Un mois seulement après des élections parlementaires indiennes décisives, le gouvernement indien a choisi la voie de l'ouverture tous azimuts et sans complexe sur la presse internationale.
LE MATIN
28 Juin 2009
À 10:53
Son ministère des Affaires étrangères a jugé bon d'inviter son premier groupe de journalistes du monde arabe dont le Maroc. La symbolique d'un tel choix est chargée de connotations du moment où l'Inde, qui a des relations privilégiées avec la majorité des pays arabo-musulmans, veut aujourd'hui jeter des ponts solides dans les domaines économiques, sans omettre la composante culturelle des échanges. Lors d'une rencontre, mardi dernier à New Delhi, avec le vice-président indien Hamid Ansari, il a insisté sur les bases séculaires des relations entre l'Inde et l'ensemble des pays arabes, du Maroc jusqu'au Golfe. «Nous sommes conscients, les uns les autres, de nos problèmes et nos sensibilités», a-t-il dit, faisant référence aux grandes affinités historiques qui ont toujours marqué ces rapports. Son ambition, il l'exprime ouvertement, est d'arriver à plus d'équilibre dans les relations entre les pays développés et ceux en voie de développement. En interne, le haut responsable estime que le besoin est pressant pour un développement rapide qui ne perd pas non plus de vue la nécessité d'une répartition équitable des fruits du progrès. Justement, c'est cet état d'esprit qui règne chez le citoyen et s'empare du débat en Inde.
En tant que puissance économique mondiale de plus d'un milliard d'habitants et un PIB de plus d'un milliard de dollars, ce «continent» de l'Asie du sud veut accélérer la cadence pour que cette richesse soit visible dans la vie quotidienne du peuple indien. Mais pour la plus grande démocratie du monde, n'ayant obtenu son indépendance qu'en 1947, le processus reste lent du moment où les politiques sont d'abord l'expression des urnes. Tout le monde en Inde en est conscient. La démocratie a un prix. C'est pratiquement à l'antipode du modèle chinois, où le développement reste l'apanage du Parti communiste, mais qui malgré les critiques à son encontre a fini par donner ses fruits. En tout cas, les plus récents pronostics versent dans le même sens. Celui d'une Inde qui résiste bravement à la crise financière mondiale, nonobstant les défis majeurs du terrorisme et de la pauvreté qui les taraudent. Car, selon les estimations officielles, un quart de la population se trouvent sous le seuil de la pauvreté. Pour y pallier, le gouvernement a décidé d'allouer 12 milliards de dollars aux petits paysans et de garantir un minimum de 100 jours de travail par an. Ce qui en d'autres termes veut dire que l'Inde a encore besoin de quantités considérables de fertilisants extraits des phosphates. A ce propos, Sibabrata Tripathi, secrétaire adjoint aux Affaires étrangères, chargé de l'Asie de l'Ouest et de l'Afrique du Nord, a affirmé que son pays continuera à s'en approvisionner indépendamment des humeurs des cours mondiaux. Ce rythme et cette confiance dans l'avenir est visible à tous les niveaux de la société.
Une meilleure croissance en 2010 En grande manchette sur la une de mardi dernier du Mail Today (New Delhi), l'on pouvait lire : «L'Inde connaîtra une meilleure croissance qu'en Chine en 2010». Le quotidien reprend un rapport de 2009 de la Banque mondiale qui prévoit une performance du PNB de 8% en faveur de l'Inde contre 7,5 pour la Chine. Face aux bourrasques de la dégringolade financière mondiale, le pays du Mahatma Ghandi affiche une santé insolente, favorisée par une politique économique agressive tirée par la consommation interne et les grands projets d'infrastructures. En 2008, nous explique Vishnu Prakash, secrétaire adjoint et porte-parole du ministère des Affaires étrangères, l'Inde a réalisé une croissance de 6%. «Avec 300 millions d'Indiens qui constituent la classe moyenne et un taux d'épargne de 35% régulièrement réinjecté dans l'économie réelle, la croissance est garantie», soutient le responsable. En effet, l'Inde est en pleine mutation. Les traits du changement ont commencé à se dessiner depuis seulement une dizaine d'années lorsque la politique gouvernementale s'est tournée à pleine vapeur vers les infrastructures de base qu'il fallait absolument améliorer vu l'état de dégradation avancé dans lequel elles se trouvaient. Aujourd'hui, un budget de 100 milliards de dollars y est exclusivement destiné.
