cas de figure.
Au-delà de ces aspects techniques, en matière de gestion, le citoyen n'arrive toujours pas à reconnaître l'empreinte de ce conseil. Pratiquement, la plupart des projets sont en stand-by et la ville de Casablanca est prise en otage par des chantiers dont on ne connaît pas la réelle portée…
Nous sommes dans une ville qui compte quatre millions d'habitants, avec 16 arrondissements s'étendant sur un large périmètre urbain. Difficile aujourd'hui de dire qu'il n'y a pas eu de réalisations, notamment au niveau des grandes infrastructures. Mais un projet mené à bien à Sidi Moumen, par exemple, n'est pas forcément connu chez les habitants de Sidi Belyout. Le concept de géographie concernant nos interventions a son impact sur l'opinion publique. La réalisation de l'avenue Hassan II à Fès a provoqué une révolution dans la ville bien qu'elle ne s'étend que sur un kilomètre. Contrairement à cela, celle de dix avenues à Casablanca ne serait pas vue de la même manière. De grands travaux sont aujourd'hui lancés à Casablanca et parmi eux l'aménagement de l'avenue Al Qods, inscrit dans le plan urbain. Pendant trente années, on a réalisé un ou deux passages à niveau sur les chemins de fer. Aujourd'hui, on en voit un peu partout. Ce sont des projets importants dans la mesure où ils désenclavent certains quartiers de la ville. La construction du tunnel des préfectures a permis d'avoir un accès à la route d'El Jadida. Ce sont des projets vitaux, mais pas moins budgétivores. Prenons, par exemple, l'avenue Al Qods qui est un axe important à Sidi Maârouf, eu égard à sa vocation urbaine dans l'avenir. Ce quartier comprend un projet résidentiel de 9.000 unités et 58.000 habitants. C'est pratiquement une ville qui a été érigée sans les infrastructures nécessaires. S'investir dans ces projets structurants permet de maîtriser l'évolution de la ville. Prenons aussi l'entrée de Sidi Massoud. Les travaux qui y ont été menés, leurs importance et volume, n'ont jamais eu d'égal durant les dernières années que ce soit au niveau des infrastructures, des budgets ou des délais. Durant ce mandat et avec les mêmes moyens, nous avons mené à bien des projets plus qu'il n'en a été fait durant les 30 dernières années.
Mais la plupart de ces projets ont été programmés avant l'arrivée aux commandes de l'actuel conseil…
C'est une question que l'on me pose souvent. On me dit que ce qui a été réalisé n'est pas de mon ressort. Comment est-ce possible ? Ces projets existent dans le plan d'aménagement depuis 20 ans et leurs dossiers techniques nous les avons trouvés dans les tiroirs. Certes, nous avons travaillé sur la base de ce que nous avons trouvé comme nous allons laisser des études à nos successeurs. Tout cela, dans le respect du principe de continuité en matière de gestion de la chose publique. Par ailleurs, tout ce qu'on nous laisse n'est pas forcément complet. Nous avons dû revoir l'étude concernant le rond-point Chimicolor qui ne tenait pas en considération tous les travaux de transposition des réseaux d'électricité, d'eau potable et des eaux usées. Nous avions approuvé le projet à 30 millions DH, mais il s'est avéré, au regard de tous ces éléments, que ce budget est très insuffisant pour exécuter le projet en respectant les normes.
Le conseil a programmé quelques grands projets à 4 milliards DH, alors que son excédent budgétaire ne dépasse pas 100 millions de DH. Comment comptez-vous procéder ?
C'est un discours que j'ai souvent entendu au sein du conseil. Effectivement, comment une commune qui dispose d'un excédent de 100 millions de DH peut-elle programmer des projets à 4 milliards de DH. Ce n'est pas avec ce montant que l'on va réaliser le tramway qui coûte 6,5 milliards de DH. Pour mener à bien les infrastructures de Casablanca, nous avons besoin de nouer des partenariats, notamment avec l'Etat.
Comment ces partenariats se présentent-ils à l'heure actuelle ?
