Ils s'appellent Soo, Marie Docher et Jonathan Prime et ils sont respectivement belge, française et anglais. Ces trois noms correspondent à trois artistes photographes dont les œuvres seront exposées à la Galerie 127 à Marrakech du 15 octobre au 30 novembre.
LE MATIN
07 Octobre 2009
À 15:37
Signe particulier, étrangers qu'ils sont, ils ont capturé des clichés de la Médina de la ville ocre. Chacun d'eux, à sa manière et selon sa sensibilité, a figé des paysages, immortalisé des personnes, des scènes, des objets … qui l'ont marqué. Tous ont le mérite de fuir les clichés qui ont confiné les photographies de cette ville, surtout celles prises par des étrangers, au statut réducteur de folkloriques. Contrairement aux cartes postales capturées par des chasseurs d'images aux horizons limitées, les photos prises par ces artistes fleurent bon un humanisme révélé par une démarche créatrice soutenue. C'est en se livrant à une quête de l'âme de cette ville que Soo, Marie Docher et Jonathan Prime ont réussi à s'éloigner de tout exotisme et à gagner le pari de l'originalité. Un défi qu'il n'était pas aisé de relever, il faut en convenir.
C'est donc de photographies «Medin' Marrakech» qu'il s'agit dans cette exposition qui porte bien son nom. Les photographes ont déambulé dans les rues de la ville, sillonné ses sentiers, scruté ses habitants, senti ses effluves… Ils se sont imprégnés de l'ambiance de la cité pour la transposer dans leurs clichés. A travers les objectifs de leurs appareils numériques, ils offrent un regard singulier de Marrakech tel qu'il s'offre à eux. Ville égérie, cette dernière réveilla en eux les sentiments les plus divers et les moins soupçonnés.
Au gré des rencontres et de l'impulsion du moment, Marie Docher «vole» au temps et à l'éphémère ses clichés pour les inscrire dans la pérennité. «Il y a 20 ans que je vis à Paris et je me suis récemment rendue compte que je n'avais jamais photographié la ville», avoue-t-elle. A Marrakech, elle n'a pu résister à l'appel de la ville ni à l'envie de se l'approprier à sa manière. Plus portée sur les portraits, Soo va au plus près des personnages qu'elle prend en photo dans une mise en scène bien réelle, mais pleine de vie et de vitalité. Souriants, debout, assis, en mouvement ou figés, ses protagonistes racontent tous une histoire et disent quelque chose de leur ville.
Jonathan Prime, lui, a jeté son dévolu sur les ferronniers de Marrakech. Et le photographe de justifier son choix: «Parmi tous les différents artisans des différents métiers du souk, je trouve que les ferronniers sont les plus photogéniques». Les diptyques qu'il propose dans cette exposition mettent en exergue les contrastes qu'il se plaît à accentuer par un jeu de masques révélateur. C'est dire que la ville ocre n'en finit pas de séduire par son charme et sa beauté. -------------------------------------------------------------------------------
Chacun sa technique
Les photographies de Marie Docher font un usage quasi constant du bougé, du flou (technique radicalisée il y a quelques années en France par Patrick Toth, Frédéric Gallier et Hervé Rabot) et de la couleur. Il faut rappeler que la photographe française est également peintre. Peinture qui rattrape l'artiste et intervient comme interface entre l'appareil photo et la ville de Marrakech; une Marrakech comme voilée dans la transparence de la lumière et célébrée dans la couleur. Les photographies de Soo nous montrent, généralement, des corps-silhouettes, des portraits en miniature tellement épurés (la photographe affirme lors d'un entretien privé son goût pour le graphisme et l'épuration) et minimalisés qu'on pourrait les prendre pour des taches d'encre projetées sur un fond blanc. De diptyque en diptyque, Jonathan Prime multiplie les contrastes. Visage masqué sur la première photo par le tissu et les lunettes, visage démasqué sur la deuxième. Le contraste est flagrant : le masque tombé, on retrouve un sourire à peine esquissé, un regard angoissé, une fragilité, une douceur ; l'humanité que chacun porte en lui mais cache souvent sous le masque qui le protège du regard de l'autre.