Le visiteur de Delhi remarquera au premier abord les chantiers qui y pullulent. Des routes, rocades, ponts, mais aussi des zones d'affaires et d'autres de résidence. Tout ce bourdonnement qui promet un butin de développement est parsemé d'une pauvreté choquante. Et quand on apprend que 60% de la population vit dans le rural et que la croissance doit globalement venir de l'intérieur, les entreprises locales sont obligées de produire moins cher sans pour autant faire trop de concessions sur la qualité. Car, pour V.K. Mathur, responsable à la Confédération des industries indiennes (CII), l'Inde et les pays arabes représentent les marchés de l'avenir.
Vers une puissance économique humble La qualité qui, à l'exception du Japon, n'a jamais été vue comme le fort des pays asiatiques, est désormais incontournable pour se positionner dans une compétition de plus en plus féroce. Justement, Mathur nous confie que l'Inde compte exporter des voitures en Europe et aux pays latino-américains dès l'année prochaine. Selon le responsable, la construction des voitures économiques élit de plus en plus l'Inde comme terre d'accueil. Et pourtant, malgré que le pays soit fort d'un PIB de presque 1200 milliards de dollars, occupant la quatrième place dans le monde, et des projets titanesques en devenir, Mathur tient à préciser une chose : «Nous ne sommes pas comme la Chine ou les Etats-Unis. Nous ne voulons pas devenir une superpuissance mondiale à économie hégémonique». Mais en tout cas, les nouvelles empreintes d'une Inde moderne sont déjà là. A quarante kilomètres de Delhi, la ville de Gurgaon est pratiquement neuve et principalement dédiée aux nouvelles technologies de l'information et de la communication et à l'outsourcing. Ici, c'est l'incarnation de l'intérêt accordé à la matière grise.
Des milliers d'ingénieurs y travaillent et y habitent côtoyant des noms mondialement connus dans les domaines de l'économie et des technologies. Une société comme Genpact, spécialisée dans les solutions personnalisées dans l'outsourcing, représente la fierté de l'Inde nouvelle. Présente un peu partout dans le monde, elle compte une centaine de gros clients comme General Motors. Avec toutes ces réalisations, il faut dire que le pays n'a pas encore atteint la vitesse de croisière d'un développement profitable à tous. Certes, le tout récent métro de Delhi a donné une idée aux décideurs et à la population de ce que peut être une vie plus simple respectant la dignité de l'homme. Si le pays continue sur sa lancée, comme les responsables le promettent, il faut s'attendre à une vraie révolution économique dans la région et dans le monde. --------------------------------------------------------------
Le come-back du Parti du Congrès
Les élections parlementaires indiennes sont une vraie machine aux dimensions incomparables. C'est comme si les USA et l'UE se mettaient à voter ensemble sous l'égide d'une seule et unique entité. Le dernier scrutin organisé le 16 mai dernier a connu la participation, tenez-vous bien, de 700 millions d'électeurs. Ce qui fait de l'Inde, la plus grande démocratie dans le monde. Le nombre des fonctionnaires qui ont participé à leur organisation est estimé à 5,5 millions de personnes. Avec de tels chiffres, c'est le vote électronique qui a été utilisé par le biais de machines made in India. Grâce à ce système, les résultats sont obtenus en seulement quatre heure après la fermeture des bureaux de vote. Ces élections ont été marquées par le retour en force du parti historique du Congrès. Ce dernier a remporté 261 sièges parlementaires sur 543 contre seulement 159 pour l'opposition. Il s'agit d'une majorité constituée d'une union dite de l'alliance progressive qui sera au pouvoir pendant cinq ans. C'est aussi une victoire sans appel de la présidente du parti du Congrès, Sonia Gandhi, de son fils et secrétaire général de la même formation, Rahul Gandhi et du Premier ministre sortant Manmohan Singh. Cette victoire est considérée comme une ouverture sur de nouvelles perspectives de développement et une réponse aux espérances du peuple indien.