Nous avons signé un accord avec la Direction des collectivités locales, relevant du ministère de l'Intérieur, pour la restructuration de la ville. Nous disposons d'un programme de 3,2 milliards de DH, à l'image de celui de Tanger (2,5 milliards de DH). Il s'agit de programmes et de projets qui passent par les comptes du Conseil de la ville, mais leur financement provient de la Direction des collectivités car les communes ne disposent pas encore de fonds nécessaires pour des projets structurants. L'intervention de l'Etat est indispensable pour la réalisation du tramway et nous sommes fiers d'avoir mis ce projet sur les rails. Nous avons finalisé son montage financier grâce à l'intervention du Souverain. En effet, le projet de tramway n'a pas jailli du néant. Il est inspiré par le plan de circulation de Casablanca. Nous nous sommes posé la question sur nos besoins à l'horizon 2020 ou 2030 et convenus qu'il faut quatre lignes de tramway, une ligne de métro et une ligne de chemin de fer. Après estimation, le financement nécessaire est de l'ordre de 50 milliards de DH.
L'on remarque toutefois que les quartiers huppés de Casablanca, comme Aïn Diab, profitent plus que les autres des grands projets ?
Aïn Diab est touristiquement un refuge pour les Casablancais et les Marocains de manière générale. Cette zone est devenue, également, un centre de shopping. Les personnes qui ont investi au boulevard Al Massira, sans vouloir les flatter, ont fourni un grand effort. Il fallait bien les accompagner avec un minimum d'aménagement afin de changer un décor qui a duré pendant 30 ans. Ce que nous avons entrepris répond à des priorités qui obéissent à un programme de développement et non pour faire plaisir à certains aux dépens des autres.
Promouvoir un nouveau centre commercial de Casablanca s'est, néanmoins, fait aux dépens de celui du boulevard Mohammed V…
Vous avez raison. Le boulevard Mohammed V qui a toujours été le cœur battant du commerce à Casablanca se trouve aujourd'hui dans un piteux état. Cette situation nous amène à poser la question sur la vraie cause de cette situation. La cause serait-elle la commune ou autres…? Là, je dirais qu'elle est profondément structurelle et directement liée à l'absence d'investissements dans les moyens adéquats de transport. Il est difficile de s'y déplacer à cause des problèmes de circulation, des taxis et bus. Tous ces facteurs ont négativement impacté le commerce dans cette zone. Le choix, aujourd'hui, du tramway est aussi un moyen de relifting de l'espace urbain. Ses lignes qui passent en surface provoquent par la force des choses une restructuration de l'environnement qu'il traverse. En passant par le boulevard Mohammed V, le tramway sera aussi l'occasion pour le vieux centre de retrouver sa vitalité d'antan. C'est avéré. Toutes les villes qui ont connu cette expérience ont vu leurs centres revivre. Car le passage d'un moyen de transport en commun supplante automatiquement les autres moyens de transport privé nuisibles.
Cela veut dire aussi que le centre-ville doit attendre cette baguette magique pour pouvoir renaître ?
Pensez-vous qu'il est judicieux de commencer la mise à niveau du centre avant le lancement devenu imminent du tramway ? Des travaux ont été lancés dans d'autres avenues, mais celles par lesquelles le tramway passera doivent attendre...
L'hôtel Lincoln est un autre point noir qui a posé plus d'un questionnement. Pourquoi cette problématique a-t-elle pris toute cette envergure ?
Ce n'est pas nouveau. La situation déplorable de ce monument date au moins de 15 ans. La solution n'a pas été trouvée pour différentes raisons que chacun a analysées de son propre point de vue. Aujourd'hui, nous disposons d'une initiative pour sortir de l'impasse. La première chose à laquelle nous avons pensé est l'expropriation. Toutefois, il s'est avéré, selon une approche des conditions de cette opération et vu aussi la composition du conseil, qu'elle est plus difficile qu'on y a pensé. Pour faciliter les choses et accélérer le processus, nous avons recouru à une institution publique, à savoir l'Agence urbaine qui ne souffre pas des mêmes procédures lentes de vote. La décision a été rendue il y a trois ou quatre semaines et on a enfin trouvé une solution à ce problème d'expropriation. Maintenant, nous sommes devant un vrai dilemme puisque l'hôtel Lincoln a une forte symbolique pour la ville et le boulevard dans lequel il se trouve. D'un autre côté, cette bâtisse représente également un danger imminent pour les autres constructions qui l'entourent sans oublier les passants. En tant que partie prenante aux côtés de l'Agence urbaine, le conseil accorde désormais une importance particulière à la sécurité dans cette zone. L'autre priorité est de sauvegarder l'aspect architectural que l'hôtel charrie et en particulier sa façade. Je pense que la méthodologie qu'on a suivie est la bonne. Car si on a continué à chercher une solution en dehors de ce que permettait la loi, le problème aurait resté posé durant des années encore.
