«Le Maroc est l'un des pays avant-gardistes en matière du désarmement nucléaire»
Tibor Toth, secrétaire exécutif de la commission préparatoire de l'organisation du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICEN) a effectué une visite officielle au Royaume afin de saluer les efforts entrepris par les autorités marocaines en ce qui concerne le soutien des activités de la commission préparatoire visant l'entrée en vigueur du Traité.
LE MATIN
15 Novembre 2009
À 16:04
LE MATIN : Quel est l'apport du Traité international d`interdiction complète des essais nucléaires au régime international de non-prolifération et au désarmement nucléaire ?
Tibor Toth : Le traité international d'interdiction complète des essais nucléaires est la pierre angulaire du régime de la non prolifération nucléaire. Mais l'idée d'élaborer ce traité ne date pas d'aujourd'hui car elle a germé avant celui de la non-prolifération. En 1963, le premier Traité d'interdiction partielle des essais nucléaires a été proposé puis il a été suivi d'un autre traité en 1968. En 1995, le traité de la non-prolifération des armes nucléaires a été prolongé à une date indéfinie mais on faisait référence déjà à un nouveau traité qui a concerné cette fois l'interdiction complète des essais nucléaires. Ledit traité n'a vu le jour pourtant qu'en 2000 lorsqu'une batterie de mesures a été prise. En résumé, la communauté internationale est consciente qu'il ne pourra y avoir de régime de non prolifération des essais nucléaires sans l'existence d'un traité d'interdiction complète des essais nucléaires.
Quels sont les perspectives de l'entrée en vigueur du traité notamment à la lumière des résultats de la conférence de New York co-présidée par la France et le Maroc en septembre 2009 ?
La conférence de New York était un grand succès. Nous avons pu rappeler aux Etats l`importance du traité. Cette rencontre était marquée par une forte participation d`une quarantaine de ministres et une grande implication des medias. Et grâce à cette conférence, nous avons pu inscrire dans le processus de ratification sept pays parmi les 9 Etats dont l'adhésion pourra mettre en vigueur le traité. Ces pays sont les Etats Unies, la Chine, l'Iran, Israël, l'Egypte, l'Indonésie et l`Espagne. Certes, ces Etats n'ont pas encore ratifié le document. Toutefois, ils étaient d`accord pour adopter le document final. Cela signifie, que ces Etats pourront adhérer, au futur, à la liste des Etats ratifiants. Les autres pays n'ayant pas encore signé le document à savoir l'Inde et la Corée du nord pourraient se référer quant à eux au document final qui constitue un rappel de l'engagement de la communauté internationale à mettre en vigueur ce traité le plus vite possible. En tous cas, nous restons optimistes quant à l'adhésion d'un nombre supplémentaire d'Etats vu la conjoncture actuelle plutôt favorable. En effet, depuis 2000 le nombre de pays adhérents a augmenté d'une manière considérable passant de 50 Etats en 2000 à 150 en 2009 bien que cette période ait été jugée la plus difficile en matière de désarmement nucléaire.
Pensez-vous que certains pays situés dans des zones de tension comme Israël, l'Iran et le Pakistan pourraient un jour ratifier ce traité ?
Chaque pays doit décider de lui-même si la circulation davantage d'armes nucléaires pourra garantir sa sécurité. Personnellement, j'estime que le monde sera plus en sécurité si le désarmement nucléaire est renforcé. Je ne pense pas que le fait qu'il y ait plus de pays possédant des armes nucléaires soit une garantie de la sécurité pour n'importe quel pays. Au contraire, ces pays sont plus vulnérables. Ceux possédant actuellement des armes nucléaires ou encore ceux en voie de développement de ces armes constituent non seulement un danger pour l`humanité mais aussi pour eux-mêmes. Il y aura probablement davantage de problèmes dans les 40 prochaines années si ce traité n est pas ratifié et mis en vigueur parallèlement à d`autres garanties qui devraient être mises en place pour amener les pays à réduire leur arsenal. Aucun expert ne pourra garantir que le monde aura la même chance qu'il a eue ces cinquante dernières années et qu`aucune arme ne soit déployée durant les prochaines années.
