Othman Benjelloun fait Citoyen d'honneur par les habitants du village sénégalais Latmingué
LE MATIN
26 Avril 2009
À 14:09
Les mots ont leur propre poids. Et ceux échangés jeudi dernier dans l'amphithéâtre de BMCE Bank à l'occasion d'une émouvante cérémonie maroco-sénégalaise avaient valeur de symbole. Leur charge émotionnelle retentit encore et leur sens interpelle avec force nos consciences. Une délégation de citoyens sénégalais, venue du fin fond du Sénégal, de Latmingué exactement, village incrusté dans les profondeurs rurales, a décidé de rendre un éclatant hommage à Othman Benjelloun, président de BMCE Bank pour son action humanitaire : financer la mosquée de leur village. La délégation a tenu à se déplacer de Latmingué à Casablanca pour exprimer sa gratitude au nom des populations du village au donateur, dont l'acte de générosité a changé leur vie et constitué aussi l'exemple parfait de solidarité.
Composée des dignitaires religieux et civils de Latmingué, outre l'ambassadeur du Sénégal au Maroc, Ibou N'Diaye, elle comprenait Samba N'Diaye, commissaire divisionnaire en retraite qui a voué sa vie à son village, Omar Diop, fils du légendaire et défunt Imam Diop, enfin Macoumba Diop, membre du Comité de gestion et de suivi de la mosquée, du complexe qui comprend aussi le sanctuaire dédié à l'imam et de la maison de celui qui lui succède. La salle du Forum de la banque, située au 10e étage, où prédominent d'habitude le gris d'un marbre scintillant et d'austérité discursive, est cette fois-ci transfigurée.
Son rituel – colloques, confrontation de chiffres et débats agitant des courbes qui constituent l'essentiel des activités qu'elle abrite - a vite fait de laisser la place à une cérémonie conviviale qui a pris des allures de communion intime et profonde. Ce matin, elle n'est plus qu'un conclave où la spiritualité élève ses effluves bienfaitrices, où l'échange a inscrit comme un blason la dimension de l'Homme dans les âmes des uns et des autres. Les couleurs vives des boubous, blanc et bleu royal, un mélange bigarré de tons se sont imposés, la transformant en une Agora où la parole enveloppait subrepticement la salle d'échos venus des âges et remplissant les cœurs unis d'émotion. Tout est symbole, ce matin. Et le fait qu'une délégation de représentants du village de Latmingué se déplace, qu'ils aient tenu à exprimer tour à tour leurs témoignages dans des discours qui déroulent leur vertu apaisante et fraternelle ont empreint de leur sceau une cérémonie haute en couleurs et forte en symboles, inscrite surtout sur le sol d'une spiritualité exemplaire.
D'entrée de jeu, le président Othman Benjelloun qui les a accueillis, l'émotion marquant le visage, s'est adressé à ses visiteurs sénégalais en ces termes : «Avec le Sénégal, l'émotion submerge souvent les qualificatifs caractérisant les relations politiques, économiques et commerciales et cela se résume habituellement dans l'évocation de l'exception maroco-sénégalaise».
Tout le ton est donné dans cette phrase. Othman Benjelloun n'en continue pas moins sur la même exigence : «C'est par le spirituel que nous nous sommes rapprochés, les liens les plus pérennes sont en effet ceux nourris par les liens de spiritualité. Et l'éducation en représente le socle. C'est d'ailleurs très certainement un des secrets de la solidité et de la longévité de cette exception maroco-sénégalaise qui éclaire une des dimensions des identités respectives du Maroc et du Sénégal, celles-ci ayant été depuis plusieurs siècles nourries de valeurs ancestrales communes et d'une religion, l'Islam, partagée entre les deux rives du Sénégal et du Sahara ». Et de préciser dans la même dimension oratoire, qu'en 2006, l'ambassadeur du Sénégal à Rabat, Ibou N'diaye, lui-même originaire du village de Latmingué, lui a rendu visite au siège de BMCE Bank pour le solliciter et lui demander de financer la construction d'un lieu de prière à Latmingué au profit de ses habitants, tous musulmans.
C'était exaucer aussi le vœu de feu l'imam Diop, haute personnalité spirituelle du village qui n'a pas désespéré quarante cinq ans durant avant son décès de voir enfin s'élever le monument spirituel de ses rêves. «Je suis très heureux alors, déclare Othman Benjelloun, que nous ayons contribué à la construction de cette mosquée et de ses dépendances. La mosquée de Latmingué est le symbole de la communion spirituelle, au sein de l'Oumma musulmane, entre frères sénégalais et marocains. Elle a été conçue pour être fidèle à cette double identité marocaine et sénégalaise, dans une symbiose qui fait notre fierté commune». Les allocutions prononcées ensuite par les représentants du village Latmingué portent comme une ferveur qui les traversent de la même dimension spirituelle.
