Fête du Trône 2006

S.M. Mohammed VI, exigence arabe et idéal maghrébin

Sa Majesté le Roi Mohammed VI a adressé un message aux participants au Sommet économique arabe de Koweït, dont lecture a été faite par le Premier ministre Abbas El Fassi.

20 Janvier 2009 À 19:39

Si le Souverain a pris la décision solennelle de ne pas participer personnellement au Sommet arabe de Koweït, il a tenu à exprimer son sentiment – qui est celui du Royaume du Maroc – sur les événements que le monde arabe traverse aujourd'hui. Ils sont à la fois graves et portent à conséquence pour ne pas susciter, comme de nature, la réaction justifiée et l'analyse idoine de S.M. le Roi. De ce fait, le messe s'inscrit, certes, dans l'esprit de la conjoncture, mais traverse également l'époque en profondeur. Il s'attache également à l'étude des problématiques structurelles auxquelles sont confrontées les sociétés du monde arabe actuelles. De prime abord, le Souverain estime que « la conjoncture arabe où se tient le présent Sommet, qui devait initialement être consacré aux questions de développement, est si délicate que nous nous devons de nous pencher sur les questions politiques pressantes qui interpellent notre nation, notamment au premier chef, la cause cruciale du peuple palestinien ».

Le constat s'impose de lui-même, et le problème posé avec pertinence et clairvoyance par S.M. le Roi. Alors que le Sommet, programmé il y a quelques semaines pour ne pas dire quelques mois, qu'il avait pour objectif l'examen des économies arabes à la lumière de la crise économique internationale qui s'est transformée en crise sociale, le voilà happé par la tragédie de la Palestine, interpellé par une urgence autrement plus périlleuse que constitue l'agression israélienne au cœur même de la nation arabe ! Comment y répondre, comment surtout relever le défi de la barbarie israélienne, si les responsables et les peuples arabes ne se soumettent à l'exercice de vérité, celui de surmonter leurs inacceptables divisions, pour ensuite faire front commun face à la puissance de feu israélienne ? C'est à juste titre, avec une sincérité à toute épreuve, que le Souverain estime que « dans une conjoncture aussi délicate, les formalismes de bon aloi et les professions de foi ne sont plus de mise ». Jamais constat n'a pu être fait aussi crûment, et ne s'est autant écarté de la langue de bois qui est aux relations interarabes ce que l'inertie est à leur engagement. Autrement dit, une menace qui plane sur leurs politiques.

C'est la raison pour laquelle, désarmés quasiment devant l'arrogance militaire israélienne, les Arabes doivent surmonter leurs divergences-une fois n'est pas coutume-et répondre d'une même voix, ne serait-ce que pour donner un autre espoir au peuple palestinien. «Il est de notre devoir en tant qu'Arabes, affirme le Souverain, d'ajuster nos initiatives, de manière à servir l'unité du peuple palestinien en l'aidant à transcender ses dissensions, loin des tiraillements dont il pourrait faire l'objet, quelles qu'en soient la source et les finalités et à consolider ses institutions nationales légitimes». En appelant ensuite à la cohésion de l'ensemble des pays arabes, à la mise à niveau des politiques économiques et sociales du monde arabe, notamment à la promotion des ressources humaines dont ce dernier regorge, S.M. le Roi a postulé la nécessité d'une réforme en profondeur des systèmes respectifs, sans laquelle – mondialisation exige-nos économies ne seraient que marginales. «Nos pays ne peuvent prétendre, souligne-t-il, au développement sans réformer et moderniser les systèmes d'enseignement et de formation et sans libérer l'Homme arabe du carcan de l'ignorance et de l'analphabétisme. Il faut en effet l'affranchir des démons de l'ostracisme, du fanatisme et le libérer de la mentalité d'assisté».

Pour avoir pris à témoin la réalisation du projet d'union des pays du Golfe, le Souverain s'est appliqué ensuite à l'analyse de la situation du Maghreb, ne cédant à aucune amertume, mais déplorant simplement sa régression. «Nous ne pouvons, affirme S.M. Mohammed VI, que regretter les piétinements que connaît l'Union du Maghreb, du fait d'entraves artificielles, y compris la persistance de la fermeture absurde, par une seule partie, des frontières entre deux pays voisins ». Le propos ne souffre aucune équivoque et Sa Majesté le Roi Mohammed VI, pour peu que l'on prête attention au signifiant des énoncés, se fait un point d'honneur de mettre en garde contre les velléités et les sarcasmes du gouvernement algérien qui ne cesse de fourvoyer l'opinion maghrébine par sa duplicité et son ambivalence. Est-il en effet possible de construire un ensemble géoéconomique maghrébin sans soumettre celui-ci aux calculs politiciens sordides ? Les destins des peuples respectifs, marocain, algérien, mauritanien, tunisiens et libyen devraient-ils continuer à subir les caprices maléfiques de gouvernants algériens en mal de puissance et hantés par le spectre de la grandeur ? Comment peut-on édifier un ensemble économique, un espace maghrébin cohérent, si un minimum d'entente, disons si une base n'était mise en place ? Les frontières entre le Maroc et l'Algérie sont fermées du fait de l'irascible hostilité des dirigeants algériens, alors que le Maroc n'oppose aucune contrainte et, sur décision de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a ouvert ses frontières au peuple algérien et supprimé le visa d'entrée.

L'histoire enregistre que la frontière, ce symbole que la dérision politique impose entre les peuples, a été supprimée au niveau du Maroc pour ouvrir les portes du Royaume aux citoyens algériens. Mais que ces derniers en restent empêchés, privés du bonheur d'accéder au Maroc par les apparatchiks algériens qui en conçoivent de l'aigreur. Sa Majesté le Roi, tout à sa lucidité politique, imprégné plus que personne des idéaux maghrébins, aura encore une fois été plus que prémonitoire : «En réitérant, affirme-t-il, son attachement à l'ouverture des frontières entre deux peuples frères, le Maroc est loin d'en banaliser l'objectif et de le réduire à quelque avantage étriqué ou à un intérêt exclusif. Son attitude procède, au contraire, de sa fidélité à la fraternité et aux règles de bon voisinage. Elle traduit son ferme engagement en faveur de l'Union du Maghreb, d'autant plus qu'elle constitue un maillon important dans le processus d'intégration arabe que nous appelons de nos vœux». Rien ne résume mieux l'idéal commun que ce propos royal, lancé comme un magistère !
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