Spécial Marche verte

Apprendre à avoir peur

«Moi je le sais bien que les monstres n'existent pas, mais, eux, ne le savent pas ! ».

07 Mai 2009 À 15:49

Les petits enfants ont souvent peur des monstres, des loups, des voleurs, des chiens ou encore du tonnerre. Des peurs irrationnelles pour les adultes mais qu'il ne faut pourtant pas prendre à la légère. La peur est une réaction physiologique. Pour simplifier, nous dirons que, face à une situation interprétée comme dangereuse, de l'adrénaline est libérée dans le sang. C' est une hormone qui induit un ensemble de réactions de défense. Le rythme cardiaque s'accélère, la respiration se fait plus rapide, les muscles se contractent pour préparer la fuite ou le combat. L'individu transpire pour abaisser la température de son corps. Toutes ces réactions sont instinctives et partagées tant par l'adulte que par l'enfant. L'adulte dispose toutefois d'un système de régulation de la peur que l'enfant en croissance n'a pas encore complètement développé : le cortex préfrontal. Lorsque le corps a été mis en alerte, prêt à réagir vite, les amygdales avertissent la zone du cortex préfrontal. Ce dernier est notamment le lieu de la réaction immédiate et consciente de l'individu au danger perçu. La personne peut choisir de partir en courant, d'appeler à l'aide ou au contraire de se contenir.

Ce cortex offre à l'individu la possibilité de mesurer réellement le danger et de contrôler ensuite sa réaction physiologique s'il la juge excessive. Par exemple personne, pas plus les enfants que les adultes, ne se sent vraiment en sécurité dans le noir. Pourtant l'adulte se contrôle, grâce au cortex préfrontal, en se rappelant qu'il est chez lui, seul, et qu'il va bientôt trouver l'interrupteur car il connaît les lieux. L'enfant n'a pas, lui, l'expérience nécessaire pour effectuer ce raisonnement et la peur prend le dessus sur d'autres réactions : il appelle sa mère à la rescousse. Même si la peur est excessive et jugée infondée par les parents, ils ne doivent pas la balayer d'un revers de main. Cette réaction émotionnelle est importante pour l'enfant. Elle fait l'objet d'un véritable apprentissage, car la peur est utile. Comme la douleur, la peur alerte d'un danger. L'enfant doit apprendre à mesurer le danger lorsqu'il ressent une peur instinctive : le bruit d'un énorme camion, la vitesse d'une voiture, un chien qui montre les crocs. Le camion est-il proche de lui ? Qui conduit la voiture ? Quelles sont les limitations de vitesses ? Le chien est-il attaché ? Est-il seul ou a-t-il un maître ?

En sens contraire, les parents doivent faire prendre conscience du danger aux enfants les plus téméraires. Il ne faut jamais traverser la route en courant sans regarder si des voitures arrivent, même lorsque l'on court après un ballon qui s'échappe. Il ne faut pas faire confiance au premier venu. Il ne faut pas caresser les chiens lorsqu'ils sont seuls et sans laisse… La prise de conscience des dangers réels et la régulation des peurs de l'enfant représentent un travail de longue haleine. Les parents, même très attentionnés, ne savent pas toujours comment réagir face à des peurs qu'ils ne partagent pas. Puisqu'il est de notoriété publique que les enfants ont peur du noir et des monstres, il est tentant alors de les banaliser, voire de se moquer d'eux pour les obliger à se contrôler par orgueil. Il est plus judicieux en réalité de rassurer l'enfant, de parler avec lui de ce dont il a peur. Ses parents peuvent essayer de lui expliquer pourquoi la crainte qu'il a n'est pas réellement fondée. Pour les peurs rationnelles comme celles induites par les phénomènes météorologiques violents, il est possible, lorsque l'enfant grandit, de lui expliquer le mécanisme qui les produit. Lorsque les peurs sont irrationnelles comme celle des monstres dans le noir, les parents peuvent prendre le temps d'expliquer «c'est ton esprit qui créent les monstres, ils n'existent pas vraiment…».

