Un événement culturel sans précédent a eu lieu récemment à la capitale du Gharb. L'Union des Ecrivains du Maroc-section de Kénitra a réussi le pari d'organiser, les 16 et 17 janvier 2009, en collaboration avec la maison d'édition «Dar Al Harf », l'Association du festival de Kénitra et le «Center for Cross Learning» de Rabat, la Première rencontre de la poésie arabe.
LE MATIN
23 Janvier 2009
À 15:58
Cette manifestation culturelle, tenue sous le thème «T.S Eliot et la poésie arabe moderne», a permis aux nombreux amoureux de la littérature d'être au rendez-vous avec de grands noms de la poésie arabe contemporaine. Il s'agit du poète irakien Abdulkareem Kasid, du poète syrien Nouri Al Jarrah, du critique littéraire syrien Khaldoun Ashamaa, des poètes marocains Salah bousrif et Mahmoud Abdelghani ainsi que de l'écrivain et critique littéraire marocain Abdelkader Jamoussi. La première soirée de cette rencontre de la magie du verbe, animée par l'écrivain Driss Sghir, était consacrée exclusivement à l'œuvre du poète anglais d'origine américaine T.S Eliot, à son influence quasi exclusive sur la poésie arabe moderne et aux différentes traductions en langue arabe de ses recueils. Tous les intervenants se sont accordés à dire qu'Eliot a marqué de son empreinte la poésie arabe de la seconde moitié du siècle dernier.
Cette influence n'est pas le fruit du hasard, mais le résultat d'un processus historique où les pionniers de la modernité poétique arabe ont trouvé dans la vision eliotienne du monde et dans sa technique d'écriture une voie pour se libérer des carcans de la poésie arabe traditionnelle et classique. On peut citer à cet égard, les sommités poétiques du « Vers libre» Badr Chaker Assiab, Nazik Al Malaika, Salah Abdessabour, Ounsi Al Haj, Adonis et Mahmoud Darouich. Le critique littéraire syrien Khaldoun Ashamaa a choisi comme thème de son intervention «L'interculturalité eliotienne dans la poésie arabe contemporaine ». Il estime que l'influence du poète anglais sur les poètes remonte aux années 40 et 50 du XXe siècle. Le conférencier a, par ailleurs, expliqué les raisons de cette influence.
Il a même considéré que les poètes arabes ont découvert la culture littéraire et poétique de l'Extrême-Orient grâce à Eliot. Selon le critique syrien, le sens du tragique chez Eliot et la forte présence de la mythologie dans sa poésie étaient des éléments compatibles avec les fondements de la culture arabe. Pour sa part, le poète irakien Abdulkareem Kasid, a axé son exposé sur la traduction arabe de l'œuvre Eliotienne. Il a cité, à cet effet, plusieurs noms de traducteurs parmi lesquels Mouâaouya Nour, Faek Matta, Abdelwahed Louloua et Youssef Al Youssouf. Le poète irakien, non sans un brin d'humour, a été très critique vis-à-vis de certaines traductions qu'il a qualifiées de médiocres et qui ont, estime-t-il, dénaturé le travail poétique d'Eliot. Le poète marocain, Salah Bousrif, tout en reconnaissant l'attrait qu'a exercé Eliot sur les poètes arabes contemporains, a néanmoins relativisé l'influence, notamment chez les poètes maghrébins.
Il a, en outre, révélé que les Marocains ont pu découvrir Eliot à travers le poète irakien Assayab, l'Egyptien Abdessabour et le Marocain Ahmed Al Joumari. Cette influence que Bousrif a considérée comme phénomène de mode a « complètement disparu de la poésie marocaine à partir des années quatre-vingt », ajoute-t-il. De son côté, l'écrivain marocain Abdelkader Jamoussi, s'est livré à un exercice de comparaison entre la poésie de T.S Eliot et celle de Nouri Al Jarrah, l'un des grands invités de cette rencontre. L'intervenant a décelé la présence de l'âme eliotienne dans la poésie de Nouri Al Jarrah, plus particulièrement en ce qui concerne la vision du monde. Il estime que cette influence est saisissante dans le poème "Jardins d'Hamlet" du poète syrien par rapport à «Prufrock and Other Observations» d'Eliot parue en 1917. ---------------------------------------------------------------
Une littérature, des influences
Lors de son intervention, Nouri Al Jarrah, a déclaré que cette rencontre revêt une importance capitale dans un pays influencé par l'expérience poétique française. Concernant les influences étrangères sur sa poésie, il a révélé qu'il a lu dès son jeune âge les œuvres d'Eliot, de Byron et d'Oscar Wild et qu'il était toujours fasciné par les mythes et les légendes orientales et occidentales. Il a aussi indiqué que la poésie de T.S Eliot se caractérise par sa dimension esthétique, sa profondeur métaphysique et sa capacité à intégrer les cultures du monde, faisant de lui un poète révolutionnaire à tous égards. En guise de conclusion, le poète syrien a reproché à la poésie arabe ce qu'il a appelé «l'absence de la profondeur intellectuelle».
La deuxième soirée, animée par l'écrivain Hassan Lachgar, a été consacrée à la lecture de la poésie. Les poètes arabes installés à Londres, l'Irakien Abdulkareem Kasid et le Syrien Nouri Al Jarrah et les poètes Marocains Salah Bousrif et Mahmoud Abdelghani ont subjugué le public par la lecture de certains passages de leurs recueils. Abdulkareem Kasid a agréablement surpris l'assistance en lisant des poèmes consacrés à Kénitra, à son fleuve Sebou, à sa plage Mehdia et à la réserve naturelle de Sidi Boughaba.