N'empêche qu'Anfa et Mâarif restent deux zones privilégiées par les plans et les interventions du conseil…
La philosophie même de l'unité de la ville nous oblige de ne pas réfléchir en termes d'arrondissement ou de quartier. En effet, on m'a dit, par exemple, comment se fait-il que l'on réalise une marina alors qu'à Sidi Othmane, on n'a pas grand-chose ? Je réponds qu'il n'y a pas de plage à Sidi Othmane et je ne peux pas déplacer la mer dans cette zone pour réaliser un projet pareil. Je tiens aussi à rappeler que les zones Anfa et Mâarif sont gérées par l'opposition au sein du conseil. Ce qui ne nous a pas empêchés de les traiter avec objectivité au même titre d'ailleurs que les autres projets de la ville.
Mais ces projets ne sont pas répartis équitablement, ce qui a poussé certains présidents et conseillers d'arrondissements de protester. Où réside donc la vraie problématique ?
Elle réside dans la définition des prérogatives des uns et des autres. Car la charte de 2002, qui a institué le principe d'unité de la ville, a mis principalement l'accent sur la répartition des tâches. Après amendement de cette charte, sa toute récente version est allée dans le même sens en insistant sur les prérogatives de proximité. Pour les espaces verts, par exemple, les superficies de moins d'un hectare sont du ressort de l'arrondissement, tandis que celles de plus d'un hectare sont de la responsabilité de la ville. Par ailleurs, les moyens dont disposent les arrondissements sont plus importants que ceux de la ville et je donne, pour exemple, celle de Maârif. Hélas, il y a des arrondissements qui n'ont pas de visions claires quant à leurs responsabilités. Sachant que les dotations étatiques à ces structures varient entre 5 et 7 millions DH, un arrondissement peut allouer 2 millions de DH pour la voirie, tandis qu'une autre comme celle de Mâarif n'y accorde que 100.000 DH. Aujourd'hui, nous ressentons le besoin de clarifier les choses concernant la charte pour ancrer les concepts et dépasser les limites de responsabilité à l'image d'une ville comme Marseille. Cette dernière a adopté le principe d'unité de la ville depuis 30 ans et continue toujours d'apporter des modifications aux textes. Au Maroc, nous avons encore besoin de temps et d'agir en profondeur sur les mentalités afin d'améliorer la gestion de nos villes.
Qu'en est-il de la gestion déléguée qui a fait l'objet de débats houleux et de critiques acerbes à l'égard du conseil ?
Il faut qu'on comprenne que la gestion déléguée n'est pas une fin en elle-même, mais un moyen de proposer un service meilleur. On a tous remarqué la différence en matière de collecte des déchets ménagers après l'avoir confiée à des sociétés privées. On a donné, avant cela, la distribution de l'eau et de l'électricité à la Lydec parce qu'à l'époque, la commune n'avait pas les moyens techniques pour gérer ce service. Dans le domaine du transport public, tout le monde a remarqué l'état de déchéance de la Régie en 2004 où le parc ne comptait que 40 unités malgré toute la bonne volonté des fonctionnaires. Je donnerais aussi, pour exemple, le plan d'infrastructures lié à l'assainissement liquide qui gère un réseau de 5.000 kilomètres. Ce service a connu beaucoup d'amélioration grâce à la gestion déléguée que nous n'aurions pas pu avoir si la ville ne disposait pas de moyens financiers importants. Comme vous le savez, le budget du conseil est de 2 milliards de DH et malgré le fait qu'il s'agit d'une enveloppe considérable, nous n'avons pas les coudées franches pour recruter les compétences. Vous devez aussi vous poser la question sur l'opportunité de créer des sociétés comme celle du transport urbain. Mais nous sommes obligés d'y recourir pour une meilleure réalisation des objectifs tracés dont la gestion du tramway.