Pour cette raison l'utilisation de la fameuse poudre anti-monstres n'est pas toujours une bonne idée. Les mamans inventent ces poudres pour faire imaginer à leur petit bout de chou que les monstres de son imagination ont disparu. En réalité cette invention- aussi poétique soit elle- peut renforcer les craintes de l'enfant car il croira que les monstres de ses cauchemars existent vraiment puisqu'il faut une poudre pour les faire disparaître. Il est aussi possible de raconter des histoires encourageantes ou les petits enfants sont bons et parviennent à terrasser les monstres et les autres objets de leurs peurs. En aucun cas, le parent ne doit se placer au même niveau que l'enfant. S'il veut pouvoir le rassurer, il ne doit pas s'associer aux craintes de l'enfant, ne doit pas montrer son inquiétude. Lorsque le père ou la mère se trouvent face à des dangers réels ou fantasmés (comme la peur disproportionnés que l'on ressent pour certains insectes), il doit savoir se contrôler, rester maître de lui-même. Une attitude contraire ne ferait qu'inquiéter l'enfant. Au contraire, les parents peuvent rappeler à l'enfant toutes les peurs auxquelles il a su faire face, tout particulièrement celles qu'ils connaissaient étant tout petit et qu'il voit aujourd'hui comme parfaitement ridicules. Les parents doivent empêcher leur enfant de fuir et d'éviter systématiquement ce qui lui fait peur.

Lorsque c'est le cas il faut parler au petit enfant, le rassurer et tenter de le faire approcher de l'objet en question doucement et progressivement. Il est contre productif, en sens contraire, de vouloir le forcer à faire des choses qui le terrifient. Dans l'évitement comme dans la confrontation brutale, la peur de l'enfant augmente. Il est ainsi des peurs qui dépassent le cadre dit ‘normal' et qui deviennent pathologiques. On parle alors de phobies : de l'eau, des chiens, des médecins, de l'école… Ces peurs hypertrophiées deviennent handicapantes dans le cours de la vie quotidienne de l'enfant. Il faut ainsi véritablement s'inquiéter quand cette peur l'empêche de mener une vie normale. Dans ce cas, les parents doivent penser à l'emmener chez un psychiatre qui saura démêler les fils de son inconscient et lui faire retrouver la paix.
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Toutes les peurs de la nuit

La nuit, l'enfant se retrouve seul dans le noir et ne voit plus rien. Un moment propice pour avoir peur. Il perd ses repères et ne voit plus ses parents. Pour épargner à l'enfant ces moments difficiles, il existe plusieurs astuces. Les parents peuvent donner au petit dormeur le contrôle sur la lumière en installant une lampe de chevet près de son lit ou une veilleuse.
En entrouvrant la porte du couloir, on établit un lien fictif entre l'enfant et ses parents. Pour aider l'enfant à trouver facilement le sommeil, le rituel du coucher est très important. Il doit être un moment calme, rassurant. Mais, il existe d'autres peurs tapies dans la nuit. Parmi elles : les cauchemars. Se voir sombrer dans un précipice ou dévorer tout cru par un infâme dragon est suffisamment traumatisant pour réveiller un petit enfant. Les cauchemars surviennent en général en fin de nuit, au moment du sommeil paradoxal propice aux rêves. Pour dédramatiser le cauchemar il est possible, le lendemain de le faire raconter par l'enfant. Il peut même le dessiner où lui imaginer une fin plus heureuse. Reste les terreurs nocturnes.

Contrairement aux cauchemars, l'enfant ne se réveille pas : il crie, pleure, transpire, tremble et peut même ouvrir les yeux. Le lendemain matin, il ne se souvient pourtant de rien. Ces terreurs surviennent fréquemment dans la première moitié de la nuit, lors d'un passage manqué entre le sommeil profond, réparateur et le sommeil paradoxal. Il ne faut surtout pas tenter de réveiller l'enfant, qui se recouche et se rendort d'ailleurs presque immédiatement. Ces terreurs sont fréquemment dues à un manque de sommeil et disparaissent lorsque les parents couchent leur enfant plus tôt. Toutefois si les terreurs nocturnes persistent, il est nécessaire d'aller voir un médecin.

*Journaliste stagiaire
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