Spécial Marche verte

Les bazars de l'ancienne médina à Rabat rattrapés par la crise

A l'heure où la crise économique fait des dégâts considérables et ravage de multiples secteurs de l'économie mondiale, le tourisme, secteur vital pour l'artisanat marocain, n'a pas été épargné.

06 Août 2009 À 14:56

Ce dernier semble être dans une situation encore moins confortable qu'il ne l'a été auparavant. Parfaitement conscient de ce fait, les artisans ne semblent pas voir clair dans cette situation. Pour s'en convaincre, il suffit de faire une virée à «Souk Tahti» de Rabat. Dans cet endroit chargé d'histoire, les boutiques qui proposant divers produits artisanaux, sont boudées par les clients presque toute la journée. On y rencontre de temps à autre une poignée de touristes, beaucoup plus intéressée par la prise de photos souvenirs que par l'achat d'un quelconque article ou bibelot. Du fait de sa proximité de la plage de Rabat, les ruelles du « Souk Tahti » ne servent que de passage aux estivants assoiffés de fraîcheur sous cette chaleur brûlante. M. Chakrouni, artisan maroquinier expérimenté, affirme que la crise mondiale n'a pas été sans conséquences sur les dépenses des touristes. Et de se hasarder : «avant la crise, un touriste venait au Maroc avec 50.000 DH par exemple. Maintenant avec la crise il ne peut plus dépassé les 10.000 DH ».

«Ce n'est pas par manque d'intérêt pour l'artisanat, poursuit M.Chakrouni, mais c'est surtout à défaut d'argent». Les tapissiers, les maroquiniers, les ébénistes … personne n'échappe à cette léthargie ambiante. L'image de ce vendeur assoupi à l'extérieur de sa petite boutique de tapis, ou de son voisin occupé à feuilleter un journal, illustre on ne peut mieux cette situation. « Sous cette chaleur, il n'a pas mieux à faire, déclare le voisin, que de s'offrir un petit somme». A quelques encablures de "Souk Tahti", dans «l'Ensemble de l'Artisanat», une sorte de complexe regroupant de nombreux artisans, la responsable d'un magasin de maroquinerie, n'est pas non plus au meilleur de ses jours et semble très insatisfaite de l'afflux des visiteurs. «Les touristes n'achètent plus comme avant et la crise économique n'arrange pas les choses. On peut rester toute une journée sans rien vendre…», confie-t-elle. Et les Marocains, eux, ne s'intéressent-ils pas à l'artisanat ? L'éclat de rire de la vendeuse était suffisamment éloquent, pour nous faire comprendre que la situation est assez compliquée, mais elle a précisé tout de même : «les Marocains sont là toute l'année et c'est rare qu'ils achètent quelque chose et c'est pas maintenant que ça va changer!».

Et pourtant, les artisans proposent des produits variés et d'une bonne qualité. De la maroquinerie à la poterie en passant pas la dinanderie… il y en a pour tous les goûts. La tapisserie n'est pas en reste, non plus. Des tapis très différents proviennent des différentes régions du Royaume. On trouve des motifs berbères, des tapis "rbatis" travaillés avec des matières premières préparées artisanalement. La majorité des produits proposés sont faits à la main. Toutefois, les produits industriels s'invitent volontiers sur les étagères des magasins. Devenus une monnaie courante, ces produits concurrencent même les produits authentiques. «On présente des produits artisanaux, mais ça n'empêche pas qu'on propose aussi des tapis et des sacs qui ne sont pas faits manuellement. C'est normal maintenant», précise un artisan. Toutefois, les produits d'artisanat authentiques coûtent plus cher.

Quoi de plus normal puisqu'ils reflètent un certain savoir-faire ancestral. Il n'est pas étonnant donc qu'ils soient proposés aux côtés de tableaux de peinture dans une sorte de « boutiques-galeries». Des toiles représentant des scènes de la vie quotidienne des Marocains, des femmes marocaines dans leur habit traditionnel ou encore des paysages naturels des différentes régions du Royaume magnifiquement mis en valeur par des couleurs aussi gaies et vivantes que ces vues immortalisées dans ces tableaux .
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Antiquaires

Les artisans peuvent être de véritables antiquaires. En visitant leurs commerces étroits, on peut facilement tomber sur des articles qui datent de plusieurs décennies. Ils regorgent d'anciennes cartes postales qui datent de la Marche Verte, des tapis, des tableaux, de luminaires de cuivre, des chandeliers… tout ceci confondu avec les produits de l'artisanat. Mais, à côté de cela, on trouve aussi des bazars exclusivement consacrés à des articles ayant, plus ou moins, une valeur historique. Des objets intéressants, entassés dans un désordre total, sans aucun soin d'organisation ou de présentation, sont laissés en proie à la poussière, à la rouille et à l'humidité. Cette situation dénote du manque d'intérêt pour ces objets de la part aussi bien des vendeurs que des clients.

Journaliste stagiaire*
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