Les pensionnaires de l'Association Islamique de Bienfaisance Sidi Bernoussi ont observé le mardi 1er septembre un sit-in à l'heure du « ftour » pour protester contre les conditions précaires dans lesquelles ils vivent. Afin d'attirer l'attention de la direction, les pensionnaires âgés de plus de 15 ans ont fait une grève de faim le temps d'une journée. Assis devant des maigres plateaux remplis de quelques dattes, un bol de «harira» et un morceau de pain, les grévistes ont appelé la direction a trouvé une solution à leurs problèmes et surtout à «leur accorder plus d'attention».
LE MATIN
06 Septembre 2009
À 14:01
«Normalement, nous devons être l'unique préoccupation des responsables. Toutefois, ces derniers nous ignorent et ne pensent qu'à leurs intérêts », déplore un résident à l'orphelinat Sidi Bernoussi. «La seule personne qui nous écoute est le directeur actuel, mais le conseil d'administration a décidé de s'en passer de ses services. C'est à croire qu'on veut nous emprisonner ici sans aucune aide ou soutien moral», maugrée un autre jeune dudit établissement.
Ce point est la goutte qui a fait déborder le vase de l'orphelinat, les pensionnaires ne sont plus sûrs de vouloir confier le leadership à l'actuel président de l'association, Saïd Sekkat. Pour eux, «ce responsable les privent de leurs droits fondamentaux et gèrent l'orphelinat selon ses propres intérêts». «C'est tout à fait inexact», répond Saïd Sekkat. «L'Association et le comité de gestion ont estimé que les résultats escomptés par rapport aux objectifs assignés au directeur n'ont pas été au rendez-vous, notamment par rapport aux prises de sanctions nécessaires vis-à-vis des employés et des pensionnaires et cela explique en partie la situation actuelle. Il était donc de notre devoir de rectifier le tir et trouver un directeur plus adapté à la gestion d'un centre social », indique-t-il. A ce propos, les pensionnaires déplorent justement la mauvaise gestion de l'administration.
«Les étudiants souffrent du manque d'encadrants alors que 5 personnes sont affectées à la crèche. C'est pour cela que nous avons le plus grand taux de déperdition scolaire et de délinquance. Notre alimentation est aussi loin d'être équilibrée parce que la direction enferme tous les dons alimentaires y compris l'eau. Les dons d'habits restent aussi dans les stocks alors que nous en avons grand besoin», nous confie un pensionnaire de l'Association Islamique de Bienfaisance Sidi Bernoussi. «Quand nous déplorons cette situation, le président de l'Association nous ignorent ou bien nous menace par ces connaissances et relations. Pis, il a donné toutes les prérogatives au directeur pédagogique qui nous ignore et nous réprime même», ajoute-t-il en précisant que certains responsables de l'association ne pensent qu'à entamer des chantiers interminables sans réparer quoique ce soit en réalité. Contacté à ce sujet, le responsable du centre social, S. Sekkat a nié toute mauvaise foi derrière sa stratégie de gestion : «Il est bien naturel que les dons alimentaires soient stockés dans des locaux fermés pour ne pas être «pillés». Par contre, il est faux de dire les pensionnaires manquent de nourriture.
Nous travaillons régulièrement sur les menus et les quantités, mais nous avons du mal à diversifier les plats, ce qui provoque une certaine lassitude chez certains». Pour ce qui est du grand intérêt pour la crèche ou plutôt «l'endroit le plus protégé de l'établissement», selon Sekkat, la direction du centre est très stricte : «Ces enfants, de 5 à 6 ans qui viennent de l'orphelinat Lalla Hasna, ont besoin d'un ratio «éducateur par enfant» plus important que les plus grands. Sans défenses, ils sont particulièrement protégés des violences et abus sexuels que pourraient commettre sur eux des pensionnaires plus âgés. De plus, les bienfaiteurs ont tendance à donner plus facilement aux petits. Cela provoque une certaine jalousie chez «les grands» qui trouvent qu'on privilégie les plus petits, ce qui est vrai et naturel». Dans ce contexte, il est à noter que le centre a pris la décision de ne plus accepter l'entrée de nouveaux pensionnaires, y compris de Lalla Hasna, tant qu'il sera dans l'impasse avec les pensionnaires adultes.
«Concernant les dépenses, notre comptabilité est contrôlée par un cabinet d'audit et pour la première fois, nos comptes sont certifiés
après beaucoup d'efforts de mise-à-niveau comptable», explique S. Sekkat pour justifier les interminables chantiers parfois douteux pour les pensionnaires. Certes, ce dernier ne nie pas les «difficultés très importantes» dans un tel centre social, cependant, il blâme une vingtaine de pensionnaires qui n'ont pas réussi leur intégration dans la société. «Ces pensionnaires se satisfont de leur statut « d'assistés» et refusent toutes nos propositions. Six d'entre eux sont des délinquants notoires. Nous n'avons aucun moyen de pression sur eux et l'autorité ne veut pas se mêler de çà. Cette minorité de pensionnaires s'est lancée dans un processus d'auto-destruction pour attirer l'attention et le calendrier n'est pas innocent avec la visite à Casablanca de Sa Majesté : les pensionnaires veulent ainsi profiter de cet instant pour que les autorités s'intéressent à eux et leur promettent ce qui a été promis aux pensionnaires de Aïn Chok», affirme le président du comité de gestion.
De leur part, cesdits pensionnaires considèrent que le comportement de l'administration enracine leur sentiment de marginalisation. La misère, disent-ils, c'est quand on essaie de survivre sans soutien.