En 2008, durant votre mandat, vous avez cédé un terrain qui fut une donation de la société Cofica à la ville de Casablanca en 1965. Et ce pour y aménager un espace vert. La même société l'a récupéré et l'a vendu à la somme de 103,9 millions de DH. Que s'est-il passé ?
Cette affaire date de 30 ans. A l'époque Casablanca ne disposait pas de plan d'aménagement. Le terrain a été ensuite utilisé pour la construction d'une zone résidentielle dédiée aux fonctionnaires de l'administration locale. Elle a été aménagée en lots de 1000 mètres. Récemment, il y a trois années, un héritier a constaté que le terrain n'a pas été utilisé pour l'objectif pour lequel il a été offert. Ce qui l'a poussé à ester en justice. Le tribunal a livré ensuite son verdict en faveur du retour du terrain à sa destination initiale sous l'égide de la conservation foncière. Notre problème aujourd'hui est effectivement de résoudre les affaires laissées en suspens et que nous avons héritées.
L'on parle récemment d'une affaire que vous avez contractée avec une société d'affichage pour 5 millions de DH et ce sans l'approbation du conseil…
La problématique de l'affichage a toujours été posée. Chaque commune donnait des agréments pour que l'on se retrouve en fin de compte dans une situation d'éparpillement et de complexité. Dans certains cas, c'est l'autorité locale qui donne les agréments. Ce qui fait que les intervenants dans ce domaine sont multiples. Sans oublier qu'il n'y avait pas d'appels d'offre. Quant au prix, il était fixé à 6000 DH par panneau et par an et c'est la commune qui payait la facture de l'électricité consommée qui lui coûtait 6 millions de DH alors que les ressources des locations de panneaux ne dépassaient pas les 5 millions de DH. Nous avons changé la donne et les ressources en 2008 sont passées à 90 millions de DH. A remarquer qu'il s'agit d'un budget très important comparé à l'excédent de la commune qui est de 100 millions de DH. Je vous confirme qu'il n'y pas eu de contrat à 5 millions de DH pour la simple raison que l'on ne concède pas une affaire mais on loue des panneaux selon le nombre demandé sur la base de négociations avec les sociétés soumissionnaires.
Pourquoi avez-vous mis le compte administratif en dernier lieu dans l'ordre du jour de la dernière session ?
Nous avons un ordre du jour et le fait de mettre le compte administratif comme dernier point ne veut pas dire que l'on attend le retrait de certains membres du conseil pour le faire passer. Nous demandons toujours à l'opposition de jouer pleinement son rôle. Le retrait a un aspect purement politicien que nous n'encourageons guère. Durant la dernière session, il y avait deux pôles de l'opposition à savoir l'USFP et l'Istiqlal et lorsque le débat a éclaté à propos du retrait un représentant de l'Istiqlal m'a clairement exprimé son refus de cette option. Il a ajouté que les conseillers istiqlaliens resteront jusqu'au bout et feront valoir leur opinion. A propos du PPS, un seul représentant a pris part aux travaux à savoir Abdelouahed Souheil et généralement seules quatre personnes représentaient l'opposition tandis que les médias ont parlé de retrait massif.
Six partis de gauche organisent une sorte de séance de jugement de la gestion de Casablanca sous votre mandat et envisagent de vous y inviter. Répondriez-vous présent ?
Si cela doit se passer dans un climat de dialogue serein et équilibré j'accepterai volontiers. Je rappelle dans ce cadre les jeudis de la gouvernance auxquels nous avons toujours convié des membres de l'opposition mais toujours sur la base d'un échange équitable sans parti pris.
L'on parle d'un changement au niveau de l'arrondissement où vous allez vous présenter. Le choix de Sidi Moumen à la place de Aïn Chok…
Je n'ai jamais parlé de ma candidature ni à Sidi Moumen ni à Aïn Chok. Nous sommes toujours en train de boucler notre mandat. Historiquement je me suis toujours présenté à Aïn Chok et il se pourrait que je rempile. Il est vrai que Sidi Moumen a eu plus de chances en matière de projets que d'autres arrondissements notamment à travers l'intervention de l'Etat et les orientations du Souverain. Mais aujourd'hui, nous ne pouvons tout simplement pas utiliser tous ces projets à des fins électoralistes.
