L'humain au centre de l'action future

Une saison en fleurs pour la chanson marocaine

Qui a dit que la chanson marocaine classique a fait son temps et qu'elle n'a plus la cote auprès de la jeunesse actuelle ? A voir l'engouement du public de Benguérir pour cette chanson durant le festival Awtar Printemps culturel du Haouz, on ne parlerait pas de crise et encore moins de déclin.

29 Mars 2009 À 10:40

Devant un programme varié comprenant des spectacles de troupes étrangères de renom interprétant différentes couleurs artistiques allant de la musique classique à celle populaire, le public a manifesté une boulimie due non seulement au manque d'animation dans la région, mais également à la qualité des activités proposées. « Au moment où nous préparions le menu de cette manifestation, nous avions la possibilité de programmer des troupes locales et d'offrir au public de Rhamna la musique qu'il connaît et qui le fait danser. Mais ce n'était pas cela notre objectif. Nous ne cherchons pas la facilité », assure Mohamed Ennaji, directeur du festival. « Notre but est de faire découvrir aux habitants de la région une musique de qualité avec en toile de fond la chanson marocaine qui sera au centre de cet événement. Certes nous avons fait un choix difficile, mais c'était justement cela notre défi », ajoute-t-il. Un choix difficile non seulement pour les organisateurs, mais également pour la population qui n'a pas adhéré du premier coup à cet élan. Ce public trop habitué à une musique populaire qui l'emporte dan son sillage et qui le fait vibrer n'a pas su quoi faire de son corps en écoutant un concerto pour violon n°2 en mi mineur op. 64 programmé pour la première journée du festival.

Perdu dans des sonorités qu'il ne connaît pas, ce même public n'a pas pu goûter au génie des virtuoses qui interprétaient des airs aussi célèbres que sa « Aïta » nationale. Passé ce premier contact un peu difficile de ce concert hautement classique, les spectateurs se sont faits plus récepteurs à la musique à laquelle leurs tympans sont habitués. Malgré les quelques problèmes de sonorisation qui ont réduit le plaisir du public de savourer pleinement ce délicieux cocktail de chansons marocaines, l'accueil a été à la hauteur du talent des jeunes qui ont fait revivre de leurs voix des tubes à succès qui datent du début du siècle dernier, mais dont le rayonnement continue encore aujourd'hui.Toujours aussi convaincu du choix artistique de cette première édition, le directeur artistique du festival, Mohamed Ameskane, soutient, mordicus, que ce festival n'a pas envie de faire comme tous les autres. « Cela ne sert à rien de programmer la même chose que les autres événements culturels. Pour nous distinguer, il fallait trouver des idées originales et sortir des sentiers battus ». Lesquelles idées originales ont été considérées par certains détracteurs comme une aberration et un ratage flagrant. Car offrir de la musique classique aux habitants de Bénguérir relevait de la démence pour eux.

Mais le deuxième jour a donné raison aux initiateurs de ce projet ambitieux. Les rythmes de la troupe hongroise «Csillagszemu» Etoiles du ciel qui s'est produite pour la première fois dans un pays arabe n'a pas laissé le public indifférent. Les figures du patrimoine hongrois exécutées par des jeunes et moins jeunes garçons et filles de la troupe ont ébloui l'assistance. Le public, plus discipliné, finit par embrasser l'esprit du festival au bout du deuxième jour. Pour les organisateurs, le pari était gagné. Après cette entrée en matière internationalement délicieuse, le public a croqué à pleines dents le spectacle suivant du «Sirba Octet» baptisé «Du shtetl à New York» et qui retrace l'odyssée de milliers d'hommes et de femmes à travers la musique. Une histoire racontée de manière espiègle et enjouée à travers des berceuses aux standards de jazz, du théâtre yiddish à l'âge d'or de la comédie musicale américaine… En revanche, le meilleur était laissé pour la fin lors de cette soirée que le public de Benguérir n'est pas prêt d'oublier. Place était faite à la musique marocaine que les jeunes talents ont interprétée avec brio. Mais avant, le jeune « grand » maître de cérémonie Ahmed Cherkani a interprété une belle composition intitulée « Allah Salam ».

Musicien soliste, chef d'orchestre, arrangeur de talent et professeur d'éducation musicale, ce virtuose a voyagé à travers le monde et a accompagné les grandes stars arabes telles Saber Roubai, Sabah, Ali Haggar, Bellouchi Sabah Fakhri.
Se sont ensuite succédés sur scène, Bader, Hajar Adnane, Mohamed Réda et Abdeaziz Bouhdada. Mais le clou de ce spectacle époustouflant était la montée sur scène de la grande dame de la chanson marocaine, Naïna Samih, qui a accompagné la talentueuse Hajar Adnane dans sa chanson « Yakajerhi ». Un grand moment d'émotion qui lui valu un standing ovation de la part d'un public ému par cette belle apparition. Faisant preuve de la générosité, que l'on lui connait, la grande diva marocaine a franchi les planches, jean et tunique en velours brodée, pour encourager la jeune chanteuse. Preuve a été donnée que la relève est bel et bien assurée par nos jeunes talents.
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Miloud, le retour aux sources

Pour sa première édition Awtar, Printemps culturel du Haouz a choisi de rendre hommage à un grand artiste, Miloud Labied qui nous a quitté le 8 octobre 2008. Né en 1939 à douar Ould Youssef dans la région de Kelâa des Sraghna, sa famille s'installe à Salé au début des années quarante. Adolescent, il travaillait comme jardinier tout en poursuivant des cours pour analphabètes. La rencontre avec Jacqueline Brodskis, l'artiste qui encadrait l'atelier de peinture du service de la jeunesse et des sports, a été décisive dans sa carrière. « Influencé par Lalla Radia, une mère qui peint, il décide de devenir artiste et ne tarde pas à participer à sa première exposition collective. C'était en 1958 à la galerie des Oudayas. Figuratif au départ, dés les années soixante, il opte pour une abstraction tantôt lyrique tantôt géométrique. Son œuvre, dominée par la touche circulaire et des fragments, à peine visibles du corps humain, reste hantée par les souvenirs d'enfance. Inclassable et fidèle en amitié et aux origines fondateurs, deux projets lui tenaient à cœur : une exposition en hommage à Jacqueline Brodskis dans l'enceinte de sa fondation et la réalisation d'une monographie des œuvres de sa mère », témoigne Mohamed Ameskane, directeur artistique du festival.
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