Et aussi, quand on vit dans des conditions précaires et qu'on n'a pas d'argent pour manger ou pour aller à l'école. Ce tableau triste et pessimiste décrit la situation déplorable de la majorité des pensionnaires qui ont du mal à trouver leur place dans la société.
Pour les jeunes garçons qui vivent dans cet établissement, il s'agit surtout de lutter contre le quotidien avant de songer à un avenir meilleur. Certains avancent même que leur gîte est dans un état dégradable avec des odeurs nauséabondes qui s'échappent des toilettes et des ordures amoncelées partout. La plupart d'entre eux réclament l'amélioration de leur situation. Y a-t-il quelqu'un pour s'en préoccuper?
«Certaines parties de l'établissement sont effectivement aujourd'hui dans un état déplorable»
Interview • Said Sekkat Président de l'Association Islamique de Bienfaisance Sidi Bernoussi
Les pensionnaires de l'Association de bienfaisance de Sidi Bernoussi ont observé un sit-in mardi dernier. Ils disent que vous refusez tout dialogue avec eux sous prétexte que vous avez des relations avec des responsables hauts placés de la ville. Est-ce vrai ?
Tout d'abord, je voudrais rappeler que l'Association de bienfaisance de Sidi Bernoussi ne communique que très rarement car nous estimons que toute action sociale doit rester discrète. Comme le sujet est particulièrement sensible et que l'été s'est passé dans de très mauvaises conditions à l'établissement, nous pensons qu'il est aujourd'hui nécessaire de faire une mise au point suite au communiqué émis par certains de nos pensionnaires. Je rappelle également que l'orphelinat a été le 1er à être accrédité le 30 janvier 2009 par le ministère du Développement social conformément à la loi 14-05 en tant que «Dar Al Atfal Sidi Bernoussi». Ce qui montre l'avancée des travaux de la mise à niveau entrepris pas l'association et le comité de gestion. Quelques chiffres tout d'abord pour bien comprendre de quoi il s'agit : l'orphelinat comprend aujourd'hui 285 pensionnaires de 6 à 30 ans et dont 111 ont plus de 18 ans. Autre caractéristique, c'est une population très majoritairement constituée d'enfants «privés de famille» (ou abandonnés). Cela montre déjà une contradiction par rapport aux textes qui prévoient que notre établissement ne doit pas accueillir d'enfants de plus de 18 ans. L'association, dont un nouveau bureau a été élu en juin 2008, a dès le début pris contact avec les principaux responsables que sont le gouverneur de Sidi Bernoussi, le ministre du Développement social et le directeur de l'Entraide nationale (administration de tutelle). Les bonnes relations avec toutes ces administrations ne sauraient en aucun cas empêcher le travail de proximité avec les pensionnaires et nous avons des réunions régulières avec eux ne serait-ce que dans le cadre de l'insertion professionnelle qui est l'un des 3 objectifs majeurs de l'association. Dire que nous avons refusé le dialogue est totalement faux. Une demande n'a été formulée qu'en début de semaine et j'ai immédiatement donné mon accord au directeur qui devait fixer la date et l'heure en fin de semaine.
Est-ce que les pensionnaires de l'orphelinat vivent réellement des conditions précaires tel le manque d'une alimentation équilibrée, de vêtements, d'encadrement scolaire et psychologique ? Pourquoi ?
Certaines parties de l'établissement sont effectivement aujourd'hui dans un état déplorable. Cela est dû au fait que pendant l'été, les pensionnaires adultes ont saccagé et vandalisé un certain nombre de salles qui avaient été aménagées par des bienfaiteurs telles que le centre informatique, la salle d'expression corporelle, la ludothèque, le réfectoire, des bureaux de responsables administratifs, etc… Des vitres sont brisées et des matelas brulés. Des plaintes sont régulièrement déposées auprès de la police sans qu'aucune suite ne soit donnée à ce jour. Alors forcément, le phénomène s'amplifie car l'association ‘'ne peut pas faire la police'' et les pensionnaires continuent à dégrader l'établissement en toute impunité. Pourtant, nous avons consacré, ne serait-ce que depuis le début de l'année, près d'un million DH aux travaux financés par l'association. Quand aux résultats scolaires, il serait trop long de relater ici tout ce qui a été entrepris mais force est de constater qu'ils ne sont pas au rendez-vous. Au niveau de l'encadrement psychologique, un travail énorme a été fait par des bénévoles et des professionnels rémunérés. Concernant l'alimentation, et c'est une revendication récurrente, nous allons faire des efforts supplémentaires pour améliorer les repas, mais reste posé le problème de la distribution qui reste très difficile dans le climat de tension actuel…
Est-ce vrai qu'un jeune garçon a été violé en colonie de vacances? Et quelles sont les mesures que vous avez prises à ce sujet ?
C'est une question très sensible. Quand un enfant se plaint de violences ou d'abus sexuel, il est important de savoir la vérité car les conséquences sont très graves. Notre procédure prévoit que l'enfant doit d'abord être ausculté par un médecin qui délivre un certificat médical éventuellement. Il est ensuite consulté par l'assistante sociale et le directeur, l'éducateur et le responsable pédagogique décident de la suite à donner. En général, quand on estime que c'est vraisemblable, on porte plainte et la personne incriminée peut aller en prison. En ce qui concerne le cas que vous évoquez et qui est tout récent, l'examen médical n'a pas pu donner de résultats car il a eu lieu bien après les faits, au retour des colonies. L'enfant est assez incohérent dans ses propos, les témoignages contradictoires et le doute subsiste sur ce que l'enfant a vécu.