Quelle évaluation pouvez-vous nous faire de la gestion de Casablanca durant les 6 dernières années ?
Nous avions espéré que l'unité de la ville allait ouvrir de nouveaux horizons, une nouvelle harmonie dans la vision et une amélioration de la gouvernance pour une meilleure mise en application des projets. Hélas six ans après, nous sommes loin du compte. Car l'aspect conjoncturelle et contre nature des alliances partisanes et personnelles combiné au surnombre du corps administratif (20.000 fonctionnaires communaux et 131 conseillers) ont porté préjudice à la gestion communale. On peut, également, citer à cet égard, l'exacerbation du phénomène de gaspillage et le poids des lobbies. S'y ajoutent des dysfonctionnements de tout genre qui se sont mal répercutés sur les comptes administratifs des six dernières années.
Quelles sont vos remarques sur la gestion financière du conseil de la ville sur la base d'une lecture du compte administratif ?
Si l'on fait une lecture de comptes administratifs des six dernières années, l'on remarque d'abord une baisse de l'excédent budgétaire à cause de l'accroissement des dépenses de fonctionnement. En 2003, ces dernières ont atteint 1,86 milliard de DH et 2,11 milliards de DH en 2008 et ce aux dépens des dépenses d'aménagement qui se sont rétractées de 0,3 milliard de DH en moyenne durant le précédent mandat à moins de 0,1 milliard de DH. Cette régression est un indicateur du déficit constaté au niveau de la réalisation d'infrastructures et grands projets d'aménagement. Nous remarquons aussi la hausse des budgets transférés d'une année à l'autre concernant l'aménagement. Ils ont atteint 0,94 milliard de DH en 2008 alors que le niveau de performance réelle est situé à seulement 0,28 milliard de DH. Il en résulte une accumulation de la liquidité sans qu'elle soit utilisée en temps opportun. Ce qui explique, in fine, le retard en matière d'exécution des projets programmés. L'autre point négatif a trait à la défaillance concernant la collecte des ressources dont le déficit est estimé à 0,155 milliard de DH. Sans oublier la faiblesse des taxes locales liées aux services et propriétés de la commune. Elles ne dépassent guère 70 millions de DH alors que l'assiette foncière est estimée à 1000 hectares dont 11% sont des terrains vagues. L'on constate, par ailleurs, l'absence d'une vision de long terme et de la planification comme outils de développement. Nous constatons, également, la faiblesse du contrôle et du suivi que ce soit de la part de la tutelle, des partis politiques ou du citoyen. Sans perdre de vue le non recours aux sanctions dans la plupart des cas de mauvaise gestion. Enfin, le train de vie de la commune reste excessif. Les dépenses de l'eau, de l'électricité et du téléphone totalisent 160 millions de DH, le carburant coûte 5 millions de DH à la ville et 15 millions de DH aux différents arrondissements. Quant aux dépenses des fêtes et réceptions, elles sont estimées à 3 millions de DH, l'entretien des espaces verts a nécessité la bagatelle de 300 millions de DH, tandis que les aides financières et en nature ont totalisé 800 millions de DH. Ces aides sont utilisées dans leur majorité à des fins électoralistes sous le couvert du social.
Que peut-on déduire de ce tableau peu reluisant ?
A la lumière du diagnostic des différents manquements en matière de gestion, nous pouvons dresser un tableau des défis de la ville. D'autant plus qu'il y a une forte volonté Royale de doter Casablanca de projets stratégiques et bien ficelés. Je donnerai pour exemple, le projet Anfa-Aéroport, la ville d'Annassim, le complexe sportif de Sidi Moumen sans oublier les projets de l'INDH et les programmes sectoriels relevant du gouvernement. Il faut donc donner une importance particulière à ces projets dans le cadre d'une vision globale de développement. Le conseil de la ville est appelé à accompagner ces réalisations et à respecter les grands équilibres notamment en matière d'action de proximité.
* Membre du Conseil de la ville de Casablanca et du bureau politique de l'USFP