Quel est l'objectif du traité ?
Le but du traité est de fournir un cadre pour optimiser la sécurité des Etats. Cela ressemble au domaine du commerce. Si chaque pays maximise ses intérêts commerciaux, cela aboutira au protectionnisme ce qui entraînera une perte générale y compris pour les pays ayant entrepris cette politique. Cela est valable aussi dans le domaine de la sécurité, si chaque pays s'inscrit dans la course pour le désarmement, il y'aura moins de paix dans le monde.
Quel est l'objectif de votre visite au Maroc ?
La première raison de ma visite au Maroc est de remercier le ministère des Affaires étrangères et les autorités marocaines pour leur soutien de nos activités visant l'entrée en vigueur du traité. Comme vous le savez, le Maroc a co-présidé la conférence organisée au mois de septembre à New York et présidera avec la France pour les deux prochaines années tous les efforts qu'entretiendront les pays membres dans le but de la ratification du traité. Outre ce volet, ma présence est due à la formation que nous organisons pour les Etats de l'Afrique du nord et de l'ouest. Le choix d'organiser cet événement dans ce pays revêt tout un symbole. En effet, le Royaume offre plusieurs atouts. Le Maroc est un pays africain, francophone, appartenant à la communauté arabe et se situe à l'avant-garde en matière de la lutte contre la non prolifération et le désarmement nucléaire.
Comment évaluez-vous la coopération entre la commission préparatoire et les pays africains en particulier le Maroc ?
Nous sommes une organisation qui compte actuellement 182 pays membres. Les trois quarts des Etats membres sont des pays en voie de développement. Il est important de souligner dans ce sens que beaucoup de progrès a été réalisé ces dix dernières années grâce au soutien politique scientifique, financier et technique des Etats membres dont le Maroc. Ces pays n'ont jamais baissé les bras et ont toujours cru au traité. -------------------------------------------------------------
Fiche technique du TICE
Les négociations du TICEN ont d'abord été engagées au sein de la Conférence du désarmement où les divergences autour des questions de la durée, de la portée et de l'entrée en vigueur du Traité ont fait obstacle à la conclusion, par le Groupe ad hoc sur la question, d'un instrument international mettant fin, légalement, aux essais nucléaires sous toutes leurs formes. Cependant, et après de nombreuses tractations, le TICEN fut ouvert pour signature en septembre 1996 avec l'adoption de la résolution (A/RES/50/245) de l'Assemblée Générale des Nations unies. A ce jour, le TICEN a réuni 182 signatures dont 150 ratifications. Toutefois, seules 35 pays des 44 figurant sur l'Annexe II du Traité, et dont la ratification est nécessaire pour son entrée en vigueur, se sont joints aux Etats ratificateurs. Sur les 9 pays qui n'ont pas encore ratifié, six sont signataires (Chine, Egypte,Etats-Unis, Indonésie, Iran, Israël) alors que trois n'ont même pas signé le Traité (Corée du Nord, Inde et Pakistan). Afin d'accélérer l'adhésion des autres pays non ratifiants, les Etats signataires ont créé, par la résolution en date du 19 novembre 1996, une commission préparatoire, dont l'objectif principal est de préparer et de valider les moyens nécessaires à la mise en œuvre du régime de vérification après l'entrée en vigueur du Traité. Cette Commission préparatoire se compose des représentants de tous les Etats signataires. Elle se réunit deux fois par an en session ordinaire (en juin et en novembre généralement). Notons que la commission est dotée de trois organes subsidiaires qui siègent régulièrement à Vienne et élaborent, en relation étroite avec le Secrétariat technique provisoire et chacun pour ce qui le concerne, des recommandations qui sont transmises à la Commission