Derb Ghallef, un marché d'imitation par excellence
A l'ombre d'une campagne menée contre le piratage et ses acteurs, recueillir l'avis et le point de vue de ces marchands de CD piratés semble nécessaire pour développer la réflexion sur ce fléau.
LE MATIN
04 Juin 2009
À 17:37
Étant, selon des artistes, un facteur destructeur du travail artistique, le piratage a des effets négatifs sur leur moral. Dans la ville blanche, ce commerce fleurit dans plus d'un endroit. Choix de taille, le marché ou la «joutya» de Derb Ghallef s'avère un « paradis » de piratage. Classé premier marché de l'informel dans le Royaume, il regorge de produits tous types confondus, neufs, occasions ou recels. Pas besoin de pénétrer dans cette « jungle » pour trouver des vendeurs de CD, et de DVD piratés. La marchandise de ces jeunes hommes retient le regard et l'intérêt des passants à coup sûr. Entassés à l'entrée principale du marché, ces vendeurs sont perpétuellement occupés à tester des CD pour les clients. En effet, les prix dits convenables affichés à Derb Ghallef attirent la majeure partie des clients. Rachid en est un. Passionné du cinéma mondial, ce jeune casablancais, âgé de 19 ans, effectue une visite hebdomadaire, précisément chaque samedi, pour se procurer les derniers DVD du Box office. Des films tout récents, à peine diffusés dans les grandes salles. «Je suis sûr que je ne trouverai ces films nulle part ailleurs.
Ce n'est pas vraiment important s'ils sont piratés, l'important pour moi c'est de voir les dernières sorties», indique ce jeune. Et d'ajouter que «le principal atout de Derb Ghallef réside dans l'existence d'un espace d'informel où les prix demeurent inférieurs à ceux pratiqués dans le circuit structuré». Par ailleurs, ce sont des dizaines de marchands, à Derb Ghalef qui jugent leur activité commercial comme légitime. « Les gens ont le droit de voir et d'écouter les nouveautés de la scène nationale et internationale. Moi-même j'ai eu affaire à des artistes marocains qui affirment que le piratage leur a permis d'être plus célèbres et mieux connus ». Cet avis qui demeure personnel chargé de subjectivité est répété par la quasi-totalité des marchands de CD piratés. Il constitue, au même temps, le champ de bataille de L'Association marocaine contre le piratage (AMLP). Cette institution associative réunit un éventail d'artistes marocains qui luttent contre le fléau du piratage. L'association a dernièrement organisé dans la métropole un sit-in pour sensibiliser le public au danger de l'extension du marché du piratage.
De fait, créateur et président de l'association AMLP, Nabil Ayouch, a souligné que les répercussions du fléau du piratage ont dépassé le domaine de l'artiste pour toucher d'autres secteurs en relation avec la création, réduisant la production artistique en général et baissant le nombre des studios et des salles de cinéma. Nabil Ayouch souligne que « le plus efficace n'est pas de combattre les petits vendeurs de CD mais les grands « pirates » qui encaissent des millions de Dhs chaque jour de ce commerce illégal ». Et d'ajouter que le piratage attire de grands amateurs. Cela se concrétise, effectivement à la « joutya » Derb Ghalef. La clientèle de ce marché, provient de catégories sociales hétérogènes. Pour certains, l'existence de produits de contrebande à bas prix, dont ils estiment la part à 20% des produits commercialisés, n'est pas l'avantage principal. Ce dernier réside essentiellement dans l'économie et les effets d'agglomération, qui en font un pôle attractif. Dans ce lieu, l'avantage se situe aussi dans l'existence d'un espace d'informalité avec absence de certaines charges fiscales. -----------------------------------------------------------------
La légende
Le marché de Derb Ghallef réunit des marchands d'articles informatiques, de prêt-à-porter ou encore de meubles. Les produits phares restent les récepteurs satellites, les téléphones portables et les produits alimentaires. Il suffit d'effectuer un tour au souk pour se rendre compte que le lieu ressemble beaucoup plus à une caverne d'Ali Baba qu'à un marché proprement dit. A chacune de leurs visites, les habitués de cet endroit sont rassurés qu'ils puissent aisément trouver la perle rare. Certains visitent régulièrement le «joutya». Il faut dire que les produits électroniques sont la spécialité du marché. La quasi-totalité de ces marchandises provient de la contrebande.