Un autre géant de la scène théâtrale nationale s'en va ! C'était dans la nuit du samedi à dimanche que Mohamed Saïd Afifi a rendu l'âme à l'hôpital militaire de Rabat. Père de deux enfants, l'artiste qui a marqué la dramaturgie marocaine par sa belle empreinte s'en est allé à l'âge de 76 ans en laissant derrière lui une œuvre des plus riches et des plus remarquables.
LE MATIN
07 Septembre 2009
À 16:03
En grand passionné des planches, l'homme avait l'art de jongler entre les genres et les registres même s'il était connu pour sa grande préférence pour le théâtre mondial. Sa longue carrière artistique en dit long d'ailleurs sur ses travaux et sur leur qualité artistique. Les témoignages de ses confrères, évoquent un homme d'esprit, plein de sources, multitalentueux, grand passionné et éminent enseignant qui avait l'art de transmettre son savoir en toute simplicité. Ses différents rôles au théâtre sont restés gravés dans la mémoire du public marocain. Sa gestuelle expressive, sa voix au timbre grave et sa présence charismatique en ont fait un comédien d'exception doublé d'un dramaturge de gros calibre.
La critique le considérait comme l'un des auteurs les plus marquants grâce notamment à sa capacité de marier les genres. Chez lui, la tragédie s'alliait à la comédie pour servir des pièces pleines d'émotion. D'après des témoignages de Taïb Seddiki, Mohamed Saïd Afifi serait le parrain de l'intégration de l'interprétation théâtrale à la télévision. Friand de découverte et d'analyse, le dramaturge menait des recherches approfondies sur le théâtre mondial, qui était sa grande passion. D'ailleurs, beaucoup d'entre nous se souviennent de cet amoureux d'Othello au verbe grave et au geste fortement théâtral. Ses différents prestations au cinéma et à la télévision trahissaient son passé sur les planches.
Fidèle à sa signature bien personnelle, il interprétait ses rôles avec cette même intensité et cette profondeur propres au théâtre.
Avant d'en arriver là, Mohammed Saïd Afifi a démarré sa carrière artistique dans les années soixante. Il fait des débuts prometteurs avec le groupe Mâamoura dans lequel il ne tardera pas à se distinguer. Son talent est plus qu'évident surtout lorsqu'il s'adonne à l'interprétation des rôles complexes du théâtre mondial parmi lesquels on cite le mémorable "Hamlet". Les années soixante-dix verront sa nomination au poste du directeur du théâtre municipal d'El Jadida. Ce fût une époque bien fertile pour le dramaturge qui a réalisé plusieurs pièces théâtrales en ce moment telles "Saouaih" et "Tkaâkiâ" avec les artistes Mohamed Benbrahim, Mohamed Darham et Mohamed Chahraman.
Après El Jadida, Afifi va partir à Casablanca pour enseigner le théâtre au conservatoire.
Il participe à la formation des jeunes artistes tout en transmettant une vision personnelle du théâtre, de l'interprétation et de l'art en général. La troupe «Mines de Jrada» sera sa prochaine escale. Il y dirigera les acteurs tout en partageant sa passion avec eux. Il mettra en scène plusieurs pièces et «Aâmail Jha» sera la plus remarquable. Il varie les influences et puise son inspiration dans le patrimoine marocain tout en l'enrichissant par les courants qui ont alimenté le théâtre mondial.
Le fruit sera une production exceptionnelle mariant poésie, rigueur et profondeur. En parallèle avec sa carrière théâtrale, feu Afifi aimait à expérimenter les autres disciplines. Connu pour ses talents multiples, le comédien en cachait un musicien qui jouait à plusieurs instruments et particulièrement à la contrebasse. Il excellait également dans l'art du mime et la psalmodie du Saint Coran. ----------------------------------------------------------------
Multitalentueux
Les prestations d'Afifi rares mais mémorables au cinéma et à la télévision confirment d'ailleurs cette image d'artiste atypique, surprenant, parfois bizarre mais toujours aussi talentueux. Il collabore avec plusieurs réalisateurs tels Mohamed Bouanani, Hakim Noury. Il a plusieurs films au cinéma comme son rôle du prétendant de la belle-mère dans «Elle est diabétique et hypertendue et ne veut pas mourir» et son rôle dans «Assarabe».
Il joue également à la télévision, sa dernière apparition fût dans la série policière «AL Kadia» de Noureddine Lakhmari. Il y jouait le rôle d'un artiste-peintre lunatique accusé du meurtre de sa jeune maîtresse.
Une prestation digne d'un grand homme du théâtre qui n'hésite pas à abolir les frontières entre les arts pour les unir sous le drapeau du talent. Pionnier jusqu'au bout, feu Mohamed Saïd Afifi serait le premier homme de théâtre à offrir l'occasion à des non-voyants pour se produire sur les planches.