Ambrine, Dahlia, Amma, Hanna, Iliana, Lilian, Liliana, May, Noreen, Yanis, Naïm, Naël, Yoni, Nourri, Youri… Fort probablement, vous seriez surpris des prénoms «branchés» pour lesquels optent aujourd'hui nos concitoyens d'ici ou d'ailleurs.
LE MATIN
18 Février 2009
À 11:29
En effet, toute une déclinaison de prénoms masculins et féminins très tendance feront leur apparition pour l'année 2009, mais qui sont loin de faire l'unanimité… parfois même au sein d'une seule famille ! Quelles raisons poussent les parents à aller toujours plus loin dans l'originalité au moment du choix des prénoms de leur progéniture? Sur quelles bases les autorités peuvent-elle refuser ou non le choix de tel ou tel prénom? Enfin, quels sont «les indémodables», les «Has been», et les nouveautés pour cette année en matière de prénom ? Autant de questions auxquelles nous tenterons de répondre avec le psycho-sociologue Abdelkrim Belhadj, mais également avec des couples fraîchement papa et maman, et qui nous expliquent les raisons de leurs choix. Pour Abdelkrim Belhaj, les raisons qui motivent le choix du prénom doivent toujours être d'ordre sentimental, émotionnel et affectif. Car, dit-il «lorsque des calculs de type stratégiques, comme le choix occidental d'un prénom en vue d'une vie future en Occident sont appliqués, cela peut-être sources de problèmes identitaires, voire de problèmes au niveau de la formation identitaire de la personne».
Trop d'originalité, un souci d'intégration (dans le cas des ressortissants) et un désir d'assimilation un peu trop prononcé peuvent parfois être fatals. C'est le cas d'Aïcha, qui s'est vu essuyer un refus par les fonctionnaires du consulat du Maroc à Marseille: «J'ai voulu appeler ma fille Noreen, mais le responsable au consulat a refusé en disant qu'au Maroc c'est Nora ou Noria. Je suis ressortie les yeux en larmes, blessée et frustrée comme jamais!» Aïcha est perplexe face à ce refus d'autant plus qu'elle ne comprend pas sur quels arguments était motivé ce refus. Bien que vivant en France, le cas d'Aïcha, montre que même dans un «creuset» où cultures, nationalités et cultes se mixent à l'image de la diversité française, le choix du prénom reste tributaire de l'appartenance nationale. Mais au-delà des divergences culturelles, quelles sont les véritables motivations d'un refus ? Les langues ne se délient pas facilement du côté des autorités, mais quand nous interrogeons le fonctionnaire principal de la «Qiyada» de Sidi Belyout, il explique sans ambiguïté qu'en théorie, tous les prénoms sont acceptés, pourvu qu'ils soient authentiquement «Marocains» ou «arabo-musulmans».
Mais où commence la marocanité d'un prénom, et où se termine-t-elle ? Idem pour l'aspect arabo-musulman, où commence-t-il, et où se termine-t-il ? Autant de questions auxquelles il paraît difficile de répondre. Pour Abdelkrim Belhadj, le choix du prénom reste en définitive très influencé par l'environnement. Ainsi, une famille marocaine qui vit en Europe depuis des décennies, selon qu'elle soit conservatrice ou libérale, va dans le premier cas opter pour des prénoms considérés comme obsolètes, voire complètement «has been», tandis que dans le second cas, optera pour un prénom beaucoup plus «passe-partout» et «international» dans un souci d'intégration et de discrétion. Il poursuit: «les refus ou acceptations d'attributions d'un prénom sont assez complexes, car ils font intervenir à la fois des textes de loi du ministère de l'Intérieur datant de plusieurs décennies, mais aussi un consensus entre les différentes parties intéressées: citoyens, administration, autorité publique…».
En revanche, certains prénoms «démodés» ne font plus rêver grand monde sauf peut-être des nostalgiques d'un «temps révolu», celui de nos grands-mères et arrières grands-mères. En effet, les dérivés du prénom Fatima (Fatum, Fatma, Fatna, Tamo, Attam, Ftina, Fatouma...) ou ceux de Khadija (khaddouj, khdija…) en passant par Rqia ou Batoul, n'intéressent plus les Marocains qui semblent avoir résolument tourné la page d'une époque lointaine, où des prénoms comme Fatna ou Tamo font office d'«antiquités». --------------------------------------------------------------
Héritage commun
Adam, Messaoud, Amir, Habib, Amran, Acher, Dîna, Yamna, Yahya, Youssef, Yaaqob, Zakariya, Ismaël… autant de prénoms revendiqués à la fois par la tradition juive que musulmane, chacune se réclamant de la filiation abrahamique. Et si finalement, cette longue liste de prénoms puisait ses sources dans une seule et même origine commune à ces deux identités religieuses ? C'est vraisemblablement cette réponse qu'apporte Rémi Hess, écrivain et sociologue français, professeur en sciences de l'éducation à l'université de Paris VIII, dans ses récentes «Etudes sémiologiques et ethnolinguistiques des langues orientales» où il démontre comment l'arabe et l'hébreu prennent racine dans la langue araméenne ancienne, elle-même issue du phénicien. Entre autres exemples, les origines sémitiques du prénom «Izhaq» qui vient de l'arabe et de l'hébreu rire («yadhak»), ou encore Adam qui signifie en hébreu et en arabe sang («Adom» en hébreu, «addam» en arabe). Cette universalité de noms parviendra-t-elle à remettre sur la voie de la sagesse et de la réconciliation les enfants déchirés d'Ibrahim ? Par des temps obscurs, on ne peut que l'espérer !