Le Moyen-Orient démythifié

Il y a deux ans, alors que je planifiai mon tour du monde dans mon appartement de Tokyo, j'envisageai de passer par le Liban, la Syrie et la Jordanie, uniquement comme points de passage obligés entre la Turquie et l'Egypte. L'idée de séjourner au Moyen-Orient me terrifiait et m'intriguait à la fois.
La plupart des nouvelles sur Tel Aviv, Damas ou Beyrouth parlaient de terrorisme, de guerre civile, de rapts et d'attentats suicides. Pourtant je ne pouvais m'empêcher de me demander si cette partie du monde était bel et bien cette étendue de sable explosive, remplie de musulmans fanatiques, de femmes réprimées et de violence que nous montre la télévision. Mais j'étais également certaine que j'y serais confrontée à la haine, soit personnellement en tant que ressortissante américaine, soit indirectement par rapport à mon pays.
Alors pourquoi vouloir m'y rendre ?

Je voulais voir par moi-même à quoi ressemblait la vie au Moyen-Orient et comprendre la politique de cette région qui touche le monde entier. Je voulais, à ma façon, naïve et idéaliste, contribuer à une meilleure compréhension entre l'Occident et le monde musulman. Depuis que je suis au Moyen-Orient, j'ai été profondément-et constamment-surprise par ce que j'y ai découvert. M'étant toujours crue ouverte d'esprit, ce n'est qu'une fois arrivée ici que je me suis vite rendu compte j'avais encore des notions profondément ancrées en moi qui étaient erronées :
1) Le Moyen-Orient est un désert chaud et aride.
J'avais imaginé des déserts brûlants, des paysages lunaires et solitaires et des villes grisâtres et peu attrayantes, avec du béton à perte de vue. C'est vrai, il y a des endroits comme cela ici, mais à mon grand étonnement, il y aussi des villages pittoresques perchés sur des falaises, avec des maisons aux toits rouges, des vallées luxuriantes, des gorges vertigineuses, des vergers à flan de coteau et des cimes enneigées surplombant la Méditerranée. Autre surprise : le désert «brûlant» tel que je l'imaginais, pouvait aussi être enneigé et glacial ! Dans le désert syrien, je portais plusieurs couches de vêtements pour éviter les gelures. Par ailleurs, j'ai fait du snowboard au Liban– mais il faisait trop froid pour que je puisse expérimenter le cliché chers aux Libanais : « dévaler les pentes de ski et faire un plongeon dans la Méditerranée le même jour».

«C'est donc ça le Moyen-Orient ?» me disais-je sans cesse.
La beauté et la diversité de cette région m'émerveillaient
2) Le Moyen-Orient est plein de musulmans fanatiques brandissant le Coran à tout bout de champs.
Dans beaucoup d'endroitsUn peu partout au Moyen-Orient, les musulmans sont en colère, et je crois sincèrement qu'ils en ont le droit (je ne cherche par ces propos ni à justifier les actes de terrorisme, ni à prendre parti). Or, personnellement, je n'ai jamais subi cette colère, pendant mon séjour, tout au plus ai-je participé à des discussions animées. Ici, la religion fait partie intégrante de la vie quotidienne. Un homme prosterné sur son tapis de prière dans la rangée des produits laitiers d'une épicerie, l'appel à la prière tous les jours à 4 heures du matin diffusé par des haut-parleurs qui grésillent ou une femme marchant dans la rue couverte de la tête aux pieds sont autant d'exemples qui montrent que la religion-à savoir, l'islam-n'y passe certainement pas inaperçue.

Mais pas d'une manière haineuse ou violente.
J'ai visité de nombreux lieux saints et des mosquées, toujours accueillie les bras ouverts bien que non musulmane. Dans mes conversations avec des musulmans à propos de leur religion, qu'il s'agisse d'un berger de village, surveillant son troupeau ou d'un habile chauffeur de taxi de la ville, j'ai remarqué qu'ils parlent tous de paix, d'amour et de famille et n'expriment de la colère que vis-à-vis de ceux qui ont détourné l'islam à des fins politiques ou dans le but de semer la terreur. La plupart des musulmans du Moyen-Orient s'appuient sur leur religion pour avoir un sentiment de stabilité dans un monde incertain, et ceux que j'ai rencontrés durant mon voyage figurent parmi les personnes les plus honnêtes et généreuses que j'ai jamais vues
3) Le Moyen-Orient est un endroit dangereux et ses habitants détestent les Américains.

En tant que jeune femme américaine apparemment seule et sans défense, je m'étais dit qu'en foulant le territoire de «l'axe du mal», je deviendrais la cible idéale de rapts et de crimes haineux. En effet, j'ai été une fois otage, mais de l'incroyable l'hospitalité des gens qui m'ont retenue. Je me suis sentie bien plus en sécurité ici que dans bien des pays où j'ai voyagé en Asie, en Europe ou sur le continent américain.
Je me trouve au Moyen-Orient depuis plus d'une année maintenant et jusqu'à présent, je n'ai entendu parler d'aucun incident à propos d'étrangers voyageant comme moi, à qui il serait arrivé quelque chose de grave, si ce n'est un mauvais achat ou une course de taxi avec un chauffeur un peu filou. D'ailleurs, beaucoup de gens d'ici et d'ailleurs à qui j'ai parlé m'ont fait part de leur crainte d'aller en Amérique, qui donne l'image d'un pays où l'on tire des coups de feu dans les écoles, où les gangs sévissent dans les rues et où les crimes violents sont nombreux. Et que pensent-ils des Américains ? La plupart des personnes que j'ai rencontrées me disent franchement à quel point elles déplorent la politique de mon gouvernement, mais elles ne m'en tiennent pas rigueur pour autant.

A vrai dire, en tant qu'Américaine, c'est de la part des Européens et des ressortissants d'autres pays occidentaux que j'ai ressenti le plus de dédain et de discrimination. Je suis consciente que je n'ai fait là que gratter la surface de la «vraie» situation qui règne dans la région. Je ne prétends pas en savoir plus que ce que j'ai pu vivre moi-même en tant que touriste et étrangère. Je suis très heureuse d'avoir eu l'occasion-et le courage-de faire abstraction des idées reçues pour faire l'expérience de cette terre mystérieuse par moi-même.