Elles expriment une gratitude, certes, mais vont au-delà de l'événement lui-même pour se placer dans un large contexte. «Sans l'aide protectrice de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Amir Al Mouminine, a déclaré Omar Diop dans une langue arabe châtiée, l'amitié maroco-sénégalaise n'aurait pas atteint le niveau que nous lui connaissons ». Fils de l'ancien imam Diop, dont l'existence entièrement vouée au culte, était aussi marquée par un désir et un seul, ériger une mosquée au village, Omar Diop a raconté comment la délégation a été mandatée par les populations pour exprimer de vive voix leurs remerciements au mécène Othman Benjelloun. Omar Diop a prononcé une allocution des plus émouvantes, parce qu'elle se veut un témoignage de poignante humilité : «Cette mosquée, nous l'avons obtenue grâce à votre générosité, dit-il, mon père avait attendu pendant près de cinquante ans cette nouvelle.
Celui qui l'a réalisée pour nous, Othman Benjelloun dont le prénom nous rappelle Othman Ben Affane, (troisième khalifa de l'Islam, après Abou Bak Ibnou Siddiq et Omar Ibnou al-Khattab, ordonnateur aussi du texte du Coran), est l'aimé de Dieu et du Prophète. Omar Diop, dont la parole est encore plus saisissante, n'en continue pas moins sur la même lancée émotionnelle, l'assistance l'écoutant avec déférence : «Quand mon père a appris la nouvelle que le donateur Othman Benjelloun allait construire la mosquée, il m'a dit : je suis heureux, je peux partir maintenant, mon travail est terminé. Voici votre mosquée. Quinze jours plus tard, il est mort». Le jeune imam, drapé dans son boubou bleu, silhouette filiforme et altière, dit alors : «Acceptez nos excuses pour avoir mis du temps avant de venir vous exprimer notre gratitude. Nous sénégalais vous aimons comme vous Marocains, vous nous aimez».
Pour sa part, tout à son dévouement, Macoumba Diop, membre du Comité de suivi de la Mosquée, remarquable institution locale que les villageois ont mis en place démocratiquement et selon un mode de concertation qui remonte loin dans le temps, a remis ensuite la Clé de la cité de Latmingué au président de BMCE Bank avec ces paroles marquées au coin de l'hommage chaleureux : «Je vous remets la Clé de la Ville, les instruments qui font de vous également le Citoyen d'Honneur de Latmingué, acceptez leur modeste geste, pour vous, votre famille et vos collaborateurs». Les applaudissements fusent de toutes parts, traversent aussi la salle du forum et l'histoire, de nouveau, s'est mise à l'œuvre pour une page maroco-sénégalaise inédite. Othman Benjelloun, debout, la silhouette dressée comme un chêne, semble peiner à contenir son émotion et ses larmes. Il est enveloppé par cette convivialité familiale qui, en cet instant même, inonde la salle et souffle comme un vent frais de vie et d'amour.
Le diplôme du Mérite de Latmingué à la main, il n'a de cesse de le montrer à l'assistance comme ce premier écolier, fier de sa prestation, partageux aussi de son bonheur. La Médaille de la Ville, les clés de la Ville, et puis, suprême hommage, le titre de Citoyen de Latmingué ! Les villageois représentant quelque 83 localités se sont réunis en comité, en ont délibéré avant d'octroyer au président de BMCE Bank de tels titres significatifs dans leur sobriété et immenses dans leur symbolique. Quand il prendra la parole pour remercier ses hôtes, Othman Benjelloun a la gorge serrée d'émotion : « Je suis ému, Messieurs les représentants du village de Latmingué, Monsieur l'ambassadeur N'Diaye que vous vous soyez déplacés jusqu'à Casablanca pour me conférer la Citoyenneté d'Honneur de votre village et de m'en remettre symboliquement la clé.
Le Sénégal occupe une place de choix, en tout état de cause une place chère à notre groupe. Je dois avouer, dit-il, que je ne m'attendais pas à tant d'émotion que contient votre hommage. Je ne m'attendais pas à tant d'éloges de votre part. Toutes ces paroles et ces témoignages me vont droit au cœur, je ne puis les oublier. Vous avez parlé de fidélité, c'est l'une des vertus de notre religion. Je me rends compte, à écouter vos généreuses paroles, que j'ai fait un petit geste, mais en revanche, vous en avez fait un grand, vous avez élevé, comme il faut, l'événement à l'échelle de la fraternité entre nos deux pays et nos peuples. C'est la volonté de Dieu. Nous sommes musulmans et donc ses messagers. Nous agissons sur la dictée de Celui qui nous inspire, facilite notre travail».
En guise de conclusion, il dira solennellement : «Je vous promets de venir vous rendre visite à Latmingué, maintenant que je suis Citoyen d'Honneur et la Clé du village me donne tous les droits, sachant que j'y serai bien accueilli… »